Quelque 175 pétroliers traverseront chaque année une zone de reproduction des bélugas pour accoster au port de Cacouna, révèlent des documents rendus publics hier par le promoteur du pipeline Énergie Est, TransCanada.

Dans une conférence de presse pour marquer le dépôt du projet de 12 milliards devant l'Office national de l'énergie, hier, le président d'Oléoduc Énergie Est, François Poirier, n'a pas voulu s'avancer sur le nombre de navires qui transiteront par le port.

«Ça va dépendre évidemment du volume de barils de pétrole exportés, a-t-il dit. Ce sont les fournisseurs et les expéditeurs qui vont déterminer où leur pétrole va être livré, soit vers les raffineries du Québec, soit pour l'exportation.»

«On ne peut pas prédire précisément quel sera le nombre de trajets des navires-citernes en ce moment», a-t-il ajouté.

Pourtant les documents déposés devant l'Office national de l'énergie (ONÉ) indiquent que TransCanada a une idée précise du nombre de navires qui accosteront au port en eau profonde.

La compagnie prévoit que 38 pétroliers de type Aframax, d'une capacité de 700 000 barils, feront escale à Cacouna chaque année. C'est à ce type de navire qu'appartiennent le Minerva Gloria et le Genmar Daphne, les deux vaisseaux qui se sont ravitaillés au terminal de Sorel-Tracy ces dernières semaines.

À cela s'ajoutent 137 pétroliers plus gros, de type Suezmax, capables de transporter jusqu'à 1,1 million de barils.

Selon un schéma présenté à l'ONÉ, deux navires pourront accoster en même temps pour se ravitailler aux installations de Cacouna. Les installations comprendront aussi 12 réservoirs pouvant contenir jusqu'à 500 000 barils de pétrole.

Avec un rythme d'un navire tous les 2,1 jours, selon les projections de TransCanada, les activités associées au terminal de Cacouna représenteraient 7% du trafic maritime sur le Saint-Laurent et 24% du trafic de transit des pétroliers.

Bélugas en péril

Pour Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace, une telle circulation maritime rend impossible la protection de l'habitat du béluga, une espèce en péril.

«Les navires ne font pas que circuler. Il y a des bruits liés à la machinerie, aux bateaux-remorques, on parle d'un vacarme quasi constant, a-t-il dit. La plus grande préoccupation des scientifiques est justement la permanence du bruit, qui fait en sorte que le béluga va éviter le territoire.»

Les forages exploratoires entamés par TransCanada à Cacouna sont suspendus depuis la fin septembre. Un jugement de la Cour supérieure a tranché que les travaux mettaient en péril un site de reproduction des bélugas. L'entreprise devait reprendre ses travaux le 15 octobre, mais le ministère de l'Environnement l'en a empêchée parce qu'elle n'a pas présenté un plan pour corriger le bruit.

TransCanada a depuis présenté un plan correctif au Ministère. Mais l'entreprise attend toujours le feu vert pour recommencer à forer.

«C'est une question très importante, a dit François Poirier, président d'Oléoduc Énergie Est. Alors ça va prendre le temps que ça va prendre. On a soumis des données et on attend des nouvelles du Ministère.»

À Québec, le gouvernement Couillard a indiqué qu'il compte participer aux audiences de l'ONÉ sur Énergie Est. Le ministre des Ressources naturelles, Pierre Arcand, prévient que le projet devra générer de «justes retombées» et respecter l'environnement.

«Il n'est pas de notre intention de donner carte blanche à l'entreprise», a-t-il indiqué dans un communiqué.

Mais l'opposition du Parti québécois souligne que le processus d'approbation de l'ONÉ n'est que de 15 mois. Le député Sylvain Gaudreault presse le gouvernement libéral de saisir au plus vite le Bureau des audiences publiques sur l'environnement (BAPE) du projet.

«C'est comme si le gouvernement du Québec, depuis le début dans ce dossier, a fait un aveu de renonciation à sa compétence en matière d'environnement», a dénoncé M. Gaudreault.

Le pipeline Énergie Est, qui aurait une capacité de 1,1 million de barils par jour, soutiendrait 14 000 emplois directs ou indirects dans la phase de développement et de construction, a soutenu TransCanada, hier. Il rapporterait jusqu'à 7 milliards en recettes fiscales aux différents paliers de gouvernement sur 20 ans.