« On a marqué l'histoire ! », a lancé un François Legault ému, hier soir, devant quelques centaines de militants caquistes ébahis par l'ampleur de la victoire de leur parti.

C'est en effet une page d'histoire que le chef caquiste écrit : il brise l'alternance au pouvoir entre libéraux et péquistes qui se perpétuait depuis près d'un demi-siècle. Il ouvre ce nouveau chapitre en ayant les coudées franches, une majorité de 74 sièges, pour concrétiser ses promesses de changement.

« Il y a beaucoup de Québécois qui ont mis de côté un débat qui nous a divisés depuis 50 ans. Il y a beaucoup de Québécois qui ont fait la démonstration que c'est possible de faire travailler ensemble des adversaires d'hier afin de travailler pour le Québec de demain », a soutenu M. Legault au Centre des congrès de la capitale, de l'autre côté de la rue de ses futurs bureaux, l'édifice Honoré-Mercier.

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François Legault disait s'engager pour environ 10 ans lorsqu'il avait fondé la Coalition avenir Québec en novembre 2011, dans le but de réunir des personnalités de différents horizons politiques. Il lui aura fallu sept années pour former le gouvernement. Il a déjà confié devoir à René Lévesque son engagement en politique, un chef qui avait mis huit ans à porter le Parti québécois au pouvoir, en 1976. C'était jusqu'à hier le dernier réalignement électoral au Québec.

« Les Québécois ont choisi l'espoir et un gouvernement porteur d'un changement positif. Je vous garantis qu'on va tout donner, tout donner ce qu'on a pour répondre à cet espoir », a affirmé M. Legault, entouré de son épouse Isabelle Brais et de ses deux fils.

« On va se donner un gouvernement efficace, humain, qui a le coeur à la bonne place, mais les deux pieds sur terre. On a des défis énormes devant nous, mais les Québécois, on est capables. Oui, on est capables ! », a-t-il lancé, dans une formule qui rappelait le célèbre slogan de Barack Obama.

Le premier ministre désigné a voulu se faire rassembleur, y allant d'une déclaration en anglais. « Travaillons ensemble au bénéfice de tous les Québécois », pour un « Québec fort à l'intérieur du Canada ». « Je vous assure que mon gouvernement sera votre gouvernement », a-t-il insisté à l'attention de la communauté anglophone.

« L'avenir est à nous ! »

Seulement quelques dizaines de militants caquistes avaient eu le temps de se rendre au rassemblement électoral au moment de l'annonce, rapide, d'un gouvernement de la CAQ, 14 minutes après la fermeture des bureaux de vote. Puis ce fut l'explosion de joie quand, à 20 h 31, TVA a confirmé que la CAQ serait majoritaire à l'Assemblée nationale. « On a gagné ! On a gagné ! », ont scandé les militants. Ils étaient finalement quelques centaines à célébrer l'issue de cette campagne de 39 jours.

« Moi-même, j'ai été surpris » par l'ampleur de la victoire, a reconnu François Paradis, réélu dans Lévis. « On change la face du Québec. L'avenir est à nous ! »

« Vous me connaissez, je parle beaucoup, beaucoup, beaucoup, mais là je suis sans mots », a affirmé de son côté Nathalie Roy (Montarville). « À tous les détracteurs qui nous ont regardés de haut, eh bien M. François Legault sera notre premier ministre ! » Pour elle, « la machine [de la CAQ] a bien marché » et « les campagnes de peur ne marchent plus avec les Québécois ».

« Je me pince, et au moment où on se parle, je ne le réalise pas encore », a laissé tomber Éric Caire (La Peltrie), un ancien de l'Action démocratique du Québec, bien placé pour témoigner de la percée difficile d'une troisième voie à l'Assemblée nationale.

« On a toujours senti cet appétit pour un changement politique. On le voit s'exprimer aujourd'hui », a dit Geneviève Guilbault (Louis-Hébert). Sa victoire l'an dernier dans l'élection partielle de Louis-Hébert, un bastion libéral, a été le point de départ de la montée de la CAQ. « On fait la démonstration hors de tout doute que, oui, on est un jeune parti, mais on est bien organisé et on fait notre place. »

Les candidats-vedettes de la CAQ ont remporté leur bataille, qu'il s'agisse de Christian Dubé, Sonia LeBel, Marguerite Blais, Pierre Fitzgibbon, Éric Girard, Isabelle Charest ou Lionel Carmant.

La vague caquiste a même emporté celui qui était considéré comme le dauphin libéral, Pierre Moreau. La CAQ a fait tomber d'autres ministres, comme Véronyque Tremblay et François Blais à Québec, ou encore Lucie Charlebois dans Soulanges.

Deux élus à Montréal

François Legault pourra compter sur deux représentants de l'île de Montréal : dans Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, mairesse d'arrondissement, a eu le dessus sur le péquiste Jean-Martin Aussant et dans Bourget, Richard Campeau a renversé Maka Kotto.

Le parti remporte des batailles dont l'issue paraissait pourtant bien incertaine à François Legault. À trois jours du scrutin, il disait à ses militants de l'Estrie : « Si on ramasse Orford lundi prochain, ça va briser une séquence de 58 ans » de règne libéral. Son candidat Gilles Bélanger a facilement emporté cette circonscription jadis représentée par le libéral Pierre Reid.

La grande virée en région de François Legault, dans la dernière ligne droite de la campagne, a été payante : la CAQ s'est emparée d'Abitibi-Est, d'Ungava, de Chicoutimi et de Lac-Saint-Jean, par exemple. Elle a également fait trois gains dans une région qui était peinte en rouge, l'Outaouais, un résultat dont les organisateurs caquistes se sont montrés particulièrement fiers hier soir.