Laxisme ou preuve que les vérifications fonctionnent? Jacques Duchesneau et Jean Charest ont offert des interprétations différentes des révélations selon lesquelles la ministre de la Justice a occupé un bureau appartenant à un proche des Rizzuto, mardi matin.

Après sa nomination au cabinet, Kathleen Weil a occupé pendant quatre mois un bureau appartenant à un proche du fils de l'ancien parrain Vito Rizzuto, a rapporté La Presse aujourd'hui en matinée.

«Habituellement, quand on loue des locaux - on le fait même pour les candidats - on vérifie avec qui on fait affaire. Maintenant, est-ce que la ministre Weil, en toute honnêteté, était au courant de qui loue son bureau? Ce serait étirer le café de dire qu'elle le savait et qu'elle n'a rien fait», a nuancé le candidat de la Coalition avenir Québec et ancien patron de l'Unité anticollusion, Jacques Duchesneau.

Il croit par contre que l'équipe de Mme Weil aurait dû faire ces vérifications. «Peut-être qu'il y a un certain laxisme», a-t-il dit.

M. Duchesneau croit que les membres du gouvernement libéral n'ont pas été assez «protégés». Selon lui, le problème «vient du haut». Il rappelle que le premier ministre Charest demandait à ses ministres de récolter 100 000$ par année pour la caisse du parti.

«C'est leur donner un objectif élevé», a-t-il lancé.

En campagne dans le quartier Saint-Henri, à Montréal, Jean Charest a affirmé qu'il n'avait jamais été informé de la situation.

«Je comprends de l'information qui a été rendue publique que, dès que cette information a été communiquée à la ministre de la Justice, un changement a été fait», a-t-il souligné.

Le chef libéral y voit la preuve que les vérifications a été efficaces. «Ce qui est rassurant, c'est qu'ils ont agi sur-le-champ pour changer la situation», a-t-il affirmé.

Le rapport Moisan: toujours pertinent, selon Duchesneau

Bien que son collègue Gaétan Barrette ait minimisé hier l'importance du rapport Moisan, que Jean Charest a déterré au débat des chefs de dimanche pour attaquer le Parti québécois, M. Duchesneau se montre plus nuancé: «Le mandat qui a été donné à la commission Charbonneau, c'est de regarder 15 ans en arrière. Si je me rappelle bien, le rapport Moisan a été déposé en 2006. C'est un élément important qu'on ne peut pas tout simplement occulter.»

«Il aurait été préférable qu'on laisse la commission Charbonneau finir ses travaux avant de déclencher une élection mais, comme vous le savez, ce n'est pas nous qui avons demandé une élection.»

En fait, tout indique que la commission Charbonneau n'aurait pu terminer ses travaux avant l'échéance du mandat du gouvernement libéral, qui devait se terminer en décembre 2013. Le premier ministre a déclenché la campagne électorale durant la pause estivale des travaux de la commission Charbonneau, qui reprendront deux semaines après les élections.

En attente du lapin

Dimanche, M. Duchesneau prévoyait que les adversaires de M. Legault sortiraient des «lapins de leur chapeau» pour le déstabiliser. Il n'y en a pas eu.

«Quand on travaille [contre] la collusion et la corruption, c'est comme donner un coup de pied dans un nid de guêpes. Une fois que t'as donné le coup de pied dans le nid de guêpes, c'est possible qu'elles viennent te piquer», a-t-il expliqué. Il n'a pas voulu reprendre sa prédiction.

En compagnie des candidats Gérard Deltell, Maud Cohen, Sylvie Roy et Cédrick Beauregard, M. Duchesneau a présenté les propositions déjà connues de la CAQ en matière d'éthique.

Sa «Loi 1» serait une loi omnibus. On créerait un nouveau poste de commissaire à l'intégrité. Il regrouperait les fonctions déjà occupées par le commissaire à l'éthique - un poste créé récemment par le gouvernement Charest - et le commissaire au lobbyisme.

Comme le Parti québécois, la CAQ créerait un poste de directeur parlementaire du budget, comme celui qui existe à Ottawa. Il permet de donner un portrait indépendant des finances publiques.

Tout comme Québec solidaire et le PQ, la CAQ veut limiter à 100$ par année les dons qu'un particulier peut faire à un parti. Option nationale propose la fin des dons. Le gouvernement Charest a abaissé le plafond de 3000$ à 1000$.

La CAQ plafonnerait aussi le financement annuel total des partis. Il passerait à 2 millions de dollars par année, et à 4 millions en année électorale. À l'exception du Parti libéral, tous les partis proposent des élections à date fixe, comme c'est désormais le cas au fédéral.

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Autre mesure consensuelle : comme tous les autres partis, la CAQ promet de colmater les brèches dans la loi sur la collusion et la corruption dans l'industrie de la construction, grâce auxquelles les entreprises condamnées pour fraude peuvent continuer à soumissionner des contrats publics. Elle promet de le faire très rapidement, comme le réclame l'opposition à l'hôtel de ville de Montréal.

La CAQ voudrait aussi que chaque municipalité de 50 000 habitants et plus possède un vérificateur général. Elle créerait en outre un autre poste de vérificateur général qui chapeauterait les vérifications de toutes ces municipalités. Le seuil est actuellement fixé à 100 000 habitants.

Enfin, pour améliorer la transparence, les contrats de 25 000$ et plus seraient affichés sur un portail gouvernemental, et on changerait la loi pour mieux protéger les personnes qui souhaitent dénoncer des malversations ou des irrégularités. Une protection similaire existe déjà au fédéral. La CAQ ne précise pas le contenu de ce projet de loi.