Montréal devra bientôt acheter et entreposer d'importantes quantités de fréon pour faire fonctionner ses arénas, a appris La Presse. Ce puissant gaz à effet de serre, qui appauvrit la couche d'ozone, sera pourtant illégal d'ici quelques années.

La Ville a récemment lancé un vaste programme de réfection de ses arénas publics, un projet de 90 millions. D'ici deux ans, 15 arénas seront rénovés de fond en comble et leur système de réfrigération au fréon sera remplacé par un dispositif à l'ammoniac.

 

Contraintes budgétaires obligent, plusieurs bâtiments seront exclus de l'ambitieux projet. La Ville compte 41 patinoires intérieures et une vingtaine d'entre elles seront toujours équipées de systèmes au fréon à la fin des travaux, en 2011.

Or, le fréon utilisé pour refroidir ces patinoires, le HCFC-22, sera bientôt illégal. Signé en 1987 et amendé à plusieurs reprises, le protocole de Montréal vise à bannir graduellement les substances qui attaquent la couche d'ozone. Il engage ses signataires à cesser de produire et de consommer ces gaz d'ici 2020. Mais une importante échéance arrive bientôt: en 2010, les pays développés doivent avoir réduit leur consommation de 75%.

Montréal, dont les patinoires utilisent chaque année environ 5000 kg de fréon, calcule qu'il deviendra presque impossible d'acheter le gaz sur le marché à compter de 2012. La Ville devra donc se constituer d'importantes réserves. Sans quoi, elle ne pourra réfrigérer ses arénas.

«Puisque nous avons beaucoup d'arénas, on veut l'entreposer pour les faire fonctionner», résume le responsable des sports et des loisirs au comité exécutif, Michael Applebaum.

Pour le moment, le conseiller ignore quelle quantité de fréon la Ville devra entreposer.

Remplacer un système de réfrigération au fréon par un système moins polluant n'est pas une mince affaire. Il faut souvent agrandir le bâtiment pour faire place à un dispositif de congélation séparé, briser la dalle de béton et remplacer tous les tuyaux qui se trouvent en dessous. La facture: deux à trois millions pour chaque aréna.

Si Montréal rénovait toutes ses patinoires intérieures et remplaçait chaque système de réfrigération au fréon, la facture grimperait à plus de 150 millions. D'autres patinoires sont exploitées par des organismes sans but lucratif, qui n'ont pas les moyens de payer de tels travaux.

Le gouvernement fédéral, qui a lancé un vaste programme d'infrastructures dans son dernier budget, devrait fournir la moitié des 90 millions pour rénover les arénas publics de Montréal. Québec absorbera le quart de la note. M. Applebaum estime qu'Ottawa, qui a ratifié le protocole de Montréal, devra investir encore davantage pour que les villes aient une chance d'éliminer le fréon dans leurs patinoires avant 2020.

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, y voit la preuve que l'administration Tremblay a mal prévu les échéances qui touchent sa consommation de fréon. Il estime que le maire et son équipe ont fait preuve d'«immobilisme» en attendant l'aide d'Ottawa et de Québec plutôt que d'entamer les rénovations rapidement.

«Gérald Tremblay, on l'a vu pour tous les dossiers, s'est interdit de faire quoi que ce soit sans avoir l'accord de Québec et d'Ottawa, peu importe le dossier», a raillé M. Bergeron.

Un problème répandu

Mais André Bélisle, de l'Association québécoise de la lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), y voit le symptôme d'un problème beaucoup plus vaste. Car Montréal n'est pas seul à devoir éliminer le fréon de ses arénas désuets, loin de là.

«C'est un problème qui est répandu à la grandeur du Québec, indique M. Bélisle. Mais on n'a pas d'inventaire très précis du nombre d'arénas ou d'appareils réfrigérants qui ne fonctionnent pas. Mais on sait que c'est une situation qui s'envenime.»

M. Bélisle estime qu'Ottawa n'a d'autre choix que de délier les cordons de sa bourse.

«On connaît tous la situation financière dans laquelle se trouvent les municipalités en ce moment, dit-il. On avait prévu, du côté fédéral, qu'il y ait des budgets accessibles pour accélérer l'élimination des gaz qui appauvrissent la couche d'ozone. Ce programme est absolument nécessaire.»