Pauline Marois est devenue ce soir la première femme à être élue au poste de premier ministre du Québec, mais les Québécois n'ont pas voulu donner carte blanche à ce gouvernement péquiste qui n'aura pas la majorité à l'Assemblée nationale -un sérieux coup de frein pour son projet de «gouvernance souverainiste».

Les libéraux ont fait une bien meilleure performance que ne le prévoyaient les sondages, bien que leur chef, Jean Charest ait subi une cuisante défaite dans Sherbrooke, où il était élu depuis 28 ans. Une période d'instabilité est à prévoir à l'Assemblée nationale, où les engagements de Mme Marois quant aux frais de scolarité, la taxe santé et les redevances sur les ressources naturelles auront à franchir le test des votes au Parlement.

Dans le dernier droit d'une soirée électorale électrisante, au moment de mettre en ligne, le Parti québécois était élu ou en avance dans 56 circonscriptions, à sept sièges d'une majorité à l'Assemblée nationale -63 sièges. Après neuf ans au pouvoir et en dépit d'une dernière année particulièrement difficile, le Parti libéral est tout de même élu ou en avance, dans 48 circonscriptions, solidement en selle comme opposition officielle à l'Assemblée nationale. Le PQ avec 33% des suffrages exprimé forme le gouvernement avec quelques points de moins que son score de 2008 - seulement 55 000 voix séparaient le PQ et le PLQ. Le taux de participation de 71 % est plus fort que le famélique 57 % de 2008, mais il est insuffisant pour conférer au PQ l'élan nécessaire pour devenir majoritaire.

Jean Charest a subi une gifle, une défaite cruelle dans Sherbrooke supplanté par Serge Cardin, l'ancien bloquiste passé au Parti québécois. Mais la résilience de son parti reste ce soir la surprise de la soirée électorale. Les sondages prédisaient une amère dégelée au parti de Jean Charest, loin derrière ses adversaires auprès de l'électorat francophones. Or, le PLQ est élu ou en avance dans 46 circonscriptions, le scénario le plus optimiste des stratèges libéraux. Le PLQ a récolté 31 % des suffrages exprimés.

Pour la Coalition avenir Québec, c'était une amère déception. Devant les militants, François Legault pansait les plaies, rappelant qu'en dépit de sa jeunesse, son parti avait obtenu une reconnaissance officielle à l'Assemblée nationale, ce qui avait échappé à l'ADQ en 2008. «Les résultats montrent que la Coalition avenir Québec est là pour rester. Le paysage politique n'est plus le même, on assiste à l'avènement d'une nouvelle force». Le résultat est «injuste» si on observe le nombre de sièges, «mais le gouvernement sera sous haute surveillance», d'insister M. Legault.

Avec 180 000 voix de moins que le PQ, le parti de François Legault a terminé loin en troisième place, avec seulement 19 candidats élus - ou en voie de l'être - même s'il récolte un solide 27 % des suffrages exprimés. Le nouveau parti n'a pas fait les gains attendus dans la couronne Nord, même si M. Legault et Jacques Duchesneau ont été élus dans L'Assomption et Saint-Jérome. Sa vedette en Santé, le Dr Gaétan Barrette, a mordu la poussière dans Terrebonne. Dominique Anglade, la présidente du parti, est battue dans Fabre par le PQ. En Montérégie, François Rebello, un transfuge du PQ a perdu la bataille dans Sanguinet. D'autres vedettes de la CAQ, Maud Cohen, et Claire Samson ont aussi mordu la poussière.

Dans la région de Québec, la CAQ a fait les gains attendus - Gérard Deltell, Eric Caire ont été réélus sans problème avec de nouveaux collègues, Christian Dubé dans Lévis et Richard Savoie dans Beauce Sud. Mais dans Bellechasse, le caquiste Christian Lévesque n'a pu l'emporter contre la ministre libérale, Dominique Viens. Sylvie Roy a été réélue dans Arthabaska. Quelques gains de la CAQ sont à prévoir aux dépends du PQ, dans Montarville, un fief péquiste, Monique Richard a cédé le siège à Nathalie Roy. Dans Saint-François, l'issue semble encore incertaine pour Réjean Hébert, une vedette péquiste. Dans Johnson, le caquiste Stéphane Legault livrait une chaude lute au péquiste Yves François Blanchet.

Québec Solidaire a moins de sièges que ne l'espéraient ses chefs, mais Françoise David fait son entrée à l'Assemblée nationale, après une troisième tentative, une cruelle défaite pour Nicolas Girard, une des vedettes du PQ. Première à prendre la parole, elle voit dans son élection un appui au changement «écologiste, féministe et de gauche» représenté par son parti. «Ce soir, vous gens de Gouin, vous faites plaisir à pas mal de monde au Québec»  a-t-elle lancé, promettant que son parti appuierait le PQ dans ses initiatives en faveur de l'égalité des sexes, l'écologie et la souveraineté. Québec solidaire, dans l'ensemble du Québec, a clairement moins bien fait que ne le prévoyaient les sondages.

Bien des ministres libéraux ont sauvé leur siège, souvent grâce à la division du vote entre le PQ et la CAQ. Sam Hamad, Laurent Lessard et Dominique Viens ont survécu. À Montréal Marguerite Blais et Lise Thériault ont conservé leur circonscriptions. Mais le ministre Pierre Corbeil, responsable de l'Agriculture a mordu la poussière dans Abitibi-Est.

Des vedette péquistes font leur entrée à l'Assemblée nationale, Jean-Francois Lisée et Pierre Duchesne dans Borduas, Léo Bureau-Blouin, âgé de 20 ans,  devient le plus jeune député à entrer à l'Assemblée nationale, élu dans Laval des Rapides, une circonscription que détenait le ministre Alain Paquet. Dans Trois-Rivières toutefois Djemilla Benhabib arrive derrière la députée sortante la libérale Danielle St-Amand. Dans Taschereau Agnès Maltais, reste la seule péquiste élue dans la région de la capitale.