Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre un acteur de l'actualité et lui pose 10 questions en lien avec la couverture médiatique dont il a été l'objet. La 11e question vient du public. Durant la campagne électorale, notre journaliste s'entretiendra avec les chefs de trois formations qui jouissent d'une moins grande couverture médiatique que les autres. Françoise David est la présidente et la porte-parole de Québec solidaire.

1 Vous participerez à votre premier débat télévisé dimanche. Dans quel état d'esprit êtes-vous?

J'ai hâte. Évidemment, je porte la lourde responsabilité de représenter Québec solidaire et je prends ça au sérieux, mais c'est un beau défi et je crois être capable de le relever. Je suis moins stressée que j'aurais cru. J'y vais vraiment avec confiance et dans la bonne humeur.

2 Quand on est deux chefs d'un parti, est-ce qu'on ressent une pression supplémentaire, sachant que l'autre pourrait se dire «j'aurais pu faire mieux»?

Je n'ai jamais pensé à cela, ça ne m'a même pas effleuré l'esprit. Quand on a décidé que je représenterais QS au débat, c'est Amir qui l'avait proposé. C'est sûr qu'on a des styles différents, mais on défend les mêmes idées.

3 Quel est votre atout, à votre avis, devant trois politiciens d'expérience?

Curieusement, je dirais que c'est de ne pas être une politicienne d'expérience de la même façon qu'eux. Sur le terrain, les gens me le disent: «Avec vous, on sent la sincérité, l'authenticité. On vous connaît, on connaît votre long engagement social.» Je pense que c'est un atout pour moi.

4 Que pensez-vous de la campagne, jusqu'ici?

Quand on est dedans, c'est difficile à dire. J'ai envie de dire avec un certain sourire: c'est une campagne... Un mélange de débats d'idées quand même, car des idées, il y en a. Les chefs apportent des idées, je pense que les gens commencent à voir des différences entre les positions de chacun. Bien entendu, il y a aussi la partie «spectacle» de la campagne. On peut rester 24 heures - heureusement pas plus - sur les bourdes des uns et des autres.

5 Quelle note donnez-vous à votre formation, Québec solidaire, pour les trois premières semaines?

Je vais dire 9 sur 10. On peut toujours faire mieux mais, sincèrement, je le dis avec d'autant plus de confiance que c'est ce qui nous est renvoyé même par des analystes, on a une excellente campagne: on a de formidables candidats, dont la moitié de femmes, qui travaillent beaucoup sur le terrain et le font avec compétence et dévouement.

On a une très bonne campagne web, des pancartes que beaucoup trouvent belles, un discours cohérent qui évite de surfer au goût du jour. Et nous n'avons pas commis d'erreur majeure. Vraiment, on est contents.

6 On dit que les réseaux sociaux jouent un rôle important dans cette campagne. Pour vous, est-ce un outil intéressant ou un mal nécessaire?

C'est un outil très intéressant dont il ne faut pas abuser. Pour Québec solidaire, qui n'a pas les moyens d'avoir un autocar de tournée et de se payer plusieurs publicités télévisées, les médias sociaux sont une façon formidable, et qui coûte beaucoup moins cher, pour toucher la génération des 18-40 ans. Nous les utilisons en restant sur le plan des idées. Il faut se rappeler que les poussées de fièvre des médias sociaux ne reflètent pas toujours les préoccupations de la majorité des gens. Il faut les utiliser, donc, mais avec discernement.

7 Quand on sait que son parti ne prendra pas le pouvoir, qu'est-ce qui nous motive à continuer?

C'est de vouloir augmenter de façon substantielle le nombre de votes obtenus en comparaison avec la dernière élection et d'avoir une équipe de solidaires à l'Assemblée nationale. On veut qu'Amir soit accompagné de plusieurs autres députés afin de former une réelle opposition écologiste, de gauche et souverainiste. Peu importe le parti qui prendra le pouvoir, le 4 septembre, c'est important. Pour moi, c'est une étape vers quelque chose qui s'appellera éventuellement «former un gouvernement». Ça prend du temps, de la patience, mais on y arrivera.

8 Il y a deux femmes chefs de parti, Pauline Marois et vous. Trouvez-vous qu'on vous traite différemment de vos collègues masculins?

Globalement, je dirais non. Personnellement, je me sens bien traitée, je sens beaucoup de respect de la part des journalistes. Mais je vous dirai avec un clin d'oeil que, le soir du débat des chefs, je sais qu'une des premières pensées qui viendra aux téléspectateurs, et peut-être surtout aux téléspectatrices, c'est: elles sont habillées comment, Mmes Marois et David? Personne ne va se poser la question pour les deux autres messieurs, on ne parlera même pas de la couleur de leur cravate. Ce n'est pas dramatique, mais je sais que Mme Marois y pense autant que moi. L'apparence des femmes joue encore un rôle important en politique. René Lévesque ne se souciait pas beaucoup de ça...

9 Dans le programme de Québec solidaire, quel est l'engagement qui vous tient le plus à coeur?

J'ai lutté toute ma vie contre les inégalités sociales, c'est l'histoire de ma vie. Tout ce qui est de l'ordre de l'économie verte, de la propriété de nos ressources naturelles, c'est important, mais ce qui vient me chercher dans mes tripes, c'est de continuer à lutter pour m'assurer que toute personne vivant au Québec - homme, femme, enfant, vieillard - ait de quoi vivre et qu'il n'ait pas à se demander comment elle paiera son loyer ou nourrira ses enfants. C'est la bataille de ma vie.

10 Le lendemain des élections, souhaitez-vous un gouvernement péquiste, libéral ou caquiste?

Je suis comme tout le monde, je voudrais qu'on envoie à la retraite le gouvernement Charest. Pour le reste, tout ce que je veux, c'est une bonne équipe de solidaires à l'Assemblée nationale.

Pourquoi vous présenter dans Gouin alors que Nicolas Girard y fait du bon travail?

Beaucoup de députés font du bon travail dans leur circonscription. Quand le PQ et ses amis me reprochent de me présenter dans Gouin, je me demande s'ils auraient préféré que je me présente dans Hochelaga-Maisonneuve ou Sainte-Marie-Saint-Jacques. En fait, ce qu'ils auraient voulu, c'est que je me présente dans une circonscription libérale et que je perde? Certains font courir la rumeur qu'on m'aurait offert Rosemont sur un plateau d'argent, ce qui est la fausseté du siècle quand on sait que ça fait des mois qu'ils ont pressenti Jean-François Lisée. Tout le monde dans le milieu le sait. Le choix de Gouin s'imposait. J'y habite depuis 33 ans, j'y ai élevé mon fils et j'y suis très active même comme non-élue. J'ai fait l'analyse: en 2008, j'ai eu 32% des votes. C'est la circonscription que je pourrais gagner, que je vais gagner et que je veux gagner.