Montréal deviendra-t-il la première ville à interdire les bouteilles d'eau en 2017 ? En février dernier, le maire Denis Coderre a lancé l'idée, le jour même où il annonçait que Montréal bannirait les sacs en plastique en 2018.

« La question des sacs de plastique, c'est une chose. Après, on va s'enligner sur les bouteilles d'eau aussi, ça va être essentiel, important », avait-il affirmé.

Cette déclaration n'a pas eu de suites, mais elle a retenu l'attention de Peter Gleick, fondateur du Pacific Institute, membre de l'Académie américaine des sciences et grand spécialiste des politiques de l'eau.

« La proposition à Montréal est l'une des plus substantielles en Amérique du Nord », a affirmé M. Gleick récemment lors d'un entretien téléphonique avec La Presse.

Son organisme a publié de nombreux rapports sur l'eau embouteillée et lui-même a publié un essai sur la question en 2010.

Il cite d'autres villes nord-américaines qui ont réglementé l'eau embouteillée, mais aucune ne l'a interdite complètement.

FORTES DÉPENSES ÉNERGÉTIQUES

Du point de vue environnemental, les raisons de vouloir diminuer l'usage d'eau embouteillée ne manquent pas.

Dans un article publié en 2009 dans la revue scientifique Environmental Research Letters, M. Gleick a calculé que l'énergie et les matériaux requis pour la fabrication des bouteilles en plastique pour toute l'eau embouteillée consommée dans le monde représentait environ 50 millions de barils de pétrole en 2007, dont environ le tiers aux États-Unis. C'est assez pour remplir 25 superpétroliers.

La fabrication des bouteilles est la principale composante énergétique de l'eau embouteillée. Et cette statistique est sûrement en retard sur la réalité : la quantité d'eau embouteillée vendue augmente de 5 à 6 % par année en Amérique du Nord.

À cela, il faut ajouter l'énergie pour traiter l'eau, la transporter et, bien souvent, la refroidir dans le point de vente.

M. Gleick a calculé l'intensité énergétique de l'eau embouteillée en tenant compte de tous ces facteurs.

Chaque litre d'eau entraînerait une dépense énergétique de 5,6 à 10,2 mégajoules, selon la distance de transport.

Sachant qu'un litre d'essence contient environ 32 mégajoules d'énergie, on peut dire que pour chaque trois à six litres d'eau embouteillée, on consomme un litre d'essence.

En comparaison, l'eau du robinet coûte en énergie 0,005 mégajoule par litre à traiter et à livrer à domicile. C'est de 1000 à 2000 fois moins.

Et c'est sans compter la dépense en eau. En effet, la fabrication de chaque bouteille de plastique requiert deux ou trois litres d'eau par litre de capacité.

RISQUES ET POLLUTION

Et que dire maintenant des risques pour la santé ? Le plastique peut se dégrader et relâcher des contaminants dans l'eau, surtout s'il est exposé à la lumière ou à la chaleur.

Avec tout cela, on n'a encore rien dit de la pollution causée par le faible taux de recyclage des bouteilles d'eau, dont le coût retombe souvent dans la cour des municipalités.

Mais pour remplacer toutes ces bouteilles d'eau, il faut améliorer l'accès à l'eau du robinet, affirme M. Gleick.

« Il faut des campagnes pour l'eau du robinet et il faut mettre des fontaines partout. »

Et il faut aussi prendre conscience que les multinationales de l'eau en profitent chaque fois que la qualité de l'eau municipale est remise en doute.

« L'eau du robinet est testée régulièrement, et c'est bien, il faut en parler, dit-il. Parfois, il y a des problèmes et il est si facile de perdre la confiance des gens. Mais la réponse à une mauvaise qualité d'eau municipale, ce n'est pas l'eau en bouteille. »

Fabriquer sa propre eau filtrée

L'eau vendue en bouteille par les multinationales est bien souvent de l'eau du robinet filtrée ou purifiée... et revendue à fort prix. Il est très facile d'obtenir de l'eau filtrée et purifiée à la maison et de remplacer ainsi l'eau embouteillée à bien moindre coût : à peine 2 ou 3 cents par litre. Ces filtres réduisent ou éliminent le chlore, le plomb et d'autres contaminants chimiques comme les résidus de pesticides que les usines municipales ne traitent pas. Certains filtres s'installent sur le robinet, d'autres, sous l'évier. On peut ensuite utiliser cette eau pour la cuisine en plus d'en garder au frigo.