Le gouvernement allemand a adopté mercredi un projet de loi empêchant de facto largement l'utilisation de la technique controversée de fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste, tant les restrictions sont nombreuses.

Ce texte «n'autorise pas ce qui était jusqu'à présent interdit, mais au contraire interdit beaucoup de ce qui était pour l'heure possible, comble des failles juridiques et établit des règles strictes là où il n'y avait pas de règles claires», a résumé le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert, rendant compte du Conseil des ministres.

Le projet de loi «prévoit des interdictions dans certaines régions précises pour des questions de protection de l'eau potable, de la santé et de la nature, ainsi que des restrictions générales pour l'utilisation de la fracturation hydraulique dans les schistes, la glaise, les marnes ou les couches de charbon», ont indiqué, dans un communiqué commun, les ministères de l'Énergie et de l'Environnement.

Il interdit aussi l'emploi à but commercial de la fracturation hydraulique pour extraire des hydrocarbures dits «non conventionnels» dans des roches dures comme les schistes à des profondeurs inférieures à 3000 mètres, or c'est justement cette possibilité que réclamait l'industrie imaginant un nouvel Eldorado énergétique à l'américaine.

Seule technique éprouvée pour exploiter les hydrocarbures de schiste, mais fortement critiquée pour ses effets potentiels sur l'environnement et la santé, la fracturation hydraulique est interdite en France, mais très utilisée aux États-Unis, pays qui a pu ainsi faire fortement baisser ses coûts d'énergie, faisant rêver nombre d'industriels en Europe.

Jusqu'ici, cette technique, appelée «fracking» en anglais, ne faisait l'objet d'aucune réglementation particulière en Allemagne.

«Potentiel très faible»

Le gouvernement de coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates travaillait depuis des mois à un tel projet de loi, alors que l'équipe précédente, déjà dirigée par Angela Merkel, s'y était cassé les dents en 2013.

«Avec cette loi, nous pouvons amplement restreindre la fracturation hydraulique, de manière à ce qu'il n'y ait plus aucun danger ni pour les hommes ni pour l'environnement», s'est réjouie la ministre de l'Environnement Barbara Hendricks.

Ce procédé consiste à créer des fissures souterraines et y infiltrer un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques, pour permettre l'extraction de gaz capturé dans la roche. Les inquiétudes se focalisent sur la pollution que pourraient causer les substances chimiques utilisées, notamment dans la nappe phréatique.

«Au premier plan (de cette loi) figure clairement la protection de l'environnement et de la santé. (...) En outre, nous nous assurons ainsi que l'extraction de pétrole et de gaz naturel dans le pays peut être poursuivie avec des cadres très stricts au plus haut niveau technique», a pour sa part déclaré le ministre de l'Économie et de l'Énergie Sigmar Gabriel.

Mais pour Claudia Kemfert, de l'institut de recherche économique de Berlin, DIW, tout ceci est «beaucoup de bruit pour rien», car «de toute façon, le potentiel du fracking en Europe, à la différence des États-Unis et de l'Asie, est très faible». La Pologne voisine, qui un temps a rêvé d'indépendance énergétique grâce au gaz de schiste, a nettement revu ses prétentions à la baisse devant les résultats décevants des prospections et l'actuelle faiblesse des cours du pétrole.

Les réactions énervées du côté des entreprises ne se sont néanmoins pas fait attendre. Le chef de la fédération allemande de l'industrie chimique, Utz Tillmann, a regretté que le projet de loi «ne propose toujours pas un cadre raisonnable, pour qu'il soit possible à l'avenir de profiter du gaz de schiste».

«C'est un signal positif que l'exploitation du gaz de schiste en Allemagne ne soit pas totalement exclue, mais les obligations pour l'extraction de gaz naturel dans leur ensemble sont totalement exagérées», a dénoncé Markus Kerber de la fédération de l'industrie BDI, selon l'agence dpa.

Le projet de loi doit encore être approuvé par le Parlement. Les débats s'y annoncent animés, mais la «grande coalition» gouvernementale dispose de 504 des 631 sièges de députés.