Les femmes votent-elles différemment des hommes? Et devraient-elles automatiquement voter pour une femme?

Quand Francois Legault a déclaré que son parti était moins populaire auprès des femmes parce qu'elles étaient moins à l'aise avec le changement, les commentaires courroucés n'ont pas tardé à fuser. Même réaction épidermique lorsque le chef de la CAQ a affirmé sur Twitter que les femmes accordaient moins d'importance au salaire que les hommes.

M. Legault a dû se rendre à l'évidence, il ne «passait pas» auprès de l'électorat féminin. Depuis la semaine dernière, il apparaît donc très souvent acccompagné de sa femme, Isabelle Brais.

Du côté des libéraux, l'épouse du premier ministre Jean Charest, Michèle Dionne, a multiplié les apparitions publiques aux côtés de son mari qui éprouve, lui aussi, des difficultés à marquer des points auprès des électrices. Mais n'est-il pas un peu tard pour sortir une femme de son chapeau? Suffit-il de se faire photographier entouré d'un groupe de femmes pour donner tout à coup l'impression qu'on se préoccupe d'elles?

«Il n'est pas trop tard, affirme Youri Rivest, vice-président chez CROP. Les hommes se font une idée rapidement dans une élection, mais les femmes, elles, «magasinent» plus longtemps. Elles sont davantage indécises et leur choix est disponible jusqu'à la fin. Quand on parle de swing vote, ce sont elles.»

Si vous trouvez cette analyse sexiste, ne lisez pas ce qui suit car vous risquez d'être profondément irrité. Ou découragé. En effet, lorsqu'on étudie de près le comportement de l'électorat, il semble que plusieurs stéréotypes ont la vie dure.

«Les hommes et les femmes n'appréhendent pas la politique de la même façon, poursuit Youri Rivest. En général, quand on observe les tendances partout dans le monde, les femmes se situent plus à gauche que les hommes. Et quand elles penchent plus à droite, elles se situent tout de même plus à gauche que les hommes sur les questions économiques.»

Même son de cloche de la part de François Gélineau, professeur au département de science politique à l'Université Laval et membre du comité scientifique de la boussole électorale de Radio-Canada à laquelle plus de 400 000 personnes ont participé. «Nos analyses nous disent qu'il y a effectivement des différences liées au sexe du répondant.»

Attention de ne pas tomber dans les généralisations, ajoute toutefois Elisabeth Gidengil, professeure au département de science politique à l'Université McGill et spécialiste des comportements électoraux liés au sexe. «Il n'y a pas un bloc féminin, mais il y a bel et bien des différences liées au sexe», dit-elle. En général, il semble que les femmes s'intéressent moins à la politique que les hommes, une triste réalité qui ne s'améliore pas chez les plus jeunes. «Seule exception, ajoute la chercheuse, lorsqu'un ou plusieurs chefs sont des femmes, comme aux élections fédérales de 1993 où le PC et le NPD étaient tous deux dirigés par des femmes (aucune étude n'est encore disponible sur les élections actuelles).»

Quant à la posture idéologique des femmes, il est vrai qu'elles se situent plus à gauche «mais lorsqu'on creuse, observe la professeure Gidengil, on remarque que les femmes n'ont pas vraiment bougé idéologiquement depuis les années 70. Elles sont plus à gauche parce que les hommes sont plus à droite, peut-être en réaction à l'essor du mouvement féministe».

Des différences s'observent également dans l'intérêt porté aux enjeux électoraux. «Les hommes se préoccupent davantage de l'économie et de l'emploi, les femmes de la santé et du bien-être social, note la professeure. Au fond, ce n'est pas si surprenant. Les femmes s'intéressent aux enjeux qui occupent une place importante dans leur vie comme le soin des enfants et des aînés.»

Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec, n'est pas d'accord avec cette affirmation. «Je refuse de parler d'enjeux féminins, lance-t-elle, tous les enjeux peuvent être traités sous un angle féministe. Prenez le Plan Nord: on peut se questionner sur sa viabilité, sur le travail des femmes, etc. On peut souligner que les gros salaires offerts aux travailleurs du Nord ont un impact sur les femmes à qui on dit de cesser de travailler et de rester à la maison puisque leur mari fait désormais un gros salaire. Ce sont des questions qui sont absentes de la réflexion actuelle.»

L'intuition féminine

Face aux politiciens, il semble que là aussi, les femmes réagiraient différemment, selon Youri Rivest de CROP, qui estime qu'elles ont un sixième sens pour bien «piffer» les candidats. «Les femmes sont plus sensibles, elles se demandent: quelle sorte de personne ai-je devant moi?, quel est son style de leadership?»

«Avec la boussole électorale, on observe que les femmes apprécient davantage les candidates féminines dans ce cas-ci Pauline Marois et Francoise David que les hommes», confirme François Gélineau de l'Université Laval.

Doit-on en conclure qu'elles voteront automatiquement pour une femme? Ont-elles le devoir comme plusieurs le suggèrent de ne pas rater ce rendez-vous avec l'histoire en votant pour la candidate qui pourrait devenir la première femme premier ministre du Québec?

«C'est un symbole important, mais on doit d'abord se demander si elle mérite notre confiance et si les hommes de son parti sont prêts eux aussi à faire avancer des dossiers comme l'égalité», note Alexa Conradi.

«Je n'embarque pas là-dedans, affirme Élaine Hémond, fondatrice du groupe Femmes politique et démocratie, aujourd'hui candidate pour Québec solidaire dans Jean-Lesage. «Il faut voter pour les conviction d'un candidat, pas pour son sexe. Je vais déplaire à mes amies féministes, mais je trouve que ce serait faire preuve d'une vision réductrice.»