Philippe Couillard est « tanné de [se] faire manger la laine sur le dos » par François Legault. « Si quelqu'un fait des attaques, il va en recevoir aussi », a-t-il affirmé mercredi en se lançant dans une série de « questions » sur la Coalition avenir Québec (CAQ).

De passage en Beauce, le chef libéral a questionné les liens qui unissent le chef de la CAQ au cofondateur du parti, l'homme d'affaires Charles Sirois. Ce dernier est notamment impliqué dans Pangea, une société d'activités agricoles. M. Couillard a demandé si la proximité entre M. Legault et M. Sirois expliquait pourquoi la CAQ « ne prend pas d'engagements sur le thème [de] l'accaparement des terres ». 

Puis, le chef libéral s'est questionné si le candidat de la CAQ dans La Prairie, Christian Dubé, avait participé à titre de vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) à des réunions avec Lumenpulse, alors que la société d'État investissait dans l'entreprise dont la conjointe de M. Dubé était actionnaire et administratrice, selon les médias de Québecor. 

« Je sers à M. Legault sa propre médecine. (...) [Puis] je vais vous dire comme on dit dans les établissements scolaires : c'est-tu moi qui a commencé ? », a poursuivi M. Couillard. 

Attaques interposées   

Le ton s'est radicalement durci mercredi entre la CAQ et les libéraux, alors que les deux partis ont passé une partie de la journée à s'envoyer par caravanes interposées des allégations de toutes sortes. 

En matinée, les médias de Québecor ont révélé que l'aile parlementaire caquiste a reçu en novembre 2016 trois courriels provenant de deux adresses associées au député libéral et candidat dans Chomedey, Guy Ouellette. Ces courriels détenaient de l'information concernant un homme d'affaires controversé, Luigi Coretti, et un haut fonctionnaire et militant libéral, Pietro Perrino.  

« M. Ouellette fait partie de mon équipe et s'il fait partie de mon équipe, c'est parce que je lui fais confiance », a dit M. Couillard, mercredi matin. 

Quelques heures plus tard, le chef de la CAQ, François Legault, n'a pas voulu confirmer que Guy Ouellette avait transmis des informations à son parti. « Je veux garder confidentielles nos sources d'information avec tous les députés, incluant Guy Ouellette », a-t-il affirmé. 

Or, sur le fond, a-t-il ajouté, « je trouve ça très grave qu'un député du Parti libéral dise : je suis prêt à sortir de l'information parce que mon chef n'a pas pris une bonne décision [quand] il a nommé un petit ami libéral qui n'aurait pas dû être nommé parce qu'il était au coeur du scandale des FIER au Saguenay-Lac-Saint-Jean. » 

Un gouvernement de la CAQ dégommerait M. Perrino, a-t-il ajouté. « Je pense que Philippe Couillard n'aurait pas dû nommer Pietro Perrino secrétaire général à l'économie, n'aurait pas dû le nommer pour préparer les futurs endroits de vente du cannabis. C'est sûr qu'un gouvernement de la CAQ ne gardera pas Pietro Perrino. » S'il est porté au pouvoir, M. Legault tenterait de négocier le départ de M. Perrino ou, puisque celui-ci est protégé par la sécurité d'emploi, il le mettrait « sur une tablette ». 

« Je ne sais pas à quel point M. Legault veut continuer à jouer à ce jeu-là. Je pense que ça n'aide pas la campagne », a répliqué Philippe Couillard, piqué au vif. 

Avec les allégations qu'il a de son côté émis mercredi contre la CAQ, le chef libéral souhaite « montrer que ce jeu-là [se joue à deux]. » 

« Personne ne le met au défi d'expliquer ses politiques qu'il n'est pas capable d'expliquer. Le fait que je pose des questions, ça peut peut-être éclairer le débat », a-t-il dit. 

« Je suis quelqu'un de respectueux et de poli. J'interviens comme ça quand j'ai à réagir. Je ne l'aurais pas fait [mardi] si M. Legault n'avait pas dit ce qu'il a dit et je ne serais pas ici artificiellement en train de générer une nouvelle chicane », a-t-il ajouté. 

Jean Habel dépose une plainte contre Legault 

Entre-temps, le député libéral sortant de la circonscription de Sainte-Rose à Laval, Jean Habel, a envoyé mercredi une lettre au Bureau du syndic de l'Ordre des comptables professionnels agréés (CPA) pour qu'il ouvre une enquête sur François Legault. 

« À l'occasion d'une mêlée de presse, M. Legault, commentant le bilan financier (...) publié par M. Philippe Couillard dans le cadre de la campagne électorale, a déclaré sans discernement que tout impôt latent était nécessairement lié à la détention d'actifs dans une juridiction étrangère, suscitant un débat immédiat sur la possibilité que M. Couillard dispose de fonds à l'étranger », peut-on lire dans la lettre obtenue par La Presse. 

« J'estime que les propos tenus par M. Legault sont de nature à contrevenir aux dispositions du Code de déontologie », poursuit-on. 

Mardi, François Legault s'est défendu d'avoir attaqué Philippe Couillard sur ce sujet.

- Avec Tommy Chouinard, La Presse.