Philippe Couillard et Jean-François Lisée ont un point en commun ce matin. Les deux chefs sont devant des militants mécontents, qui se questionnent sur ces leaders qui ont échappé le ballon à l'approche de la ligne des buts.

Pas besoin de chercher longtemps, hier, pour trouver des libéraux fâchés et déçus, chez des membres du gouvernement, chez les apparatchiks, chez les militants. Le passage de Philippe Couillard aux commandes n'aura pas servi le Parti libéral du Québec (PLQ) ; les décisions prises par une poignée de conseillers sans tenir compte du parti ont mené au très cruel verdict étalé partout dans les sondages ; les électeurs libéraux démotivés ont carrément boudé les urnes, hier.

Le scrutin pourrait bien marquer la fin d'un cycle au PLQ. Beaucoup pensaient à Pierre Moreau comme une roue de secours. Le député de Châteauguay aurait levé la main si François Legault avait été élu minoritaire. Le scénario était déjà moins évident dans l'éventualité d'un gouvernement majoritaire - Moreau n'aurait pas voulu attendre les trois années prévisibles avant que le PLQ ne renouvelle son leadership. Mais avec la défaite du ministre Moreau dans Châteauguay, le PLQ devra revoir en profondeur ce plan de match.

Résultats des élections Québec 2018

Pour voir les résultats sur un appareil mobile, cliquez ici

Philippe Couillard est resté ambigu, hier, sur ses intentions. Voudra-t-il rester en selle pour donner le temps à son parti de lui trouver un successeur ? Le temps, à l'évidence, qu'il se trouve un emploi dans le secteur privé. Il faut s'attendre à ce que cette proposition soit plutôt mal reçue à l'interne. Quelques semaines avant le déclenchement de la campagne électorale, Philippe Couillard paraissait avoir jeté l'éponge, manquait de détermination, confie-t-on.

Au sein du PLQ, on s'interroge ouvertement sur la performance de Philippe Couillard, qui au moment d'une embellie a échappé son évaluation irréaliste de la facture d'épicerie d'une famille. Le bilan économique du gouvernement était au zénith, même si les électeurs ne regardent guère les bilans, le PLQ avait une carte de visite impeccable, rappelle-t-on.

Cascade d'erreurs

On rappelle que la cascade des erreurs a débuté il y a un an, avec l'éviction de Sam Hamad, la candidature d'Éric Tétrault, puis l'arrivée de la caquiste Geneviève Guilbault dans le bastion libéral de Louis-Hébert, l'étincelle qui a fait décoller la fusée de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Dans le passé, quand le PLQ a eu à traverser un marécage comparable, après la défaite de Claude Ryan en 1981, l'ancien chef était resté député, mais c'est Gérard D. Lévesque qui avait été choisi comme chef parlementaire, jusqu'au retour de Robert Bourassa en 1985.

Qui pourrait prendre l'intérim si Philippe Couillard en est écarté ? Plusieurs libéraux parlent de Pierre Arcand, un parlementaire studieux et à la performance prévisible.

Certains croient aussi que Sébastien Proulx pourrait être intéressé. À moins qu'il tente sa chance à la direction du PLQ, alors il devra faire face à Dominique Anglade, en campagne ouverte depuis plusieurs semaines. Populaire, elle est toujours perçue comme une libérale de conversion récente - elle a déjà été présidente de la CAQ.

Un autre choix, le préféré des libéraux de longue date, André Fortin, député de Pontiac. L'ancien attaché politique de Jean Lapierre, ministre des Transports, a une jeune famille, mais n'a pas l'intention de « passer un tour », indique-t-on. Rien ne sert de choisir un chef dans la précipitation ; la CAQ est au pouvoir pour quatre années. Il ne faut pas compter, semble-t-il, sur Alexandre Taillefer, qui serait déçu par son tour de piste en politique. Dans les prochaines semaines, l'homme d'affaires aura fort à faire avec les problèmes de Teo Taxi, par ailleurs.

Hivon ou PKP ?

Le plan de match du Parti québécois est aussi chambardé par le verdict d'hier. Le départ de Jean-François Lisée pouvait être prévisible, devant les difficultés du parti en campagne électorale. Même élu, il y aurait eu beaucoup de fil à retordre pour faire oublier ses erreurs de campagne électorale.

Avec l'élection de Véronique Hivon dans Joliette, le PQ a une cheffe toute désignée s'il veut virer à gauche, comme l'y a invité Jean-François Lisée dans son discours hier soir. Elle a déjà donné des signes, montré ses désaccords avec Lisée en fin de campagne. Lors du départ d'André Boisclair, le parti s'était vite rassemblé derrière Pauline Marois et avait évité une course à la direction. Mais c'était en 2007, devant un gouvernement minoritaire. Cette fois, le PQ a davantage de temps.

Pascal Bérubé, réélu facilement dans Matane, pourrait dans cette éventualité être un chef parlementaire efficace, même si c'est Sylvain Gaudreault qui a déjà occupé cette responsabilité. Bérubé, il ne faut pas l'oublier, est aussi, et de loin, l'élu péquiste le plus proche de Pierre Karl Péladeau. L'ancien chef n'a jamais fait une croix sur la politique. Ses enfants, principale cause de son départ au printemps 2016, sont déjà plus âgés, et le seront davantage quand le PQ devra se choisir un chef. Mais les militants risquent de se souvenir qu'il les avait laissé tomber.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Jean-François Lisée a annoncé qu'il quittait la direction du PQ.