Après avoir été défendu bec et ongle toute la journée par Jean-François Lisée, qui clamait sa présomption d'innocence, le député et candidat du Parti québécois dans Beauharnois, Guy Leclair, a retiré sa candidature des élections tard mercredi soir.

La nouvelle est tombée vers 23 h, alors que la caravane péquiste arrivait à Montréal après une longue journée de campagne qui a débuté à Rimouski. Partout où il allait, le chef du Parti québécois était talonné de questions sur son candidat, formellement accusé mercredi d'avoir conduit avec les facultés affaiblies et d'avoir omis d'obtempérer à un ordre qui lui avait été donné par un policier dans la nuit du 12 au 13 juillet dernier.

« J'ai pris ce soir la décision de retirer ma candidature en vue des élections du 1er octobre. Je le fais avec regret, car être député de Beauharnois depuis 10 ans fut le plus beau défi professionnel que la vie m'ait accordé », a écrit M. Leclair par voie de communiqué. 

« Je suis sûr que la justice m'innocentera de l'accusation portée contre moi (...). Cependant, j'estime que l'élection du Parti Québécois est trop importante pour que mon cas personnel détourne l'attention de nos propositions », a-t-il conclu.

Dans le lobby de son hôtel, rue de Bleury au centre-ville de Montréal, Jean-François Lisée a affirmé que Guy Leclair lui avait communiqué sa décision peu après 22 h. 

« Je sais que politiquement c'est bon pour la campagne, mais c'est quand même poche », a-t-il dit, les traits tirés. 

« Je ne sais pas comment réagir ce soir. Je sais que politiquement, ça clôt un chapitre, mais [ce n'est] pas normal. Ce n'est pas normal qu'un candidat qui a donné 10 ans [de sa vie au Québec], qui clame son innocence, doive abandonner son boulot, sa mission et sa vocation à cause de la compression politique qui existe en campagne électorale », a conclu le chef du Parti québécois. 

Une campagne paralysée 

L'histoire de Guy Leclair, qui a été l'objet d'une importante couverture médiatique depuis mardi, a complètement monopolisé la campagne du Parti québécois en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent. Dans tous ses points de presse, Jean-François Lisée expliquait pourquoi il gardait son candidat de Beauharnois dans son équipe, alors que celui-ci a été interpelé en juillet par un policier qui allègue qu'il conduisait avec les facultés affaiblies. 

« Si on était en session [parlementaire], l'accusation me porterait à suspendre M. Leclair du caucus jusqu'à ce qu'on ait la décision du juge. [...] J'espère qu'il sera réélu, il sera un excellent député, mais tant qu'on n'aura pas [le jugement], il ne siégera pas au caucus », a finalement dit M. Lisée lors d'un arrêt à Lévis, mercredi après-midi. 

Dans cette situation, le chef péquiste invitait donc les électeurs de Beauharnois à voter pour son parti, tout en affirmant du même souffle qu'une fois élu, leur député siégerait comme indépendant jusqu'à la fin de son procès. 

« On est dans une campagne électorale où la pression est extrêmement forte pour [...] jeter un député parce qu'il trouble la campagne. [La pression est forte] pour ne pas penser à la présomption d'innocence [...] et pour ne plus croire aux principes de justice. Moi, je n'embarque pas là-dedans », a vivement défendu Jean-François Lisée toute la journée. 

« J'ai fait mon droit. Je suis en politique depuis un certain nombre d'années et je me dis que cet homme a le droit [...] à son procès. [...] Je ne céderai pas à la pression parce qu'on est en campagne électorale », a-t-il ajouté.

Plus clément envers son équipe ? 

Jean-François Lisée, qui a affirmé mardi que le député caquiste Éric Caire devrait quitter la politique puisqu'il a accepté un prêt d'un maire de sa circonscription, ne juge pas que le cas de Guy Leclair méritait la même peine, quoique ce dernier a finalement tiré un trait sur sa carrière politique hier soir.

« Éric Caire a admis qu'il s'était mis dans une situation de conflit d'intérêts. Ça devrait avoir des conséquences. [...] Dans le cas de Guy Leclair, il dit : "je suis innocent". [...] Moi, j'ai fait mon droit, je suis en politique depuis un certain nombre d'années et je me dis que cet homme a le droit à la présomption d'innocence », a dit M. Lisée mercredi à Rimouski.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, participait mercredi midi à un lunch militant dans la circonscription de Guy Leclair, Beauharnois. Invité à commenter la conduite du député péquiste sortant, il a renvoyé la balle à ses adversaires.

« Je ne jouerai pas au donneur de leçon comme Jean-François Lisée, a dit M. Legault. Je vais le laisser se dépatouiller avec ses affaires. »

Guy Leclair comparaîtra au palais de justice de Salaberry-de-Valleyfield le 21 septembre. Pour ses deux chefs d'accusation, s'il s'agit d'une première infraction, il risque de recevoir une amende minimale de 1000 $. Dans le cas d'une seconde infraction, la peine minimale prévoit notamment 30 jours d'emprisonnement, a expliqué le DPCP à La Presse.

- Avec Martin Croteau, La Presse