Des préposés aux bénéficiaires ont perturbé vendredi une annonce de Philippe Couillard sur sa promesse d'ajouter des places en CHSLD. Un représentant syndical n'a pas mâché ses mots pour dire au chef libéral que « le réseau est en débandade », que « la situation se dégrade d'année en année » pour les préposés réduits à travailler « ventre à terre » et « épuisés ».

Quelques dizaines de manifestants, des préposés en bonne partie, attendaient de pied ferme la caravane libérale à la Maison Bon Séjour, un CHSLD de Gatineau.

Philippe Couillard est allé à leur rencontre avant sa conférence de presse. Un représentant syndical en a profité pour l'interpeller.

Au cours d'un échange vif de six minutes, le chef libéral a essuyé une pluie de critiques. Ses tentatives de démontrer que la situation s'améliore dans les CHSLD grâce à son gouvernement ont frappé un mur.

Le président du Conseil central de la CSN de l'Outaouais, Michel Quijada, a d'abord dressé la liste, longue, des CHSLD en manque de préposés aux bénéficiaires. « On nous dit dans la région que quand il manque un préposé aux bénéficiaires, on ne peut pas donner le deuxième bain » par semaine aux résidants. « Ce qu'on voit tous les jours, c'est qu'il y a des deuxièmes bains qui ne se donnent pas, il y a des services qui ne peuvent pas être donnés. Pour nous, c'est aberrant, ça n'a pas de sens », a-t-il lancé.

Il a ajouté que « les conditions de travail dans le réseau sont épouvantables ». Les préposés en Ontario gagnent trois dollars de plus l'heure qu'au Québec, a-t-il fait valoir. « Quand on compare les salaires de quelqu'un qui travaille chez Costco, qui fait 23 $ de l'heure, et d'un préposé aux bénéficiaires qui s'occupe jour après jour des patients, des gens qui sont malades et ont besoin de soins, et qu'on les paie 20 $ de l'heure au dernier échelon, il y a quelque chose qui ne marche pas ! »

Philippe Couillard a souligné qu'il a décidé d'abolir les six premiers échelons salariaux des enseignants et qu'il est « prêt à regarder le même genre de choses avec les préposés, les infirmières auxiliaires, les infirmières également ».

Il a rappelé sa promesse « d'améliorer les conditions de travail et de faire une campagne de valorisation du travail de préposé ». « Ça va comprendre les négociations salariales, je l'ai dit très clairement, pour augmenter non seulement l'attrait, mais la rétention des personnes dans un métier qui est très difficile. Là-dessus, vous et moi, on est sur la même longueur d'onde. »

Du tac au tac, son interlocuteur lui a fait un reproche. « Ça fait longtemps que vous êtes au pouvoir, pourquoi on attend à ce moment-ci pour le dire ? »

Philippe Couillard a insisté : « il y a des choses qui sont faites depuis quelques années », dont l'ajout de personnel.

La réplique ne s'est pas fait attendre. « Demandez aux préposés : personne ne s'en aperçoit qu'il y a des choses qui sont faites ! La situation se dégrade d'année en année. C'est épeurant ! »

« Ça ne peut pas durer cette situation, a-t-il également déclaré. Ça fait longtemps que ça dure. On a tous ici l'impression que ça empire de jour en jour. Les préposés sont épuisés, sont fatigués, ils travaillent ventre à terre, jour après jour. C'est une situation qui est intenable ! »

Les deux hommes se sont laissés sur une remarque de M. Couillard voulant que les médias ne traitent pas « des belles choses qui se font » dans les CHSLD. M. Quijada venait de lui dire qu'« il ne se passe pas une journée sans que les médias rapportent des aberrations dans le réseau de la santé ».

1500 nouvelles places promises

Philippe Couillard a dû tenir sa conférence de presse sous le bruit des crécelles et des slogans comme « On avance, on avance, on recule pas ».

Il a promis de créer 1500 nouvelles places en CHSLD d'ici 2022, alors que le nombre de lits y a diminué dans les dix dernières années. Le Québec compterait à terme la même quantité de places qu'il y a une décennie.

À l'heure actuelle, 2600 personnes sont sur une liste d'attente.

Des 1500 places promises par le PLQ, 500 seraient réservés aux personnes de moins de 65 ans qui doivent vivre en CHSLD en raison de leur handicap. Les libéraux voudraient « autant que possible » regrouper ces personnes plutôt que de les faire cohabiter avec des gens très âgés.

Selon le PLQ, 525 millions seraient nécessaires pour construire des CHSLD. Les coûts d'opération seraient de 132 millions par année.

Il y a un an, le Protecteur du citoyen déplorait un manque « criant » de places disponibles en CHSLD, alors que les besoins s'accroissent. Elle constatait une « augmentation des délais d'attente ». « Par effet de domino, les ressources intermédiaires sont surutilisées, alors que, bien souvent, elles accueillent des personnes dont les besoins sont trop lourds pour elles », soulignait l'ombudsman.

Dans un bulletin publié en décembre, le Commissaire à la santé et au bien-être constatait une diminution de 926 lits dans les CHSLD entre 2010-11 et 2016-17. Il notait toutefois « une certaine hausse » depuis 2015. Pendant que le nombre de places a baissé de 2,4 % de 2010-11 à 2016-17, la population âgée de 75 ans et plus, elle, a augmenté de 15 %.

En 2016-17, il y avait 37 468 places dans les CHSLD, contre 38 394 six ans plus tôt, selon le Commissaire.

D'après les plus récentes statistiques diffusées par le ministère de la Santé lors de l'étude des crédits budgétaires le printemps dernier, il y avait exactement 37 534 places en CHSLD, au 31 mars 2017.

Au départ, le PLQ avançait que sa promesse ferait porter le nombre de places à 38 500, à terme. Puis il a indiqué que le total serait plutôt d'un peu plus de 39 000.