Vraies ou fausses, les affirmations faites par les chefs des différents partis lors du débat de dimanche soir? Vérifications faites, il faut souvent les modérer ou y ajouter des précisions, ont constaté les journalistes de La Presse. Voici 20 affirmations vérifiées.

Enjeux socio-économiques :

1) François Legault a dit : «Le tiers de la dette a été causée par le gouvernement Charest.»

Vérification :

L'affirmation est vraie, mais un peu trompeuse. Depuis 2003, la dette nette du Québec a augmenté de 82 milliards (de 97 à 179 milliards). Durant les neuf ans de gouvernement péquiste (1994-2003), la dette nette avait augmenté de 38 milliards. La meilleure façon de calculer l'évolution de la dette est de la mesurer par rapport à la taille de l'économie (ratio dette/PIB). Durant les années Charest, le ratio d'endettement net est passé de 53,1% à 55,3%. La hausse est moins importante en réalité puisque Québec a modifié sa méthode de calcul en 2008 afin d'inclure la dette des réseaux de la santé et de l'éducation (+1,7% du PIB). Conclusion : sous le gouvernement Charest, le Québec a augmenté son endettement net de 0,5% du PIB.

2) Jean Charest a dit : «La dette du Québec a grossi moins rapidement qu'ailleurs. Elle a grossi de 3,5% depuis 2008, comparativement à 12% au Canada, 26% aux États-Unis, 22% dans les pays de l'OCDE, 20% en France, 18% dans la zone euro.»

Vérification :

La dette brute du Québec a augmenté de 3,2% du PIB, passant de 50,4% du PIB au 31 mars 2008 à 55,3% du PIB au 31 mars 2013 (un changement comptable ajoute 1,7% du PIB à la dette au 31 mars 2009). Pendant cette même période, la dette nette du Québec a augmenté de 7,7% du PIB, comparativement à une hausse de 12,7% du PIB en Ontario.

3) Jean Charest a dit : «Vous ne me direz pas que le Québec n'a pas fait une bonne performance (au chapitre de l'emploi depuis la crise économique de 2008). On a fait mieux que la moyenne canadienne, on a fait mieux que l'Ontario.»

Vérification :

De septembre 2008 à juillet 2012, le taux de chômage est passé de 7,2% à 7,6% au Québec, une hausse de 0,4 point. En Ontario, le taux de chômage est passé de 6,5% à 7,9%, une hausse de 1,4 point. Au Canada, le taux de chômage est passé de 6,2% à 7,3%, une hausse de 1,1 point. La performance du Québec est donc meilleure que celle de l'Ontario et de la moyenne canadienne, mais le taux de chômage y reste plus élevé que la moyenne canadienne.

4) Jean Charest a dit : «Il s'est créé 50 000 emplois au Québec en 2012.»

Vérification :

En 2011, le Québec a été la seule province à perdre des emplois, avec un recul de 1,4% entre décembre 2010 et décembre 2011. Après une fin d'année 2011 difficile, le marché du travail s'est bien rattrapé en 2012.

Ainsi, depuis de début de l'année, il s'est créé 50 800 emplois au Québec, une hausse de 1,3%. Seule la Saskatchewan (+1,8 %) dépasse le Québec, note Benoit P. Durocher, économiste principal au Mouvement Desjardins, dans un récent bulletin économique.

5) Jean Charest a dit : «On décrit le Québec comme étant le paradis des familles parce qu'on a augmenté substantiellement les allocations.»

Vérification :

Beaucoup des baisses d'impôts annoncées par Jean Charest sont allées aux familles à revenus modestes. Par exemple, en 2004, les libéraux ont instauré le programme de soutien aux enfants (547 millions par année) et la prime au travail (243 millions) pour aider les travailleurs à faible revenu à franchir le «mur de l'aide sociale». Dans ce budget, qui offrait des économies de 1 milliard de dollars aux contribuables, environ 40% étaient destiné aux familles pauvres. Une famille avec deux revenus totalisant 20 000$ s'est enrichie de près de 4000$ par année.

6) Pauline Marois a dit : «M. Charest a prévu dans son budget 400 millions (en redevances) par année sur 10 ans, et ça n'augmente pas!»

Vérification :

Il est vrai que la hausse des redevances minières prévue par le gouvernement Charest paraît assez modeste. De 305 millions pendant l'exercice 2010-2011, elles devraient grimper à 415 millions en 2016-2017, un gain de 36%. Il faut toutefois mettre en lumière les changements apportés l'an dernier par le gouvernement Charest, qui a notamment fait passer le taux de redevances de 12% à 16%. Ces modifications, combinées à la hausse du prix des métaux, ont entrainé une augmentation «significative» des redevances pour le Trésor québécois, note un rapport Secor-KPMG. La moyenne a été de 42 millions de 2006 à 2009.

7) François Legault a dit : «Le Québec était au quatrième rang du revenu disponible en 2003. Aujourd'hui, il est au neuvième rang. Seule l'Île-du-Prince-Édouard se trouve derrière.»

Vérification :

En 2003, les Québécois étaient effectivement au quatrième rang avec un revenu personnel disponible par habitant de 21 216$. L'Alberta (25 740$), l'Ontario (24 010$) et la Colombie-Britannique (22 197$) avaient alors un revenu plus élevé. En 2010, les Québécois sont avant-derniers, avec un revenu de 26 642$, un écart de plus de 10 000$ avec les Albertains (37 885$) qui restent les plus riches au Canada. Et c'est l'Île-du-Prince-Édouard qui est au dernier rang (24 645$), selon Statistique Canada.

8) Pauline Marois a dit : «Secor a fait la démonstration que ce que nous voulions demander aux minières (une redevance minimale de 5% sur la valeur brute de la production, et une autre de 30% sur les «surprofits») était ce qui allait donner les meilleurs résultats.»

Vérification :

Le PQ propose d'instaurer une taxe de 30% sur les «surprofits» des minières. Un tel régime enrichirait en effet l'État. Mais plusieurs experts rappellent que le Québec est un petit acteur minier à l'échelle mondiale. Ses gisements ont souvent une teneur plus faible qu'ailleurs et la stabilité du régime de redevances constitue un de ses plus gros avantages. «Si la fiscalité devient désavantageuse, des projets ne seront pas choisis ici parce qu'il y aura des conditions plus avantageuses ailleurs », résume Georges Beaudoin, professeur au département de géologie de l'Université Laval.

Gouvernance :

9) Françoise David a rappelé que le Parti libéral du Québec avait obtenu des dons illégaux de la firme Axor. C'est Québec solidaire qui a mis au jour les irrégularités qui ont conduit à l'enquête.

Vérification :

En 2010, à la suite d'une recherche menée par Québec solidaire, le DGE a épinglé la firme de génie-conseil Axor, qui a reconnu sa culpabilité à 40 constats d'infraction. Les dons illégaux totalisaient 152 500$: 113 500$ au PLQ, 34 000$ au PQ et 5000$ à l'ADQ.

10) François Legault a rappelé que l'une des candidates du PQ, Diane De Courcy, est à la tête de la commission scolaire qui a fait le plus gros déficit au Québec.

Vérification :

La Commission scolaire de Montréal a effectivement présenté cette année un déficit historique de 47,5 millions.  Dans les cinq dernières années, elle a fait face à un déficit récurrent moyen de 20 millions par année. S'il s'agit du plus important déficit d'une commission scolaire au Québec. Il faut toutefois souligner que la CSDM est aussi la plus grande commission scolaire, avec plus de 110 000 élèves et 200 écoles.

11) Jean Charest a affirmé qu'une adolescente a donné 2500$ à la campagne de Pauline Marois.

Vérification :

Marie-Claire Gilbert a en effet versé 2500$ à la campagne de Pauline Marois en 2005. Elle n'avait que 17 ans. Pourtant, la Loi électorale stipule qu'une personne doit avoir atteint la majorité pour faire une contribution. Mme Gilbert est la fille d'un partenaire d'affaires de Claude Blanchet, mari de Pauline Marois. Elle a été condamnée à une amende de 500$ par le Directeur général des élections du Québec.

12) Françoise David a reproché au chef de la Coalition Avenir Québec d'obliger ses candidats à lui verser des milliers de dollars.

Vérification :

Chaque personne qui se présente sous la bannière caquiste doit prêter jusqu'à 25 000 $ au parti pour officialiser sa candidature. Les différentes circonscriptions du Québec «valent» 10 000, 15 000 ou 25 000 $, selon les chances de la CAQ d'y faire un gain. Le candidat et le parti fixent une date limite pour amasser cette somme. Passé cette date, le candidat doit prêter le reste de la somme. Seul Jacques Duchesneau est exempté de cette obligation.

Politiques sociales :

13) Françoise David a reproché à Jean Charest ce qu'elle a qualifié d'intransigeance à l'égard des étudiants, qui ont fait la grève parce qu'ils refusent de s'endetter pour étudier.

Vérification :

Dans une note économique qu'elle a produite, la Fédération étudiante universitaire du Québec démontre que 65% des étudiants québécois sont endettés de plus de 14 000$ à la fin d'un baccalauréat de trois ans. Par ailleurs, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport a recensé 1564 faillites en 2009-2010, comparativement à 1267 en 2001-2002.

14) François Legault répète que son parti dotera chaque Québécois d'un médecin de famille dans la première année de son mandat.

Vérification :

Plusieurs ténors de la santé estiment que la promesse de la CAQ relève de la «pensée magique» ou qu'elle est carrément «irréaliste». Lors d'un récent entretien avec La Presse, le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), a expliqué qu'il y a trop de variables dans l'horaire des médecins et qu'il faut tenir compte de leur environnement. «C'est trop contraignant comme approche, c'est arbitraire et coercitif, a-t-il dit. On ne peut pas dire à un médecin qui suit 250 patientes en obstétrique d'en prendre 1600. Il faut aussi penser aux médecins qui traitent des personnes âgées ou atteintes de troubles de santé mentale.» Actuellement, une personne sur quatre n'a pas de médecin de famille au Québec.

15) Selon Jean Charest, il manque encore 1000 médecins de famille au Québec.

Vérification :

Dans l'ensemble du Canada, 84,5% de la population canadienne a un médecin de famille. L'Ontario est la plus performante de toutes les provinces: 9 personnes sur 10 (soit 90%) peuvent compter sur les soins réguliers d'un omnipraticien. En Colombie-Britannique et en Alberta, cette proportion est de 86,1% et 79,7% respectivement, selon les plus récentes données de Santé Canada.

16) Pauline Marois a dit que les Québécois attendent 1 heure de plus aux urgences, 10 heures de plus dans les Laurentides, depuis que les libéraux sont au pouvoir.

Vérification :

Il est vrai que les libéraux n'ont jamais atteint leur cible de 12 heures d'attentes aux urgences, adoptée sous Philippe Couillard en 2004. Néanmoins, pour la première fois depuis 2004, les temps d'attente ont légèrement diminué en 2011: les patients attendent en moyenne de 17h12 aux urgences avant d'être hospitaliés ou d'obtenir leur congé, comparativement à 17h36 l'année précédente. Montréal a fait gonfler les statistiques l'an dernier, avec une attente moyenne frôlant les 22h.

Question nationale et identité

17) Jean Charest dit que les transferts fédéraux ont augmenté de 70% depuis qu'il est premier ministre du Québec.

Vérification:

Les transferts fédéraux sont passés de 9,584 milliards en 2003-2004 à 15,175 milliards en 2012-2013, soit une hausse de 58%, et non de 70%.

18) François Legault a dit que Pauline Marois a cédé aux radicaux avec le référendum d'initiative populaire (RIP).

Vérification :

Pauline Marois était contre les RIP en 2008. En janvier dernier, les délégués du Parti québécois, réunis en conseil national, ont adopté l'idée des RIP, dont le député Bernard Drainville était le défenseur. Un référendum sur la souveraineté - ou sur un autre sujet - serait déclenché si une proportion suffisante des électeurs signent une pétition en ce sens. M. Drainville suggérait 15%, soit environ 850 000 personnes. Mme Marois a indiqué qu'elle fixerait les balises après les élections.

19) François Legault a affirmé qu'il y a au Québec des commerces où il est impossible de se faire servir en français. Il accuse Jean Charest de n'avoir rien fait.

Vérification :

En 2010, 89% de l'accueil dans les commerces du centre-ville de Montréal se faisait en français. En 2012, ce chiffre a baissé à 74%. Cependant, l'accueil en anglais n'a pas augmenté durant cette période. C'est plutôt l'accueil bilingue qui a connu une hausse, passant de 1% à 13% en deux ans.

20) Pauline Marois affirme que Jean Charest n'a rien obtenu des 15 demandes qu'il a adressées à Stephen Harper.

Vérification :

Jean Charest a effectivement dressé une liste de 15 demandes aux chefs de partis lors de la campagne électorale fédérale de 2008. Contrairement au PQ, qui soutient que Jean Charest obtient une note de 0/15, le PLQ affirme qu'il est parvenu à s'entendre sur cinq points, c'est-à-dire sur les demandes concernant les infrastructures, l'environnement et les changements climatiques, la formation de la main-d'oeuvre, l'exploration pétrolière et la commission des valeurs mobilières.