Brome-Missisquoi n'a connu qu'un député depuis 1981. Avec le départ du libéral Pierre Paradis, la vaste circonscription des Cantons-de-l'Est aura donc une nouvelle voix à l'Assemblée nationale. La Presse a rencontré la caquiste Isabelle Charest et la libérale Ingrid Marini, au coeur d'un duel chaudement disputé.

UNE MÉDAILLÉE EN MISSION

Elle n'est pas native de la région, mais Isabelle Charest y est néanmoins une véritable star depuis son arrivée au début des années 2000. Olympienne multimédaillée - un tatouage sur son avant-bras nous le rappelle avant même qu'on l'aborde -, l'ex-patineuse de vitesse a « été porte-parole d'à peu près tout ce qui se fait » dans le coin, à commencer par la promotion de l'activité physique chez les jeunes. Figure connue du paysage médiatique québécois, elle a été chef de mission pour l'équipe olympique canadienne aux Jeux de PyeongChang l'hiver dernier. Elle voit d'ailleurs des similitudes entre ce rôle et sa vie de candidate. « Dans les deux cas, on passe par toute une gamme d'émotions, il faut être au fait de plein de choses, rencontrer du monde... Disons que j'ai beaucoup de choses dans la tête ! », raconte la candidate de la CAQ.

100 % LIBÉRALE

Sur son bureau est déposé le livre Les valeurs libérales et le Québec moderne, de Claude Ryan. Derrière la page couverture, un mot d'encouragement personnel signé par Pierre Paradis. Le parti n'aurait sans doute pu trouver une candidate plus libérale qu'Ingrid Marini, qui se plaît à rappeler qu'elle « vendait des cartes de membre à 14 ans ». Issue d'une famille de cultivateurs de Pike River, elle se dit passionnée par la question environnementale, a travaillé en développement des affaires pour une entreprise de télécommunication et s'est impliquée dans de multiples groupes communautaires de la région. En tentant de succéder à Pierre Paradis, elle souhaite poursuivre l'oeuvre de celui qu'elle considère comme son « mentor », mais espère néanmoins insuffler « un vent de fraîcheur ». « Je veux apporter de la jeunesse, de l'énergie. On avance dans le temps », dit-elle.

L'OMBRE DE PIERRE PARADIS

Impossible de parler de Brome-Missisquoi sans parler de Pierre Paradis. Élu pour la première fois à la faveur d'une élection partielle en 1980, il a été reconduit à 10 reprises, souvent par d'écrasantes majorités. La fin de son règne n'a toutefois pas été de tout repos. Visé par des allégations d'inconduite sexuelle au début de l'année 2017, il a été expulsé du caucus libéral. Aucune accusation criminelle n'a finalement été déposée en lien avec cette affaire. À la même époque, un accident d'équitation l'a laissé très affaibli. Le gouvernement Couillard l'a symboliquement réintégré au sein de son caucus à quelques jours du déclenchement des élections, mais voilà qu'on a appris la semaine dernière que l'UPAC mène sur lui une enquête criminelle en lien avec l'utilisation de son allocation de logement. Proche de longue date de l'ex-ministre, Ingrid Marini affirme que les controverses le concernant n'ont « pas changé [sa] relation ni [son] opinion » à son égard.

PRIORITÉ ÉDUCATION

À la CAQ, Isabelle Charest assure avoir trouvé le parti qui « rejoint [ses] valeurs ». « Ce qui m'anime, c'est de voir des jeunes atteindre leur plein potentiel, dit-elle. C'est pour ça que je me lance en politique, pour donner aux jeunes la chance de réussir. » « Et à la CAQ, l'éducation, c'est la priorité », ajoute-t-elle. Mme Charest souhaite notamment mettre sur pied un système élargi de transport scolaire à travers la circonscription, qui donnerait plus de souplesse aux enfants qui veulent participer à des activités parascolaires et qui desservirait mieux les personnes inscrites à des cours de formation professionnelle, à plus forte raison dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre.

PRIORITÉ SANTÉ

Le regard d'Ingrid Marini, lui, est résolument dirigé vers la santé. Dans un point de presse la semaine dernière, elle a rappelé les engagements libéraux d'injecter 200 millions dans les soins à domicile et de créer 1500 places en CHSLD dans la province. Mme Marini s'engage à « s'assurer que ces promesses soient tenues » dans la région, sans toutefois préciser le nombre de places prévues localement. Elle compte par ailleurs se porter à la défense des institutions locales, à commencer par l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, à Cowansville. « Il ne faut pas que les services soient transférés à Granby, il faut les garder ici », dit celle qui souhaite également militer pour que davantage de services soient accessibles dans les deux langues - la région compte une forte population anglophone.

LANGUE MATERNELLE DANS BROME-MISSISQUOI

Français : 82,8 % (78,9 % au Québec)

Anglais : 15,2 % (7,6 % au Québec)

Autre : 1,9 % (13,5 % au Québec)

Source : DGEQ

UNE CIRCONSCRIPTION VIEILLISSANTE

La population de Brome-Missisquoi est plus âgée que la moyenne de la province, entre autres en raison du faible pouvoir d'attraction et de rétention de la région pour les jeunes étudiants et travailleurs. Pas surprenant, donc, que la pénurie de main-d'oeuvre la frappe de plein fouet : des centaines d'emplois sont vacants à l'heure actuelle, et ce, dans pratiquement tous les domaines, et on estime qu'il y en aura 10 000 d'ici 10 ans. Pour les deux candidates, les défis sont essentiellement les mêmes : rendre la circonscription attrayante pour les jeunes familles et stimuler les programmes de formation dispensés localement. « Il faut de bons emplois », résume Mme Charest. Son opposante soutient quant à elle que la connexion de toute la région à l'internet haute vitesse devrait avoir des impacts positifs en ce sens. Les deux femmes s'investissent par ailleurs dans l'aide aux agriculteurs et dans la sauvegarde de la gestion de l'offre.

POPULATION DE BROME-MISSISQUOI: 73 125

ÂGE

De 15 à 29 ans : 14,3 % (17,5 % au Québec)

De 30 à 44 ans : 17,0 % (19,3 % au Québec)

De 45 à 64 ans : 22,9 % (21,7 % au Québec)

De 60 à 74 ans : 22,3 % (17,4 % au Québec)

REVENU MOYEN DES MÉNAGES

75 581 $ (77 306 $ au Québec)

Source : DGEQ

« UNE NOUVELLE OREILLE »

Même si les projections lui donnent un court retard sur son opposante (4,3 points selon le site Qc125, en deçà de la marge d'erreur), Ingrid Marini a pleinement confiance que Brome-Missisquoi demeurera sous la bannière libérale. « Un changement n'est pas nécessairement une bonne affaire », dit-elle. « Je sais que j'ai les compétences nécessaires. Je ne vois pas comment une médaille olympique peut aider à défendre les droits des gens de Brome-Missisquoi à l'Assemblée nationale », lance-t-elle à propos d'Isabelle Charest. Et même si elle est la candidate de la continuité dans la circonscription, « je vais tout entendre d'une nouvelle oreille », promet-elle.

« LES VRAIES AFFAIRES »

Isabelle Charest ne s'en cache pas : elle est impatiente de troquer « la campagne de séduction » contre « les vrais dossiers, les vraies affaires ». « Je préfère m'asseoir, avoir des discussions, des rencontres substantielles », résume-t-elle. Adulée dans sa carrière d'athlète et associée à de multiples causes depuis, elle ne craint pas le changement de regard de la population à son égard et a l'impression que « les perceptions envers les politiciens évoluent ». Et elle compte mettre toute son influence au service de ses commettants. « François Legault m'a quand même nommée à la fin du débat de TVA ! », lance-t-elle en riant.

AUTRES PRINCIPAUX CANDIDATS

Pour affronter Mmes Marini et Charest, le Parti québécois a désigné Andréanne Larouche. Diplômée en sciences politiques, elle est présidente du PQ dans Brome-Missisquoi depuis 2015. Elle avait auparavant été attachée politique du député bloquiste Christian Ouellet puis de la députée péquiste Marie Bouillé. L'autre principal candidat sur les rangs est Alexandre Legault, de Québec solidaire. Il est fraîchement diplômé en sciences politiques et en philosophie.

RÉSULTATS DE 2014

PLQ 44,5 % (majorité : 6754 voix)

CAQ 27,9 %

PQ 20,4 %

QS 6,8 %

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Isabelle Charest, candidate caquiste dans Brome-Missisquoi

Photo Jacques Boissinot, Archives La Presse Canadienne

Élu pour la première fois à la faveur d'une élection partielle en 1980, Pierre Paradis a été reconduit à 10 reprises, souvent par d'écrasantes majorités.