Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre un acteur de l'actualité et lui pose 10 questions en lien avec la couverture médiatique dont il a été l'objet. La 11e question vient du public. Durant la campagne électorale, notre journaliste s'entretient avec les chefs des formations qui jouissent d'une moins grande couverture médiatique. Cette semaine: Jean-Martin Aussant, chef du parti Option nationale.

1. Vous êtes à la tête d'un parti très peu connu de la population. Pensez-vous avoir réussi à vous faire connaître davantage durant cette campagne?

Au moment où on se parle, notre notoriété est plus grande qu'au début de la campagne, ne serait-ce que par notre exclusion du débat, qui a beaucoup fait parler de nous à cause de l'injonction. On aurait de loin préféré être au débat, mais faire valoir nos droits par des moyens juridiques a aussi contribué à faire parler du parti, et je suis sûr que ça a incité des gens à aller consulter la plateforme. Mais ce ne sera jamais un effet aussi positif que si on avait participé au débat.

2. Faire parler de vous, était-ce un de vos buts en demandant une injonction?

Non, on souhaitait vraiment que le juge se rende à nos arguments et nous inclue dans le débat ou qu'il demande aux réseaux de télévision de nous accorder le temps d'antenne équivalent. La loi électorale est claire: tous les partis représentés au Parlement ont droit à un traitement égal des médias. La loi ne fait aucune mention du nombre d'élus, des intentions de vote dans les sondages, etc. Sinon, ça voudrait dire que certains médias pourraient avantager des candidats. Est-ce que ça veut aussi dire que, si M. Péladeau s'intéresse à la politique un jour, il aurait le droit de mettre son visage dans le Journal de Montréal et à TVA pendant 35 jours, selon le juge? Moi, ça m'inquiète. Si je suis élu, le premier projet de loi que je déposerai aura pour but de clarifier la loi électorale, car c'est trop facile d'en contourner l'esprit.

3. Que pensez-vous de la campagne, jusqu'ici?

Que les politiciens, les vieux dinosaures, font le même genre de campagne d'attaques sur ce qui s'est passé il y a 10 ans plutôt que de parler de l'année qui vient. Par contre, il y a aussi émergence d'idées nouvelles à travers des partis plus jeunes. Malheureusement, dans les débats, c'est le style vieille politique qui domine. Ce n'est pas ce qui va ramener les gens à la politique.

4. La question revient sur toutes les lèvres: pourquoi avoir fondé un nouveau parti souverainiste alors qu'il en existe déjà deux?

Si Option nationale ne participait pas à la campagne, il y aurait deux choix pour le «non» avec la Coalition avenir Québec et le Parti libéral du Québec et deux choix pour le «peut-être» avec QS et le PQ. Nous sommes le choix pour le «Oui». Québec solidaire et le Parti québécois se disent souverainistes, et je les crois. Individuellement, chacune de ces personnes voterait «oui» s'il y avait une démarche. Mais rien ne garantit dans leur programme qu'ils vont faire ce qu'il faut pour faire un pays.

5. Pourquoi ne pas avoir fait valoir votre point de vue à l'intérieur de Québec solidaire?

Il est plus facile d'entrer dans un parti que d'en créer un, c'est certain. Mais c'est irréaliste de penser que j'aurais pu changer la mentalité qui a mené à la formation de ce parti. J'étais observateur à la première assemblée de QS, et la discussion la plus entendue dans les couloirs était: serons-nous un parti fédéraliste ou souverainiste?

Ce qui a mené à la création d'Option nationale, ce sont des gens qui souhaitaient un pays mais qui ne se reconnaissaient plus dans le PQ. On entend souvent des souverainistes dire: on ne veut pas perdre une troisième fois. Pour ça, il faut se faire élire en promettant qu'on va faire la souveraineté. Mon engagement en politique découle de mon désir de faire un pays. Si les gens me disent qu'ils ne veulent pas de mon projet, je vais les respecter et faire autre chose de ma vie.

6. On vous reproche de diviser le vote souverainiste. C'est une responsabilité que vous assumez?

Je trouve plutôt que ça le clarifie. Nous sommes le vote des souverainistes, et ceux qui sont dans le «peut-être» ou qui sont un peu mous divisent notre vote. Option nationale élargit la gamme des possibilités politiques pour le Québec, et c'est très sain. J'ai 42 ans et, depuis que je suis né, ce sont les deux mêmes partis qui alternent sans arrêt. D'où la nécessité d'avoir un scrutin proportionnel, ce que les deux grands partis ne souhaitent pas parce qu'ils veulent conserver leur monopole.

7. Si vous n'êtes pas élu le 4 septembre, vous continuez?

René Lévesque a eu besoin de trois fois pour être élu dans sa propre circonscription.... On ne dira pas que si ça ne marche pas la première fois, on s'en va. Créer un nouveau parti, c'est un projet de longue haleine. Quand on voit l'enthousiasme des gens - les trois quarts de nos membres sont des jeunes, nous avons 4000 membres après moins de 9 mois d'existence! - on ne peut pas abandonner.

8. Vous utilisez beaucoup les réseaux sociaux pour faire entendre votre point de vue. Êtes-vous en mesure de constater des résultats concrets dans les appuis et le financement?

On les utilise par nécessité, parce que les médias traditionnels sont un mur qu'on met du temps à percer et parce que nos membres sont assez jeunes et qu'ils utilisent ces outils pour communiquer. On n'a pas les millions du PQ et du PLQ, mais on a quand même quelques sous, et nos initiatives fonctionnent très bien.

9. Qu'est-ce qui vous motive à continuer, sachant qu'Option nationale ne fera pas élire grand monde le 4 septembre?

C'est de voir que des gens ont sauté à pieds joints avec moi. Quand quand j'ai quitté le PQ, la personne la plus triste dans le paysage, c'était moi. J'aurais voulu que ça fonctionne dans un parti qui existait déjà, mais je n'avais plus cette conviction-là. En fondant Option nationale, je ne savais pas si on aurait 14 membres, mais finalement des milliers de personnes ont embarqué, et ça me motive énormément.

10. Qu'est-ce qui pourrait vous convaincre de réintégrer les rangs du PQ?

Sur le plan individuel, un retour de ma part est exclu. Mais dans nos statuts, on a placé la cause avant les intérêts du parti: si un jour, un autre parti politique défend les mêmes idées que nous et qu'on se ressemble trop, on veut collaborer, voire fusionner. Si le PQ défend des positions similaires aux nôtres, nous sommes conscients que le véhicule est similaire et donc, un retour collectif serait possible. Mais sur le plan individuel, c'est non.

10+1. de Stéphanie Neveu @FannyArdente: En tant que citoyen, pour quel parti voteriez-vous en l'absence d'Option nationale?

Question piège... Je créerais un parti pour avoir un vrai choix. Je n'ai pas l'intention d'annuler mon vote ou de ne pas aller voter. Je m'oppose totalement au vote stratégique. Les deux partis en sont à faire peur aux gens: votez pour nous pour ne pas élire l'autre. C'est la preuve qu'ils n'ont pas de projet.