François Legault n'est qu'un arriviste qui semble prêt à tout pour prendre le pouvoir, aux yeux de l'ex-premier ministre Bernard Landry.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, mercredi, M. Landry a exprimé sa stupéfaction la plus totale à la suite du changement de cap de son ancien ministre sur la question nationale.

«Je suis vraiment bouleversé par l'attitude de François Legault», raconte M. Landry. Encore sous le choc, il rappelle que l'home qu'il a côtoyé pendant des années était «un indépendantiste ardent», et, de tous ses ministres, l'un de ceux qui poussaient le plus fort pour promouvoir la souveraineté et accélérer la tenue d'un référendum.

Devenu depuis le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault a d'abord dit qu'il fallait mettre la question nationale entre parenthèses pendant une décennie, avant de lâcher une bombe, la semaine dernière, en affirmant qu'il voterait non s'il y avait un nouveau référendum sur la souveraineté du Québec.

L'ex-premier ministre péquiste, qui a été en poste jusqu'en 2003, ne peut expliquer un tel revirement que «par un certain arrivisme, une certaine ambition personnelle supérieure à l'intérêt national».

À la question de savoir s'il voit désormais en François Legault un traître à la patrie, M. Landry a répondu par une litote qui en dit long sur ses états d'âme: «Je n'aime pas utiliser des mots injurieux en démocratie mais, si c'était permis, il m'en viendrait beaucoup à l'esprit.»

Chose certaine, un tel virage sur une question aussi fondamentale au Québec ne doit pas rester lettre morte, selon M. Landry, qui estime que le chef caquiste doit des explications à la population.

Quand il était ministre, François Legault voulait faire la souveraineté et la faire tout de suite, insiste M. Landry. À telle enseigne que, soutenu par François Rebello, il avait manoeuvré dans les coulisses pendant deux ans, au début des années 2000, pour saper son leadership, «parce qu'ils trouvaient que je n'étais pas aussi ardent qu'eux».

Des fonds publics pour la souveraineté

Non seulement était-il pressé de faire du Québec un pays, mais l'actuel chef de la CAQ ne voyait alors aucun problème à recourir aux fonds publics pour parvenir à ses fins, dit M. Landry.

Pourtant, à la suite de la publication d'une dépêche de La Presse Canadienne, dimanche, indiquant qu'un gouvernement péquiste injecterait des fonds publics pour mener à bien des études sur la souveraineté et préparer le terrain en vue d'un éventuel référendum, M. Legault avait exprimé son indignation sur son compte Twitter.

«Même lorsque j'étais au PQ, j'étais contre l'utilisation de fonds publics pour faire des études sur la souveraineté», a écrit M. Legault, dimanche, dans un commentaire qui a laissé pantois l'ex-premier ministre Landry.

Il rappelle que François Legault, tant au pouvoir que dans l'opposition, insistait pour préparer le «Budget de l'an 1» d'un Québec souverain, ce qu'il a finalement réussi à faire grâce aux fonds publics.

«Où a-t-il pris ses budgets pour faire ses budgets de l'an 1? Est-ce qu'il a fait faire ça par des bénévoles à l'université? Ou s'il a pris ses équipements, ses fonctionnaires, ses assistants, ses attachés politiques? Il y a là une faille invraisemblable, une très grosse contradiction» dans le discours du chef de la CAQ, tonne Bernard Landry.

«Il voulait des moyens, que nous lui avons fournis, pour faire le budget du Québec souverain», se remémore-t-il.

Qui plus est, grâce à ce fameux budget hypothétique, publié en 2005, M. Legault, qui a quitté le navire péquiste en 2009, avait conclu que l'accession du Québec à la souveraineté se traduirait par un gain de plusieurs milliards de dollars par année.

En éliminant les chevauchements et en rapatriant tous les impôts et taxes versés à Ottawa, le Québec souverain pourrait engranger des surplus de l'ordre de 17 milliards de dollars en cinq ans, dégageant du coup «une importante marge de manoeuvre budgétaire», avait assuré M. Legault.

«Comment peut-on expliquer qu'un comptable change radicalement d'idée, alors qu'il fournissait tous les arguments pour l'indépendance le plus vite possible?», s'interroge son ancien chef, qui prédit et souhaite l'élection d'un gouvernement péquiste majoritaire le soir du 4 septembre.

Dans son document d'une cinquantaine de pages, M. Legault conclut non seulement que le Québec souverain est financièrement viable, mais que son appartenance au Canada constitue un handicap sérieux : «Dans l'état actuel des choses, les gouvernements provinciaux au Québec sont presque réduits à l'impuissance. La situation ne s'améliorera pas dans un avenir prévisible», a-t-il écrit.

Comme c'est le cas aujourd'hui, M. Legault accordait une grande importance à l'éducation. Il disait alors qu'il ne voyait pas comment le Québec pouvait s'attaquer à des problèmes comme le décrochage scolaire et l'accès égal pour tous, sans être un pays souverain: «Il est difficile de concevoir comment ce projet pourra voir le jour tant que le Québec ne disposera ni des moyens ni de la liberté pour faire ses propres choix», a-t-il écrit.

En 2005, il soutenait que, aux prochaines élections, «la population du Québec aura alors à trancher entre deux scénarios: celui de la province de Québec privée des moyens et des leviers décisionnels pour son développement et celui d'un Québec souverain qui aura la marge de manoeuvre et la liberté politique nécessaires pour se doter d'un projet de société crédible et emballant, celui d'un pays plus prospère et plus solidaire».