Le ministre de l'Environnement, David Heurtel, a déclaré jeudi qu'il n'a pas le pouvoir de soumettre le projet de cimenterie en Gaspésie à une évaluation du Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE).

M. Heurtel a affirmé qu'il est lié par une décision du précédent gouvernement péquiste qui a jugé recevables les études effectuées jusqu'ici par Ciment McInnis, dont le projet à Port-Daniel-Gascons a été amorcé avant des changements à la Loi sur la qualité de l'environnement en juin 1995.

La semaine dernière, M. Heurtel avait expliqué que la réglementation en matière d'examen des impacts environnementaux était entrée en vigueur après le début du projet. Mais le ministre ignorait toutefois s'il disposait du pouvoir de révoquer ce droit acquis.

M. Heurtel ignorait également la quantité de gaz à effet de serre (GES) que pourrait émettre l'installation, dont la production est estimée à 2,2 millions de tonnes de ciment par année.

Après l'élection, le gouvernement libéral a remis en question le projet, accepté par les péquistes, pour finalement en modifier le montage financier. La cimenterie, un projet de 1,1 milliard $, est appuyée par 450 millions $ de fonds publics.

Avant de se rendre à une réunion du conseil des ministres, M. Heurtel a reconnu que son gouvernement n'a pas hésité à remettre en question le montage financier du projet, mais en faire autant pour sa dimension environnementale provoquerait trop d'instabilité.

«Il y a déjà eu une décision politique qui a dit: on va de l'avant avec le projet au niveau du ministère de l'Environnement, a-t-il dit. Alors une fois que cette décision est prise, il y a une finalité là-dedans et il y a une question de stabilité. Alors de réouvrir ça, ce n'est pas quelque chose qu'on veut faire.»

Dans un échange avec la presse parlementaire, il s'est ensuite ravisé sur la responsabilité politique, pour expliquer qu'il n'a pas le pouvoir de soumettre le projet au BAPE malgré un droit acquis.

«Ce n'est pas une décision politique, a-t-il dit. (...) Non, (je n'ai pas le pouvoir), pas de ma compréhension, pas avec les décisions gouvernementales qui ont déjà été prises. Au niveau environnemental, il y a déjà eu une décision qui a été prise en 2013, que les études environnementales étaient recevables. Une fois que ça, c'est fait, la question c'est: le projet est recevable environnementalement. Alors, il va de l'avant.»

Le groupe écologiste Greenpeace estime que le projet ferait augmenter de plus de deux millions de tonnes par année les émissions de GES.

Le mois dernier, le Regroupement pour l'équité dans l'industrie cimentière a évoqué la possibilité de s'adresser aux tribunaux pour contester le projet. L'organisme regroupant les quatre cimenteries du Québec voudrait forcer le ministère de l'Environnement à l'assujettir au BAPE.

Jeudi, son porte-parole, Michel Binette, également vice-président de l'Association cimentière du Canada, a estimé que M. Heurtel a le pouvoir politique de soumettre le projet au BAPE.

«Le ministre a un pouvoir politique et un pouvoir discrétionnaire dont il peut se servir», a-t-il dit.

Ciment McInnis a déposé son projet en mai 1995, soit un mois avant l'entrée en vigueur de la loi qui l'aurait soumis à l'examen du BAPE. L'annonce d'un appui financier du Parti québécois, en janvier dernier, a actualisé le projet.