Chasse aux faux comptes relayant de fausses nouvelles, ligne d'urgence pour les partis politiques victimes de pirates, guide de « cyberhygiène » pour se protéger en ligne : Facebook promet de mettre le paquet pour les élections québécoises. Mais si les publicités politiques achetées de l'étranger sont refusées, rien n'interdirait au reste du Canada de se mêler de la campagne au Québec, a-t-on appris. Explications.

LES LEÇONS DE 2016

L'ingérence russe qui a marqué l'élection présidentielle américaine de 2016, et vraisemblablement contribué à faire élire Donald Trump, a sonné le réveil chez Facebook. Le géant mondial des réseaux sociaux, qui compte 2,2 milliards d'utilisateurs, se dit dorénavant « déterminé à être une force pour le bien de la démocratie », a déclaré d'entrée de jeu hier Kevin Chan, responsable canadien des politiques publiques chez Facebook, lors d'une conférence téléphonique. « Lorsqu'il s'agit d'intégrité électorale, nous prenons nos responsabilités très au sérieux, a-t-il assuré en français. Nos priorités sont d'aider les gens à se faire entendre dans le processus démocratique, à apprendre davantage sur les candidats et les enjeux, à combattre les mauvais joueurs et à lutter contre la désinformation sur nos plateformes. »

LE TEST CANADIEN

En novembre dernier, Facebook a annoncé une « initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada ». « Le piratage de compte et la désinformation ont été identifiés comme étant les plus grandes menaces », a expliqué M. Chan. Trois des cinq mesures annoncées tournent autour de la sensibilisation à la « cyberhygiène », insistant notamment sur l'importance d'utiliser la double authentification pour empêcher le piratage de son compte. On a mis une ligne d'urgence pour les partis et organisations politiques qui en seraient victimes, et implanté un « test de transparence publicitaire » qui permet d'identifier les commanditaires d'une publicité, et de voir toutes leurs publications. Cette mesure, d'abord testée au Canada, « est désormais disponible dans l'ensemble du réseau mondial », a indiqué M. Chan.

PAS DE MENACE

En mai dernier, Facebook a annoncé avoir fermé 583 millions de faux comptes dans le monde... pour les trois premiers mois de l'année. Le Québec et le Canada ne sont évidemment pas à l'abri de ce phénomène étroitement lié aux fausses nouvelles, mais Kevin Chan ne pouvait chiffrer hier l'ampleur de ce coup de balai ici. Chose certaine, a-t-il assuré, ni le Québec ni aucune autre province au Canada n'ont été la cible d'une ingérence organisée, ce qu'il a désigné comme un « comportement non authentique coordonné ». « Mais nous demeurons vigilants », dit-il. Questionné par un journaliste, il a également précisé que la ligne d'urgence contre le piratage mise en place depuis plusieurs mois n'avait jamais été utilisée.

PUB ÉTRANGÈRE

Une publicité politique achetée de l'extérieur du Canada, et destinée aux électeurs du Québec, serait scrutée à la loupe et possiblement refusée. Mais que ferait Facebook si cette publicité était achetée de Toronto, par exemple, pour dénoncer la souveraineté ou intervenir dans le débat politique québécois ? Le directeur des politiques publiques n'a pu répondre et a dû avouer sa perplexité. Il s'est par contre engagé à coopérer pleinement si le Directeur général des élections du Québec demandait des comptes à Facebook. « Nous avons des lignes de communication très ouvertes avec les commissions électorales à travers le monde, incluant le Québec. [...] C'est tout à fait dans le droit d'une commission [de faire cette demande], et nous coopérerions. »

20 000 EMPLOYÉS

La chasse aux « mauvais joueurs », comme les appelle M. Chan, ne sera vraisemblablement jamais fermée dans un réseau utilisé par un humain sur trois sur Terre. « Fondamentalement, il s'agit d'un problème de sécurité. On ne peut jamais résoudre un problème de sécurité, les acteurs trouveront toujours de nouvelles façons de causer du tort. Notre but, c'est de leur compliquer la tâche. » Facebook compte aujourd'hui quelque 20 000 employés affectés à cette tâche. On mise énormément sur l'intelligence artificielle pour tamiser la masse des publications, plus de 10 milliards par jour. En France et en Allemagne, et plus récemment en Ontario, « les résultats sont prometteurs », dit M. Chan. « Nous avons constaté que nos outils fonctionnaient. Nous sommes sur la bonne voie. »