Chaque année, des Canadiens réussissent à faire effacer leurs dettes pour la troisième, la quatrième, voire la cinquième fois de leur vie, en faisant faillite. Un phénomène en hausse, révèle une enquête réalisée par le Toronto Star et La Presse. Et les Québécois sont les champions de ce petit manège. Incursion dans l’univers des multirécidivistes de la faillite.

Une famille, huit faillites

L’ex-comptable Jacques Bélanger, sa fille Évelyne Gilbert-Bélanger et l’ex-conjoint de celle-ci, Daniel Fournier, forment en quelque sorte la famille royale de la faillite au Québec. À eux trois, ils cumulent six faillites personnelles et ont également mené au moins deux entreprises à la faillite. Total : au bas mot, huit faillites, plus de 10 millions de dollars de dettes à Revenu Québec et à l’Agence du revenu du Canada. Car dans presque toutes les faillites où les Bélanger-Fournier sont en cause, les créanciers principaux sont le fisc.

Ce genre de cas de faillites à répétition revient de plus en plus souvent, avons-nous découvert dans les données du Surintendant des faillites, l’organisme qui gère tous les cas d’insolvabilité au Canada. Une faillite personnelle sur cinq, au pays, est multiple, c’est-à-dire que le contribuable a déjà fait faillite au moins deux fois. Les troisièmes faillites sont devenues pratiquement monnaie courante dans certaines provinces. Les quatrième et cinquième, qu’on ne voyait pratiquement jamais avant, sont devenues un « fléau », disent des registraires.

Et, année après année, le Québec se taille la part du lion de ces faillites à répétition : depuis 10 ans, le Québec a 43 % des cas de deuxième faillite du Canada, 58 % des cas de troisième, 74 % des quatrièmes et la quasi-totalité (90 %) des cas de cinquième faillite.

Cette tendance était, jusqu’à notre compilation, totalement méconnue. Même des experts du secteur de l’insolvabilité, qu’il s’agisse de syndics, de conseillers budgétaires, d’avocats ou de juges, se sont montrés stupéfaits par ces chiffres. Nous en avons contacté plus d’une vingtaine.

« En 25 ans de pratique, jamais personne ne m’a dit ça », a affirmé Éric Lebel, associé et syndic autorisé en insolvabilité chez Raymond Chabot Grant Thornton. « Je n’étais pas au courant de ces statistiques et à ma connaissance, il n’existe pas d’étude sur le sujet », nous a écrit le président du conseil d’administration du Conseil des syndics autorisés en insolvabilité du Québec, Pascal Gagnon.

Six milliards de créances effacées

Ces faillites personnelles privent le fisc de beaucoup d’argent : au total, dans les cinq dernières années, Revenu Québec nous indique avoir effacé des créances de près de 2 milliards de dollars pour des contribuables et des entreprises qui avaient fait faillite. Du côté de l’Agence du revenu du Canada (ARC), on parle de 4 milliards de créances radiées. Les deux agences ont refusé de nous préciser le montant des créances d’individus uniquement.

Ces faillites répétées spolient également les émetteurs de cartes de crédit, qui compensent en gonflant leurs taux d’intérêt pour l’ensemble de leur clientèle. « Les émetteurs de cartes de crédit facturent des taux d’intérêt plus élevés parce qu’ils s’attendent à un certain montant d’annulations. Pour eux, c’est le coût de faire des affaires […] ils récupèrent leur argent grâce aux taux d’intérêt élevés [exigés de tous les clients] », renchérit Len Shaw, syndic chez BDO.

Certaines de ces faillites multiples sont en partie causées par des situations de détresse. Mais d’autres cas de multirécidivistes sont plus choquants. C’est à eux que nous nous sommes intéressés. Car ces taux de faillites multiples alarmants font dire à plusieurs experts que le système qui gère les faillites est désormais utilisé à mauvais escient par des contribuables mal intentionnés. L’un d’entre eux parle même de « lave-auto fiscal périodique ».

La faillite est devenue un outil budgétaire pour plusieurs faillis. La loi sur les faillites visait à protéger des personnes malchanceuses, mais honnêtes, à leur donner une occasion de prendre un nouveau départ. La loi sur les faillites n’a pas été conçue pour être utilisée comme un outil de blanchiment budgétaire régulier.

Le registraire albertain Michael Funduk, dans un jugement

« Dans certains segments de la société, c’est presque devenu un jeu. Les gens profitent du système et de la clémence des registraires », résume Yoine Goldstein, sénateur canadien à la retraite, qui a dirigé un groupe de travail qui visait à réformer la loi sur les faillites.

« Les gens font faillite et, bien franchement, ils comprennent à quel point c’est facile et que ça les pénalise peu. Et ensuite, ils se disent : “Mon Dieu, mais pourquoi je ne le referais pas ?” », ajoute John Owen, dont l’entreprise, Omega One, aidait les créanciers à recouvrer des sommes auprès des faillis.

Moins de 10 000 $ aux créanciers

C’est probablement le plus surprenant dans ces cas de faillites à répétition : les conséquences sont souvent dérisoires. Les Bélanger-Fournier n’ont ainsi remboursé que des sommes minimes à leurs créanciers : frais de syndic non compris, les remises aux créanciers sont, à ce jour, de moins de 10 000 $, dont moins de 6000 $ à l’ARC et à Revenu Québec.

Jacques Bélanger a été condamné deux fois à 18 mois de prison pour fraude fiscale. Mais dans les faits, il n’a passé que trois mois à la prison de Saint-Jérôme au début des années 2000. Au terme des plus récentes procédures judiciaires, il doit toujours 100 000 $ à Revenu Québec, une somme qu’il n’est pas certain de pouvoir rembourser.

Jacques Bélanger a-t-il fait faillite à répétition pour éviter de payer les impôts qu’il devait à l’État ? « Ça peut donner cette impression-là. Mais ce n’est pas ma façon de faire », jure celui qui a accepté de nous rencontrer au restaurant La Flamberie de Laval. Attablé devant un hamburger steak et un verre de rouge, l’homme buriné et émacié, qui gère toujours, dans les faits, l’entreprise Toitures Bélanger et filles, nous a parlé de son parcours financier cahoteux.

Mon but, ce n’est pas de ne pas payer mes impôts. C’est qu’il ne me reste jamais assez d’argent pour les payer.

Jacques Bélanger

« Je n’ai pas un train de vie extravagant, poursuit-il. Je ne roule pas en Mercedes, je ne vis pas dans une maison qui vaut cher, je suis habillé comme la chienne à Jacques, ça doit faire dix ans que je n’ai pas voyagé. Je ne me suis pas offert une vie de luxe au détriment de Revenu Québec. »

La faillite de père en fille

Dans cette peu glorieuse recension des faillites en série, réalisée par La Presse et le Toronto Star, la famille Bélanger-Fournier ressort clairement du lot. D’abord, parce que Jacques Bélanger est comptable de formation. À la suite d’une première faillite, en 1986, puis d’une longue bataille contre l’Ordre professionnel des comptables agréés, il a écopé d’une radiation de cinq ans. Au terme de sa radiation, il n’a jamais renouvelé sa licence.

PHOTO FOURNIE PAR LE TORONTO STAR

Évelyne Gilbert-Belanger

À sa première faillite, M. Bélanger devait 180 000 $ et déclarait 5400 $ en actifs. En 2003, il a de nouveau réussi à faire effacer ses dettes, notamment les 5,7 millions dus à Revenu Québec. À sa troisième faillite en 2014, il a déclaré des dettes de près de 800 000 $, mais, après examen, son syndic les chiffrait plutôt à 2,4 millions.

La registraire Jolyane Lefebvre a d’ailleurs rejeté sa demande de libération de cette troisième faillite, la suspendant jusqu’en 2017. Les créanciers principaux étaient toujours le fisc. La suspension d’une faillite signifie que le failli n’est pas totalement libéré de ses dettes, qu’il est en quelque sorte toujours sur le banc des pénalités. La libération dégage le failli de l’obligation légale de rembourser.

Confronté à ces faits, Jacques Bélanger se décrit comme une victime de l’État. « Quand tu dois de l’argent à un créancier normal, il n’y a pas de pénalité et très peu de frais d’intérêt. Revenu Québec, si tu es une seconde en retard, il y a des intérêts, aux alentours de 8 %. Et en plus, il y a des pénalités épouvantables. Et dans la construction, on parle de ventes de plusieurs milliers de dollars. » Il admet avoir été « négligent » dans sa comptabilité. « Un moment donné, tu t’écœures, tu te décourages, et tu ne fais plus de comptabilité. » Il affirme aussi avoir emprunté « à des shylocks » entre sa deuxième et sa troisième faillite, et avoir donné la priorité à ces remboursements au détriment des sommes dues à l’État.

Plusieurs entreprises en faillite

La famille Bélanger-Fournier a également mené à la faillite au moins deux entreprises du domaine de la réfection de toitures. En 2011, Toitures Bélanger et filles a fait faillite avec un demi-million de dettes. Le créancier principal était la Banque Royale. Mais l’entreprise devait également 144 000 $ à Revenu Québec.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La famille Bélanger-Fournier a également mené à la faillite au moins deux entreprises du domaine de la réfection de toitures.

La première actionnaire de l’entreprise était Évelyne Gilbert-Bélanger. Comme M. Bélanger avait fait une faillite récente, il ne pouvait plus obtenir de licence de la Régie du bâtiment.

Pour un temps, Évelyne, c’était mon poteau, indique Jacques Bélanger en entrevue. Elle a été impliquée parce qu’elle était mon poteau, ma représentante.

Jacques Bélanger

Daniel Fournier, alors le conjoint de Mme Gilbert-Bélanger, était également impliqué dans cette entreprise à titre de deuxième actionnaire.

Cette faillite d’entreprise s’est traduite, quelques jours après, par la faillite personnelle de Mme Gilbert-Bélanger, qui avait endossé des prêts. Ses actifs étaient pratiquement nuls et son plus gros créancier — près de 2 millions — était Revenu Québec. À l’époque, elle déclarait être sans emploi. Mme Gilbert-Bélanger a refusé de répondre à nos questions.

Un an plus tard, Évelyne Gilbert-Bélanger et Daniel Fournier ont divorcé. La même année, il a fait lui aussi faillite. Ses dettes atteignaient presque le million de dollars, selon son bordereau de dividendes. En mars dernier, Daniel Fournier a fait une deuxième faillite avec des dettes s’élevant à 400 000 $, dont 295 000 $ au fisc. M. Fournier a catégoriquement refusé de répondre à nos questions. « Tout ça est derrière moi », s’est-il borné à nous dire au téléphone.

En 2013, l’entreprise de Daniel Fournier, Constructions Fournier et filles, a également déposé son bilan. Total des dettes : 367 000 $, dont 225 000 $ au fisc.

En 2017, une nouvelle entreprise aussi connue sous le nom de Toitures Bélanger et filles fait — encore — faillite.

Officiellement, le premier actionnaire de l’entreprise est un certain Guy Grandmaison, mais en entrevue, ce dernier affirme que c’est Jaques Bélanger qui agissait encore en sous-main à la comptabilité, qui l’a mené à la banqueroute.

Ce gars-là, il m’a coûté 350 000 $, madame ! Je lui ai laissé les rênes de l’entreprise. Je me suis fié à lui, il m’a ruiné. J’ai été naïf !

Guy Grandmaison, propriétaire de Toitures 440

Lorsque nous l’avons questionné sur cette éventuelle neuvième faillite, Jacques Bélanger s’est emporté et a indiqué qu’elle ne relevait pas de lui.

La prison… à son domicile

La même année, des accusations de fraude fiscale, émanant de Revenu Québec, sont tombées contre Jacques Bélanger, sa fille Évelyne et son ex-gendre Daniel Fournier. Au total, ils ont dû faire face à 43 chefs d’accusation. Évelyne Gilbert-Bélanger a été blanchie. Jacques Bélanger a écopé de 18 mois de prison. Les procédures sont toujours en cours pour Daniel Fournier.

« Prison… c’est une façon de parler, ça a été 18 mois de couvre-feu, de 22 h à 5 h pendant 18 mois », résume-t-il, sourire aux lèvres. Il ironise également sur son premier séjour en prison, au début des années 2000. « J’ai été, entre guillemets, chanceux, parce que je me suis retrouvé à la prison de Saint-Jérôme. À l’époque, ils appelaient ça Le Village de Nathalie, c’était une prison neuve, c’était la moins pire. »

Il a également été condamné à rembourser 110 000 $ à Revenu Québec. L’a-t-il fait ? « J’ai le droit d’attendre à la fin de ma peine de 18 mois pour rembourser », répond-il. Va-t-il le faire ? « Si j’ai l’argent, oui, si je n’ai pas l’argent, non. Je ne peux pas dire autre chose que ça. Mon intention, ce n’est pas de ne pas les payer. Mais je n’ai plus rien. J’ai un salaire de 1000 $ à 1200 $ par semaine. Et ça m’en coûte 1200 $ par semaine pour vivre. Fait que les 100 000 $ que je dois leur payer, je ne sais pas comment je vais les payer au mois de juin 2020. Je verrai rendu là ! »

Glossaire

Failli 

Statut légal d’une personne insolvable qui a déclaré faillite. Le failli conserve ce statut tant qu’il n’a pas obtenu sa libération.

Faillite

Procédure régie par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité en vertu de laquelle une personne insolvable remet ses biens saisissables à un syndic autorisé en insolvabilité.

Libération de faillite

Dernière étape de la procédure de faillite qui dégage le failli de l’obligation légale de rembourser ses dettes encourues à la date de dépôt de la faillite.

Registraire 

Représentant de la justice qui entend la plupart des causes de faillites personnelles, notamment celles où il n’y a pas d’opposition.

Syndic autorisé en insolvabilité 

Officier de justice qui accompagne les personnes insolvables souhaitant faire faillite ou déposer une proposition de consommateur.

Sept découvertes clés de notre enquête sur les faillites à répétition

1. Le Québec est le champion des faillites à répétition. À elle seule, la province regroupe 58 % des cas de 3e faillite au pays, 74 % des cas de 4e faillite et 90 % des cas de 5e faillite.

2. La surreprésentation du Québec dans les données sur les faillites à répétition est un phénomène inconnu des acteurs de l’industrie de l’insolvabilité. Et ses causes précises demeurent un mystère.

3. Le nombre de faillites a diminué au Québec depuis 2011, mais les faillites à répétition (les 3e, 4e et 5e) ont connu un bond de 44 % pendant cette période.

4. À partir de la 3e faillite, le tribunal décide des conditions de libération du failli. Or, les juges et les registraires n’ont aucun barème à respecter, ce qui se traduit par un manque d’uniformité, voire des incohérences entre les jugements.

5. Les créanciers qui s’opposent à la libération d’un failli sont extrêmement rares.

6. Les tribunaux libèrent presque toujours de leurs dettes les personnes qui font une 4e ou une 5e faillite. Sur les 395 demandes entendues par les tribunaux au pays depuis 2011, seulement 5 % ont été refusées.

7. En Estrie, la Justice a ordonné à un homme qui en était à sa 5e faillite de payer 5900 $ à ses créanciers alors qu’une deuxième faillite l’aurait forcé à leur verser 17 700 $. La gradation des conséquences au fil des faillites n’est pas automatique.

Les multirécidivistes de la faillite

Ils en sont à leur troisième, quatrième ou même cinquième faillite. Braquons les projecteurs sur des cas lourds, multirécidivistes de la faillite.

Le riche avocat

Charles Rotenberg, 65 ans, trois faillites

C’est un ancien avocat d’Ottawa. Il se spécialise dans les litiges fiscaux avec l’Agence de revenu du Canada (ARC). Il en est pourtant à sa troisième faillite, et, lors de la 2e et de la 3e, c’est à l’ARC qu’il doit les plus grosses sommes. Il impute ses deux premières faillites à la consommation de cocaïne, et la troisième à des problèmes avec ses partenaires d’affaires et à de sérieux problèmes de santé. Au total, il a accumulé près d’un million en dettes lors de ses trois faillites, dont plus d’un demi-million de dollars dus à l’ARC. Un an après sa troisième faillite, sa femme — officiellement sans emploi — a fait l’acquisition d’une résidence de cinq chambres valant 600 000 $. « Il ne s’agit pas de mon domicile. Les finances de ma femme et les miennes sont deux choses totalement séparées », a-t-il fait valoir par écrit au Toronto Star. Il conduit une Honda de 2008, mais il lui arrive également de conduire une Cadillac — qui appartient elle aussi à sa femme. Le couple fait deux voyages par an. L’ancien avocat déclare gagner 9000 $ par mois. En 2017, la Cour supérieure de l’Ontario a jugé qu’il montrait « une totale absence de remords par rapport à sa situation. Son style de vie a été remarquablement peu affecté par ses faillites. » Le juge lui a refusé la libération à sa dernière faillite. « Le libérer, précise le magistrat, serait un affront à l’intégrité du système. »

Le douteux vendeur d’or

Oscar Solorzano, 59 ans, trois faillites, une proposition de consommateur

À sa troisième faillite, Oscar Solorzano, un Montréalais, devait plus d’un million de dollars dont la majorité était des impôts et taxes impayés. Le registraire l’a, au départ, suspendu pendant seulement un an. Revenu Québec a interjeté appel de ce jugement, affirmant que M. Solorzano s’était livré à de la fraude fiscale avec son entreprise de bijoux et de revente d’or, Création Moda Del Mondo. Le tribunal a ordonné une suspension de la faillite pendant trois ans et un paiement de 15 000 $ aux créanciers. Il y a deux ans, Solorzano s’est de nouveau retrouvé en situation d’insolvabilité. Il affichait des dettes de près de 15 000 $, avec aucun actif. Il a fait une proposition de consommateur, offrant des versements de 100 $ pour 60 mois. La proposition a été acceptée. Nous avons tenté de joindre M. Solorzano, sans succès.

Le flambeur invétéré

Joseph Mark Cloutier, 48 ans, trois faillites

C’est un travailleur de la construction de l’Ontario. Il dit gagner 4000 $ par semaine en tirant des joints. Il a fait faillite trois fois en huit ans. Lors de sa dernière faillite, la quasi-totalité de ses dettes de 94 000 $ était due à l’Agence de revenu du Canada, puisque ses impôts ne sont pas retenus à la source sur son chèque de paie. Or, Joseph Cloutier est un flambeur, et il en convient. Il sort des bars avec des factures de plusieurs centaines de dollars parce qu’il paie des tournées générales. Il claque 500 $ par mois en paris sportifs. « J’ai toujours été pourri pour gérer de l’argent, résume-t-il en entrevue au Toronto Star. Et j’ai une personnalité compulsive. Si vous me donnez un million, je vais l’avoir dépensé la semaine suivante. » Dans le budget présenté au Surintendant des finances, il avait prévu 800 $ par mois en dépenses d’alcool, de restaurants et d’évènements sportifs.

Le joueur compulsif

Omer Proulx, 69 ans, cinq faillites

L’homme originaire de la Montérégie a fait cinq faillites, sa dernière date de 2008. Il a déclaré faillite pour la cinquième fois moins de deux mois après la libération de son quatrième épisode d’insolvabilité. Son problème, c’est le jeu. Et il refuse de suivre une thérapie pour le régler. À sa quatrième faillite, il devait 70 000 $, en grande majorité, des sommes dues à Revenu Québec. Il n’a pas versé un sou à son syndic. Son audition devant le registraire dure moins de six minutes. « Le témoignage tend à démontrer qu’il est responsable à 100 % de sa faillite plutôt que l’inverse et qu’il n’y a aucun espoir de réhabilitation. » Le cas du failli, statue le registraire Patrick Gosselin, est « consternant et désespérant ». Sa demande de libération, un an après sa faillite, est rejetée. Il nous a été impossible de joindre M. Proulx.

L’entrepreneur toxique

Stephen Monahan, 59 ans, quatre faillites

Ce résidant de Hamilton, entrepreneur en construction, a fait quatre faillites depuis 1988. À son dernier épisode d’insolvabilité, en 2015, il avait cinq cartes de crédit en poche, sur lesquelles il avait accumulé pas moins de 93 000 $ de dettes. La liste des clients à qui il devait de l’argent — et n’en reverront vraisemblablement pas un sou — était longue : au total, il leur devait au-delà de 100 000 $. Lors de son audition prévue devant la registraire Janet Mills, celle-ci a statué qu’il « représentait une menace pour le système de crédit canadien ». Il avait alors des dettes de 93 000 $. Il en a remboursé moins de 3000 $. « Je suis réellement désolé pour les gens à qui je dois de l’argent. Je suis le seul responsable de mes échecs », a-t-il déclaré. L’un de ses créanciers, Dieter Gauger, lui a versé 60 000 $ pour des travaux… qui n’ont jamais été terminés. Il a perdu 36 000 $ dans l’aventure. « Le système des faillites fonctionne pour M. Monahan. Mais pas pour moi. C’est injuste. »

L’assidue du casino

Monique Émond, 72 ans, quatre faillites

Elle a fait faillite quatre fois. Ses deux premières faillites étaient essentiellement le résultat d’une séparation. « Mon premier mari m’a laissée seule pour payer la maison avec deux enfants, et une job de serveuse. J’ai dû vendre la maison à perte », a-t-elle expliqué dans une entrevue à La Presse. Mais ses troisième et quatrième faillites, admet-elle, relèvent surtout d’un problème de jeu. Elle omet de payer ses impôts et dépense plutôt de 700 à 800 $ par mois au casino. « Je m’ennuyais, alors je jouais. L’ennui, ça fait faire bien des affaires. » Elle assure avoir réglé son problème de jeu. Même à plus de 70 ans, elle occupe toujours un emploi, afin de payer les 4000 $ que le juge l’a condamnée à verser après son quatrième épisode de faillite.

La faillite, comment ça fonctionne

La personne insolvable rencontre un syndic autorisé en insolvabilité. Une fois la faillite déclarée, les créanciers ne peuvent plus tenter de se faire rembourser (appels téléphoniques, saisie de salaire, poursuites). 

Le syndic peut saisir des biens et les vendre pour rembourser les créanciers et se payer. 

Si le failli jouit d’un revenu excédentaire (montant supérieur au minimum vital pour vivre selon le Bureau du surintendant des faillites), il devra en verser une partie à ses créanciers. 

Le failli demande sa libération afin que ses dettes soient effacées.

La 1re fois : Libération automatique (sans se présenter au tribunal) après 9 mois ou 21 mois, selon le revenu du failli)

La 2e fois : Libération automatique (sans se présenter au tribunal) après 24 ou 36 mois, selon le revenu de la personne.

Ensuite : C’est le tribunal qui décide. Une audience — devant un registraire ou un juge — est nécessaire pour déterminer les conditions de libération. La Cour peut libérer le failli de ses dettes sur-le-champ, suspendre sa libération (la reporter ultérieurement) ou la refuser carrément (très rare).