Alors que la 23e conférence des Nations unies sur le climat (COP23) se déroule actuellement dans la ville de Bonn, en Allemagne, plusieurs observateurs s'attendent à un affrontement entre le Canada et les États-Unis cette semaine, principalement sur l'avenir du charbon, matière première responsable de plus de 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.

UNE CONFÉRENCE MENÉE PAR LES ÎLES FIDJI

Cette année, ce sont les îles Fidji, petit État insulaire situé au coeur de l'océan Pacifique, qui président l'événement. Le pays est extrêmement menacé par les changements climatiques, particulièrement par la montée du niveau de la mer. Joint par La Presse, Steven Guilbeault, cofondateur d'Équiterre, affirme que le choix des îles Fidji pour mener cette conférence est très significatif, car c'est l'exemple parfait du pays dont la survie est actuellement menacée. « Je pense que ça va nous aider à prendre conscience que certains pays font déjà face aux conséquences des changements climatiques », dit-il.

AFFRONTEMENT SUR L'AVENIR DU CHARBON

Les négociations qui s'amorcent cette semaine entre les émissaires des différents pays s'annoncent tendues en raison de différences majeures entre la position américaine et celle de plusieurs autres pays, dont le Canada et le Royaume-Uni, sur le charbon. Ces derniers prônent la disparition de cette matière première dans la production d'énergie dans le monde, alors que l'administration américaine veut plutôt lui accorder une place importante dans sa stratégie de lutte contre les changements climatiques. Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal, pense que le Canada ne devrait pas adopter la stratégie de l'éradication dans les négociations de la COP23. « C'est irréaliste, a affirmé le chercheur. C'est plus important de mettre un calendrier et de voir comment on va diminuer l'utilisation du charbon, au lieu de dire qu'on veut simplement l'éradiquer. »

« BEAUCOUP DE PAYS DÉPENDENT ENCORE DU CHARBON »

Selon Pierre-Olivier Pineau, le fait que beaucoup de pays dépendent encore du charbon pour produire de l'électricité rend difficiles des négociations sur l'éradication pure et simple. « Les États américains qui utilisent le charbon sont très dépendants, et 80 % de l'électricité en Chine est produite avec du charbon », a-t-il dit. Le chercheur croit que le Canada doit adopter des positions plus souples et avancer dans les négociations des arguments économiques qui justifient l'abandon du charbon, comme l'avantage d'utiliser le gaz naturel, moins cher et plus propre. « Le Canada peut aussi invoquer des arguments moraux comme l'impact du charbon sur la santé », souligne-t-il.

« UN MOUVEMENT IMPOSSIBLE À ARRÊTER »

Steven Guilbeault fait entendre un autre son de cloche. Il pense qu'inclure l'éradication du charbon est un objectif tout à fait réaliste, car « c'est un mouvement déjà en marche ». « Je ne crois pas que M. Trump soit capable de relancer le charbon », a dit le cofondateur d'Équiterre en faisant allusion à l'abandon du Clean Power Plan décidé par l'administration américaine. « En 2011, la valeur boursière des entreprises américaines de charbon était de 62 milliards de dollars américains ; elle a baissé à 4,7 milliards en 2016. Ça veut dire que le charbon est en perte de vitesse aux États-Unis », affirme-t-il. Par ailleurs, M. Guilbeault a aussi indiqué que les pays ont plus intérêt à abandonner le charbon pour les énergies renouvelables, car ces dernières génèrent beaucoup plus d'emplois.

UNE MATIÈRE PREMIÈRE DE PLUS EN PLUS DÉLAISSÉE

Plusieurs pays ont déjà abandonné le charbon comme source d'énergie. Au Canada, les provinces du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ne produisent plus d'électricité avec du charbon. Les autres provinces ont déjà ajouté l'abandon du charbon à leur agenda. « L'Alberta et la Saskatchewan ont déjà des plans pour enlever le charbon de leur parc d'électricité d'ici 2030 », indique Pierre-Olivier Pineau. Le Royaume-Uni et la France se sont engagés à se défaire du charbon d'ici 2025.

UN AVENIR PEU RADIEUX

Malgré l'engagement de l'administration Trump à relancer la production du charbon aux États-Unis, l'horizon s'assombrit de plus en plus sur cette matière première. En effet, depuis quelques années, les producteurs de charbon font face à une rude concurrence venant du gaz naturel, utilisé lui aussi dans la production d'énergie et moins cher. De plus, certains États américains, dont la Californie et l'État de New York, se sont engagés à abandonner le charbon sur leur territoire. Les années passent, et l'avenir est de moins en moins radieux pour le charbon. « Même en Chine, la consommation du charbon a commencé à décliner depuis 2015 », dit Pierre-Olivier Pineau.

COUILLARD ABSENT À LA COP23

Par ailleurs, le premier ministre du Québec ne participera pas aux négociations qui auront lieu à Bonn cette semaine. Plusieurs chefs d'État, dont la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron, y prendront part. C'est la ministre de l'Environnement, Isabelle Melançon, qui représentera le Québec. L'absence du premier ministre dans les négociations a irrité l'opposition à l'Assemblée nationale. « Ça envoie un message de désengagement de la part de Philippe Couillard », a déclaré à La Presse canadienne le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement, Sylvain Gaudreault. M. Couillard a pris part à plusieurs activités en lien avec les changements climatiques, a pour sa part soutenu son attachée de presse, Joçanne Prévost.

- Avec La Presse canadienne