Un chef autochtone russe a profité d'une tribune au Conseil de l'Arctique, dans le Grand Nord, samedi, pour dénoncer les violations envers les droits de la personne et les dommages environnementaux commis par le secteur pétrolier de son pays.

Nikolaï Rochev représente le peuple Izhma Komi, qui vit dans les forêts, les milieux humides et la toundra d'une région étendue du centre de la Russie.

M. Rochev a plaidé que les entreprises implantées dans la région empêchaient de plus en plus ses concitoyens à pratiquer leurs activités traditionnelles, dont l'élevage des rennes, la chasse et la cueillette.

Les terres sont si contaminées par les nombreux déversements de pétrole que même les poissons laissent émaner une odeur de combustible, a-t-il expliqué. «Le poisson sent le pétrole et l'eau dans les rivières est imbuvable», a-t-il regretté.

L'année dernière, 150 rennes sont morts en s'abreuvant dans les cours d'eau de la région.

M. Rochev a fait cette déclaration à la réunion du Conseil de l'Arctique, qui rassemble en fin de semaine à Iqaluit les représentants des huit pays membres, qui sont le Canada, la Russie, les États-Unis, l'Islande, le Danemark, la Suède, la Finlande et la Norvège.

Le peuple Izhma Komi fait partie de l'Association des peuples autochtones du Nord, de la Sibérie et de l'Extrême-Orient de la Fédération de Russie - qui a le statut de participant permanent au Conseil.

Le ministre de l'Environnement russe Sergeï Donskoi avait pourtant affirmé vendredi que son pays exploitait ses ressources du Nord selon les normes internationales des plus rigoureuses.

«Nous sommes certains que nous devons le faire, mais seulement dans une saine intendance de l'environnement et dans le respect nécessaire pour les habitants qui vivent là-bas», a-t-il assuré.

La Russie ne détient pas l'inventaire de tous les déversements dans la région. Or, Greenpeace, qui possède des données satellites, estime qu'au moins 1000 déversements seraient survenus sur le territoire dans les deux dernières années. C'est l'équivalent de 6 millions de tonnes par année, soit six fois le volume de la fuite de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique.

Les activités de forage des entreprises sont effectuées parfois à quelque 100 mètres des maisons, a ajouté M. Rochev.

Par ailleurs, les entreprises russes n'auraient pas respecté leurs promesses d'offrir des emplois et des bénéfices aux citoyens, selon le chef autochtone.

Les paiements annuels de l'industrie versés correspondent à quelques dollars par habitant, a-t-il indiqué, ajoutant que les citoyens n'avaient aucun recours pour se plaindre à l'État. «Nous sommes exaspérés de la situation, que les entreprises nous ignorent. Il n'y aucun moyen légal pour changer le système», a-t-il lancé.

Selon un sondage mené dans la communauté, 70 pour cent de ses résidants disent dépendre de la chasse et de la cueillette, a rapporté M. Rochev.

Sans levier politique, M. Rochev mise sur l'opinion publique et une union des différents peuples autochtones pour défendre leurs droits.

«Nous devons unir les autochtones des différents États dans l'Arctique. La planète est plutôt petite», a-t-il conclu.