L'avion transportant le personnel électoral a finalement pu se poser vendredi matin à Salluit, l'avant-dernier village nordique québécois, planté tout près du détroit d'Hudson, dans le nord du Nord. Les électeurs hors circonscription qui s'y trouvent bénéficient donc exceptionnellement d'une journée supplémentaire pour exercer leur droit de vote. Le vote par anticipation et pour les électeurs hors circonscription se terminait normalement le 30 août, à 14h.

> Voici le texte original publié dans La Presse de vendredi matin.

Le brouillard plane sur Salluit depuis quelques jours déjà. Rien d'étonnant, disent les gens de l'avant-dernier village nordique québécois, planté tout près du détroit d'Hudson, dans le nord du Nord. «C'est reconnu pour ça», dit Juliana Léveillé-Trudel, Montréalaise en séjour professionnel dans la région. Il n'est pas rare que les avions ne puissent s'y poser pendant plusieurs jours en raison du brouillard qui s'accroche.

Mais cette fois-ci, le brouillard a empêché une cinquantaine d'électeurs du village d'exercer leur droit de vote pendant la période de vote par anticipation. Ces électeurs - enseignants, infirmières, travailleurs de la construction... - sont inscrits sur la liste électorale de leur domicile principal, au sud, et avaient jusqu'à hier, 14 h, pour voter hors de leur circonscription.

L'avion ne peut se poser

Ils se sont fait dire, hier, que l'avion transportant le personnel électoral n'a pu se poser comme prévu au village et qu'il leur serait impossible de participer au scrutin du 4 septembre.

«On est vraiment fâchés!», s'exclame Mme Léveillé-Trudel, chargée de projet en récréologie, qui est inscrite sur la liste électorale de la circonscription d'Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. «Ils ne veulent pas revenir un autre jour parce que la date du vote hors circonscription sera passée. On essaie de leur faire comprendre qu'il doit y avoir des mesures d'exception pour nous. C'est ridicule que ça ne puisse pas être possible! Mais ils ne veulent rien entendre.»

«On nous dit qu'ils font leur possible pour nous donner le "privilège" de voter. Mais ce n'est pas un privilège, c'est un droit légitime!», ajoute Mme Léveillé-Trudel, jointe hier à Salluit. «J'ai toujours voté», dit James Walker, 28 ans, enseignant de Salluit inscrit dans la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal. «Je prends ça sérieusement», ajoute celui qui a pris la peine, lors de son passage cet été à Montréal, d'aller rencontrer des candidats de sa circonscription.

Ironiquement, Juliana Léveillé-Trudel a également reçu hier par courrier les documents qu'elle avait aussi demandés pour le vote par correspondance. Documents qu'elle ne pourra retourner à temps pour le scrutin...

Importance particulière

Comme plusieurs électeurs cette année, l'exercice du droit de vote revêt une importance particulière. Jean-Louis Berthiaume, enseignant et chargé de liaison entre des travailleurs de la construction et le service de santé, l'a bien senti. «J'ai vu les gars de la construction hier, et c'est la première question qu'ils m'ont posée: quand est-ce qu'on vote?»

M. Berthiaume, qui entreprend sa septième année dans le Nord, est inscrit dans la circonscription d'Ungava. Il pourra donc voter mardi prochain. Mais il dénonce la situation «injuste» qui affecte ses collègues inscrits dans d'autres circonscriptions.

Les électeurs isolés ont proposé au Directeur général des élections du Québec d'être ajoutés exceptionnellement à la liste électorale de la circonscription d'Ungava. Ou alors, que leurs votes hors circonscription soient acheminés plus tard que prévu. «On est environ 50 personnes, ça ne ferait pas vraiment de différence», dit Mme Léveillé-Trudel.

Ils évoquent également des problèmes d'organisation du scrutin au village. «Ça peut arriver qu'un avion ne puisse pas venir. C'est frustrant, mais c'est comme ça, dit Jean-Louis Berthiaume. Mais on parle ici de négligence: ils sont venus ici la semaine dernière, mais ils ne l'ont pas annoncé. On ne l'a jamais su!»

Le Directeur général des élections du Québec a indiqué en fin de journée hier avoir pris note de la situation à Salluit. Il prendra une décision aujourd'hui pour satisfaire exceptionnellement les électeurs. «On fera tout notre possible pour les faire voter», dit la porte-parole Caroline Paquin. «Mais il y aura quand même une limite qu'on ne pourra repousser. Et si le brouillard persiste...»