La Russie a annoncé mercredi préparer de nouvelles inculpations pour «crimes graves» à l'encontre de l'équipage du navire de Greenpeace arraisonné fin septembre, ne donnant aucun signe de clémence malgré les protestations dans le monde.

Les trente membres de l'équipage de l'Arctic Sunrise, dont 26 ne sont pas russes, qui entameront jeudi leur troisième semaine en détention, ont été inculpés jusqu'à présent de «piraterie en groupe organisé», ce qui les rend passibles de 15 ans de détention.

Le comité d'enquête russe a toutefois indiqué mercredi dans un communiqué que ces inculpations allaient devoir être «rectifiées».

«Il est clair que certaines personnes impliquées vont être inculpées d'autres crimes graves», a déclaré le porte-parole Vladimir Markine.

Certains membres de Greenpeace ont «volontairement éperonné les embarcations des gardes-côtes (...), portant ainsi atteinte à la vie et à la santé de représentants de la force publique», a-t-il ajouté.

L'Arctic Sunrise avait été arraisonné en mer de Barents (Arctique) après que des membres de l'équipage, équipés de canots pneumatiques, eurent abordé une plateforme pétrolière russe et tenté de l'escalader, selon eux, pour y implanter une banderole dénonçant les risques écologiques.

Les membres de Greenpeace avaient été interceptés par des commandos de gardes-côtes, eux-mêmes équipés de canots pneumatiques.

Le navire de Greenpeace, dont l'équipage a été incarcéré à Mourmansk (nord-ouest), est mouillé dans la rade de ce port russe.

«Des produits stupéfiants (apparemment du pavot et de la morphine) ont été saisis à (son) bord», a ajouté le comité d'enquête, indiquant avoir également saisi divers équipements et documents.

«Une partie des équipements saisis relève de technologies duales et pouvait n'être pas utilisée qu'à des fins écologistes», a ajouté le porte-parole, utilisant un terme qui désigne habituellement des technologies à la fois civiles et militaires.

Greenpeace International a rapidement diffusé un communiqué, rejetant les allégations du comité d'enquête en particulier sur la présence de stupéfiants.

«Nous ne pouvons que supposer que les autorités russes font allusion au nécessaire médical que notre navire est tenu d'embarquer conformément à la législation maritime», a déclaré l'ONG dans un communiqué.

«Toute affirmation sur la découverte de drogues illégales est diffamatoire», a-t-elle ajouté.

«Le navire avait déjà été fouillé par des enquêteurs russes il y a plusieurs semaines, aussi nous estimons que cette annonce est destinée à détourner l'attention de l'indignation croissante que soulève le maintien en détention de l'équipage», a encore déclaré Greenpeace International.

Un représentant de Greenpeace Russie, Mikhaïl Kreïndline, a de son côté jugé «incompréhensibles» les affirmations sur la découverte d'équipements suspects à technologie «duale».

«Avec un microscope, on peut planter des clous par exemple», a-t-il ironisé.

Il a précisé qu'aucun membre de l'équipage n'avait été à bord du navire depuis le 24 septembre.

«Dans ces conditions, on aurait pu y trouver même une bombe atomique», a-t-il dit.

Interrogée par l'AFP, l'analyste Maria Lipman, de l'antenne du Centre Carnegie à Moscou, a estimé que ces nouvelles accusations s'inscrivaient dans le climat général de confrontation sans précédent avec les Occidentaux.

«Il y a une intention manifeste de faire de cette histoire un grand scandale international», a-t-elle déclaré, jugeant l'issue de la crise imprévisible.

Plus tôt dans la journée, Greenpeace International avait indiqué avoir adressé au président russe Vladimir Poutine une lettre dans laquelle son directeur exécutif Kumi Naidoo demandait une entrevue pour plaider la cause des 30 personnes emprisonnées et demander leur libération sous caution.

«Personne ne tire profit de la poursuite de cette affaire, y compris la grande nation russe», a déclaré M. Naidoo dans cette lettre.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole de M. Poutine, Dmitri Peskov, a dit qu'une entrevue n'était pas à l'étude.

«Nous n'avons pas même vu la lettre», qui a été transmise à l'ambassade de Russie aux Pays-Bas, a-t-il assuré.

L'Arctic Sunrise bat pavillon néerlandais, et les Pays-Bas ont intenté une procédure juridique contre la Russie, dénonçant l'arraisonnement illégal de ce navire.

Après des manifestations dans 47 pays le week-end dernier, des militants de Greenpeace ont déployé mercredi des banderoles devant les bureaux parisiens de Gazprom, le géant gazier russe auquel appartient la plateforme pétrolière.