Philippe Couillard est excédé. Il se croit victime d'un traitement injuste. Il est le seul à avoir rendu public tous ses états financiers. Mais c'est lui qui doit se défendre depuis quelques jours, notamment à cause de son ancien compte dans un paradis fiscal. Alors que ses adversaires le «salissent» sans répondre eux-mêmes aux questions, s'est-il plaint lors d'un impromptu de presse samedi matin dans le Bas-Saint-Laurent.

«J'ai mis toute ma vie sur la table. Toute. Elle est toute là. Celle de mon épouse aussi. Alors de voir M. Legault qui pose des questions qui ont ni queue ni tête et de voir Mme Marois qui se sauve, ce n'est plus acceptable. C'est terminé, la récréation.»

Il somme ses deux adversaires de dévoiler leurs actifs, ainsi que ceux de leurs conjoints. «Est-ce qu'ils utilisent des fiducies? Ça aussi, ce sont des mécanismes pour profiter et tirer avantage des lois fiscales. Il faut mettre ça sur la table. C'est bien beau de poser des questions, mais moi, je suis tanné. C'est à eux de répondre aux questions maintenant.»

«C'est bien joli, les questions. Ça vous fait de beaux reportages, mais là, il faut poser des questions aux autres qui n'ont rien mis sur la table», a-t-il ajouté.

François Legault et Pauline Marois ont seulement dévoilé leur rapport d'impôt personnel, qui ne comprend pas leurs placements.

M. Couillard n'était pas résident fiscal canadien au début des années 90, et ne devait donc pas y payer d'impôt. Il travaillait en Arabie saoudite. Le taux d'imposition y était nul pour lui. Durant cette période, il a placé son argent à Jersey, un paradis fiscal, afin d'avoir le même taux d'imposition (nul) que dans son pays de résidence, mais dans une banque à charte canadienne, réputée plus digne de « confiance». 

Il est revenu au Québec en 1996, mais a conservé ce compte pendant quatre ans. Il n'y restait qu'environ le quart de la somme initiale, placée en épargne. Il dit avoir utilisé la majorité du 600 000 dollars pour réinstaller sa famille au Québec. Il assure avoir toutefois «tout déclaré» au fisc et avoir payé «tous les impôts» au taux du Canada.

Il s'est montré irrité quand on lui a demandé s'il fallait le croire sur parole. L'histoire «remonte à (presque) 20 ans». «Je veux bien faire de l'archéologie, mais je suis un peu limité», a-t-il dit, en expliquant que ces documents n'existaient plus. «Ce que je vous dirais cependant, si vous regardez mon train de vie, si vous regardez mes états financiers et ceux de mon épouse, franchement. Je ne me plains pas d'être pauvre, ce n'est pas ça que je veux dire, mais je ne nage pas dans l'opulence.» 

Contrats publics et caisse du PQ

Dans les années 90, les firmes de génie-conseil se seraient réparti des contrats publics grâce à une «vente aux enchères», et une partie de l'argent était en retour versée au Parti québécois, selon un rapport d'enquête dévoilé samedi dans La Presse.

Les noms de Pauline Marois et François Legault n'apparaissent pas dans ce rapport. M. Couillard dit ne pas vouloir «salir» ses adversaires. Mais selon lui, si on le rend coupable par association à cause de ses relations avec le sulfureux Arthur Porter, on pourrait faire la même chose avec le chef caquiste et la chef péquiste. «Si j'applique aujourd'hui la même logique que mes adversaires ont voulu m'appliquer dans les derniers jours; ils étaient à la même place au même moment, M. Legault et Mme Marois. Il y a ces révélations ce matin sur le système de financement avec les ventes aux enchères des contrats publics. Donc si je fais comme eux ont fait avec moi : ils sont impliqués là-dedans et ils doivent répondre aux questions et se justifier», a-t-il lancé.

Ne fait-il pas justement ce qu'il reproche? «Je vous illustre ce que ça fait, de faire de l'association», a-t-il répondu.