Pauline Marois est devenue hier la première femme à être élue au poste de premier ministre du Québec, mais son arrivée au pouvoir a été assombrie. Un homme a été tué et un autre demeure dans un état critique dans l'attaque d'un forcené, qui a également allumé un incendie derrière le Métropolis, où se réunissaient les militants péquistes.

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Entourée subitement de ses gardes du corps, Mme Marois a dû suspendre momentanément son discours, juste après avoir lancé: «J'ai la conviction que l'avenir du Québec est de devenir un pays souverain!» Elle avait plus tôt promis le respect des droits des Anglo-Québécois. La sécurité a demandé l'évacuation de la salle après avoir entendu la déflagration. Mme Marois, déterminée, est revenue plus tard pour terminer calmement son discours.

Les électeurs n'ont pas voulu donner carte blanche au nouveau gouvernement péquiste, qui n'aura pas la majorité à l'Assemblée nationale - un sérieux coup de frein pour son projet de «gouvernance souverainiste». Avec seulement 1% des voix de moins que le Parti québécois (PQ), les libéraux ont fait une bien meilleure performance que ne le prévoyaient les sondages, même si leur chef, Jean Charest a subi une cuisante défaite dans Sherbrooke, où il était député (au fédéral puis au provincial) depuis 28 ans. Une période d'incertitude est à prévoir à l'Assemblée nationale, où les engagements de Mme Marois quant aux droits de scolarité, à la taxe santé et aux redevances sur les ressources naturelles auront désormais à franchir le test des votes au Parlement.

Avant le coup de théâtre déclenché par un trouble-fête à l'extérieur du Métropolis, elle avait d'abord pris la mesure de son mandat minoritaire et promis de «trouver les compromis nécessaires» pour gouverner. «Demain, on aura à travailler les uns avec les autres», a-t-elle affirmé, se voulant rassurante quant au respect des droits des anglophones.

Dans la dernière ligne droite d'une soirée électorale électrisante, le Parti québécois était en voie d'être élu dans 54 circonscriptions, à 9 sièges d'une majorité à l'Assemblée nationale. Après neuf ans au pouvoir et en dépit d'une dernière année particulièrement difficile, le Parti libéral du Québec (PLQ) était tout de même élu dans 50 circonscriptions, solidement en selle comme opposition officielle à l'Assemblée nationale. Le PQ, avec 32% des suffrages, forme le gouvernement avec quelques points de moins que son score de 2008. Le taux de participation de 74,31% a été plus élevé que le famélique 57% de 2008, mais insuffisant pour conférer à l'opposition péquiste l'élan nécessaire pour devenir majoritaire.

Jean Charest a subi une gifle, une défaite cruelle, par près de 3000 voix dans Sherbrooke et a été supplanté par Serge Cardin, ancien bloquiste passé au Parti québécois. Mais la résilience de son parti restait hier la surprise de la soirée électorale. Les sondages prédisaient une amère dégelée au PLQ, qui traînait de la patte auprès de l'électorat francophone. Or, le PLQ a réalisé le scénario le plus «optimiste» des stratèges libéraux en récoltant 31% des suffrages.

Sur un ton combatif, en dépit de la défaite, M. Charest a promis que son parti allait travailler «en cohabitation» avec le gouvernement, «en fonction des valeurs du Parti libéral», a-t-il prévenu, sans toutefois fournir d'indices quant à ses intentions sur son avenir politique.

Pour la Coalition avenir Québec (CAQ), c'était une amère déception. Devant les militants, François Legault a pansé les plaies et rappelé qu'en dépit de sa jeunesse, son parti a obtenu une reconnaissance officielle à l'Assemblée nationale, ce qui avait échappé à l'ADQ en 2008. «Les résultats montrent que la Coalition avenir Québec est là pour rester. Le paysage politique n'est plus le même, on assiste à l'avènement d'une nouvelle force.» Le résultat est «injuste» si on observe le nombre de sièges, «mais le gouvernement sera sous haute surveillance», a insisté M. Legault.

Quant au nombre de sièges, le parti de François Legault a terminé loin en troisième place, avec seulement 19 candidats élus - ou en voie de l'être - même s'il a récolté un solide 27% des suffrages. Le nouveau parti n'a pas fait les gains attendus dans la couronne nord de Montréal, même si François Legault et Jacques Duchesneau ont été élus respectivement dans L'Assomption et Saint-Jérôme. Sa vedette en santé, le Dr Gaétan Barrette, a mordu la poussière dans Terrebonne. Dominique Anglade, présidente du parti, a été battue dans Fabre aux mains du PQ. En Montérégie, François Rebello, un transfuge du PQ, a perdu la bataille dans Sanguinet. D'autres vedettes de la CAQ, Maud Cohen et Claire Samson, ont aussi été défaites.

Dans la région de Québec, la CAQ a fait les gains attendus - Gérard Deltell et Éric Caire ont été réélus sans problème avec de nouveaux collègues, Christian Dubé dans Lévis et Richard Savoie dans Beauce-Sud. Mais dans Bellechasse, le caquiste Christian Lévesque n'a pu l'emporter contre la ministre libérale Dominique Viens. Sylvie Roy a été réélue dans Arthabaska. Quelques gains de la CAQ à prévoir aux dépens du PQ: dans Montarville, un fief péquiste, Monique Richard a cédé le siège à la caquiste Nathalie Roy; dans Saint-François, l'issue semblait encore incertaine au moment de mettre sous presse pour Réjean Hébert, vedette péquiste. Dans Johnson, le caquiste Stéphane Legault livrait une chaude lutte au péquiste Yves François Blanchet.

Québec solidaire a moins de sièges que ne l'espéraient ses chefs, mais Françoise David fait son entrée à l'Assemblée nationale, après une troisième tentative - une cruelle défaite pour Nicolas Girard, une des vedettes du PQ. Première à prendre la parole, elle voit dans son élection un appui au changement «écologiste féministe et de gauche», représenté par son parti. «Ce soir, vous, gens de Gouin, vous faites plaisir à pas mal de monde au Québec», a-t-elle lancé, en promettant que son parti appuierait le PQ dans ses initiatives pour l'égalité des sexes, l'écologie et la souveraineté. Québec solidaire, dans l'ensemble du Québec, a toutefois moins bien fait que ne le prévoyaient les sondages.

Bien des ministres libéraux ont sauvé leur siège, souvent grâce à la division du vote entre le PQ et la CAQ. Sam Hamad, Laurent Lessard, Dominique Viens et Robert Dutil ont survécu. À Montréal, Marguerite Blais, Jean-Marc Fournier et Lise Thériault ont conservé leur circonscription, tout comme Pierre Moreau dans Châteauguay. Mais le ministre Pierre Corbeil, responsable de l'Agriculture, a mordu la poussière dans Abitibi-Est. Clément Gignac a baissé les bras devant la péquiste Agnès Maltais dans Taschereau.

Des vedettes péquistes font leur entrée à l'Assemblée nationale: Jean-Francois Lisée dans Rosemont et Pierre Duchesne dans Borduas. Léo Bureau-Blouin, élu dans Laval-des -Rapides, circonscription que détenait le ministre Alain Paquet, devient à 20 ans le plus jeune député à entrer à l'Assemblée nationale.