Environ 150 personnes ont participé mardi soir à la première séance de la commission d'enquête du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur le projet d'extension de la mine d'or à ciel ouvert Canadian Malartic.

Au fil d'une rencontre de plus de trois heures trente, les citoyens ont pu questionner les représentants de la minière et des ministères concernés à propos du projet, qui inclut une déviation sur quatre kilomètres de la route 117, dont le tracé actuel se trouve sur le territoire que souhaite exploiter Canadian Malartic, à côté de la fosse actuelle.

La poussière semble être l'un des enjeux qui préoccupent le plus les citoyens, à la fois inquiets des risques potentiels pour leur santé et dérangés par les retombées qui s'accumulent sur leurs propriétés.

Les poussières fines de type PM10 (soit celles faisant moins de 10 micromètres de diamètre), suscitent de nombreux questionnements. Les normes actuelles n'exigent pas qu'on en mesure la concentration, contrairement aux particules PM2,5.

Le représentant de la Direction de la santé publique de l'Abitibi-Témiscamingue, Stéphane Bessette, a expliqué que les effets néfastes pour la santé de ces particules PM10 sont pourtant « clairement démontrés » dans la littérature scientifique. Ils incluent notamment une augmentation des symptômes respiratoires des gens qui souffrent de maladies chroniques et un excès de mortalité à long terme.

Des mesures faites en 2013 à Malartic ont démontré que les concentrations de particules PM2,5 n'étaient pas problématiques, mais que les normes de poussière totale, elles, avaient été dépassées à 47 reprises en 13 mois, « parfois de 3 à 4 fois la valeur de la norme », a indiqué M. Bessette.  Étant donné que des citoyens de Malartic rapportent une exacerbation de leurs problèmes respiratoires, la DSP souhaite depuis trois ans que les concentrations de PM10 soient mesurées. Selon M. Bessette, « c'est ce qui manque dans l'évaluation du risque toxicologique ».

Le ministère de l'Environnement n'a pas l'intention d'ajouter cette mesure dans son Règlement sur l'assainissement de l'air, a indiqué sa représentante, Marie-Pier Brault. La minière fait toutefois des mesures sur une base volontaire depuis un an, « à temps perdu », a précisé le directeur du projet d'extension de la mine, Christian Roy. 

Selon une consultante en toxicologie embauchée par la minière, Marie-Odile Fouchécourt, les concentrations observées respectent la norme de l'Organisation mondiale de la santé et ne présentent pas de risques pour la santé. « Mais on est conscient qu'il y a des lacunes dans les données et c'est pour ça qu'on a recommandé un suivi plus régulier », a-t-elle indiqué en réponse à une question de Pierre André, président de la commission d'enquête du BAPE.

Scepticisme

Dans sa présentation, le directeur du projet d'extension chez Canadian Malartic, Christian Roy, a entre autres fait valoir que le nombre de plaintes contre la mine avait chuté constamment entre 2011 et 2014, avant de connaître une recrudescence en 2015. Il a aussi souligné que le nombre d'avis de non-conformité, que ce soit pour le bruit, la poussière ou les sautages, avait diminué de façon marquée au cours des trois derniers trimestres de 2015.

On a toutefois senti beaucoup de scepticisme chez les citoyens participants. D'entrée de jeu, la coordonnatrice du comité de suivi de la mine de Malartic, Sylviane Legault, a soutenu que l'étude d'impact environnemental présentée par la minière au soutien de son projet « sous-estime et banalise l'impact des situations vécues par les citoyens » depuis l'ouverture en 2011 de la mine à ciel ouvert, la première au Canada à être implantée en zone habitée.

Le président de la commission, M. André, est allé un peu dans le même sens lorsqu'il a souligné qu'il n'est « pas beaucoup question des impacts psychosociaux » (de l'exploitation de la mine) dans l'étude d'impact. « C'est très noyé », a-t-il dit. Un rapport de l'Institut national de la santé publique du Québec paru en 2015 soulignait l'apparition à Malartic de problèmes de désarroi, de colère, de démobilisation, de résignation et de perte de confiance envers les autorités. Or, l'étude d'impact n'en fait aucune mention.

Le porte-parole du Regroupement vigilance mines de l'Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT), Marc Nantel, a pour sa part demandé pourquoi la Loi sur les mines ne prévoyait pas de zone tampon obligatoire pour les mines à ciel ouvert en milieu habité, alors que cela existe par exemple dans le secteur éolien. Canadian Malartic est contre l'idée, a dit M. Roy. « Créer une zone où tout le monde serait obligé de déménager aurait plus d'impacts négatifs que positifs », a-t-il dit. C'est pour ça, a-t-il ajouté, qu'un « guide de cohabitation », qui prévoit des barèmes pour la relocalisation et la compensation des populations affectées par l'exploitation de la mine, a été récemment présenté.

Selon Mme Legault, du comité de suivi de la mine, « une version améliorée du guide de cohabitation pourrait de fait représenter la pierre angulaire de l'acceptabilité sociale du projet ». Une version préliminaire de ce guide, dévoilée à la mi-mai, a été jugée inacceptable par les groupes de citoyens. Une nouvelle version est en préparation.

Frustration envers Heurtel

En lever de rideau, une demi-douzaine de groupes qui avaient demandé la tenue d'audiences publiques ont tour à tour réitéré leur frustration envers le refus du ministre de l'Environnement David Heurtel de les reporter à l'automne. « Nous souhaitons souligner notre extrême insatisfaction à ce que le ministère de l'Environnement ait mandaté le BAPE à tenir des audiences publiques en pleine saison estivale, durant les mois de juin et juillet », a dit l'avocate Nicole Kirouac, représentante de Mining Watch Canada.

« Cela ne satisfait pas du tout l'intérêt du public et des citoyens, les premiers impactés. Nous croyons que c'est même contraire au principe d'acceptabilité sociale de la Loi sur le Développement durable que dit pourtant défendre le gouvernement du Québec. Nous recommandons que plus jamais un BAPE sur un projet d'une telle envergure n'ait lieu pendant l'été. Ça devrait être interdit, point final. »

Les audiences se poursuivent mercredi.