Affirmant que le gouvernement canadien met intentionnellement en danger la vie de ses citoyens les plus jeunes en ne faisant «pratiquement rien» pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), l'organisation Environnement Jeunesse souhaite intenter une action collective contre Ottawa.

Inquiète du peu de temps qu'il reste pour contrer le réchauffement climatique et des mesures du gouvernement canadien qu'elle juge insuffisantes, Environnement Jeunesse s'adresse aux tribunaux pour forcer Ottawa à en faire plus.

L'organisation a déposé lundi en Cour supérieure du Québec une demande d'autorisation pour exercer une action collective au nom de tous les Québécois de 35 ans et moins, «la génération qui risque d'être la plus affectée par les changements climatiques», a expliqué à La Presse sa directrice, Catherine Gauthier.

«Le Canada a adopté des cibles de réduction qui, même si elles sont réalisées, vont participer à l'augmentation des [GES] au-delà des niveaux que le gouvernement a lui-même jugés critiques pour la protection de la vie et de la sécurité des générations futures», peut-on lire dans la requête.

«Un tel comportement constitue une faute intentionnelle commise de mauvaise foi», estime l'organisation fondée en 1979 et qui a pour mission de conscientiser les jeunes aux enjeux environnementaux.

En plus de chercher à obtenir une déclaration affirmant que le comportement du gouvernement canadien porte atteinte aux droits des jeunes afin de le forcer à rectifier le tir, l'organisation vise également une condamnation en dommages et intérêts punitifs.

Environnement Jeunesse réclame une somme symbolique de 100 $ pour chacun des 3471 903 Québécois de 35 ans et moins, ce qui représenterait un total de près de 350 millions de dollars.

Cette somme ne serait cependant pas distribuée aux membres de l'action collective ; elle servirait plutôt à financer une «mesure réparatrice pour contribuer à freiner le réchauffement climatique», précise la requête.

«Peu importe le montant, ça ne permettra jamais de compenser pour les violations [alléguées]», estime Catherine Gauthier.

Cible «inadéquate et sans valeur»

Rappelant le «consensus scientifique et politique international selon lequel il est urgent d'agir» afin d'éviter que le réchauffement climatique, attribuable à l'activité humaine, engendre des effets «irréversibles et dangereux», la requête rappelle les engagements pris par le Canada, de Rio à Paris en passant par Kyoto.

«Au cours des 25 dernières années, le Canada s'est engagé à quatre reprises à réduire les émissions de GES dans le cadre d'accords internationaux. Aucun de ces engagements n'a été respecté.»

Environnement Jeunesse rappelle aussi que les libéraux de Justin Trudeau avaient qualifié en campagne électorale d'«inadéquate et sans valeur» la cible du gouvernement de Stephen Harper, qui visait une réduction des émissions canadiennes de GES de 30% par rapport au niveau de 2005.

Or, «cette cible inadéquate et sans valeur demeure celle du gouvernement actuel», déplore l'organisation.

La ministre fédérale de l'Environnement Catherine McKenna n'était pas disponible pour réagir à cette demande d'action collective, lundi, mais sa directrice des communications, Caroline Thériault, a défendu dans un entretien avec La Presse les «mesures ambitieuses» et le «plan sérieux pour protéger l'environnement» de son gouvernement.

«Nous continuerons de travailler à mettre en place notre plan et à atteindre nos cibles», a-t-elle affirmé, ouvrant la porte à «en faire plus», si nécessaire, une fois que ces cibles seront atteintes.

Tendance mondiale

Cette démarche est une première au Canada, mais des recours similaires existent dans d'autres pays, notamment aux Pays-Bas, où un jugement forçant le gouvernement à se doter de moyens plus ambitieux pour réduire ses émissions de GES a été confirmé en appel, le mois dernier.

Le tribunal s'est rendu aux arguments de la fondation Urgenda, qui avait intenté l'action au nom de quelque 900 citoyens et qui soutenait que le gouvernement néerlandais avait failli à son devoir de les protéger ; il lui a intimé de réduire ses émissions de GES d'au moins 25% d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990, année de référence du Protocole de Kyoto.

Au Canada, c'est le cabinet d'avocats Trudel Johnston & Lespérance, habitué des actions collectives, qui porte la cause d'Environnement Jeunesse. L'avocat Bruce Johnston agit d'ailleurs pro bono.

Catherine Gauthier reconnaît que «le processus risque de prendre plusieurs années», mais «on est prêts à se battre tout au long de ces années-là», affirme-t-elle, disant espérer l'appui de l'ensemble de la population.

«J'interpelle les jeunes, les parents, à nous appuyer.»