Jean Charest se lance dans une guerre de chiffres avec François Legault, « un comptable qui ne sait pas compter ». On assiste à une surenchère électorale sur le thème du remboursement de la dette.

Samedi, devant environ 350 jeunes militants de son parti réunis à Victoriaville, le chef libéral a promis de consacrer à la réduction de la dette 100% des revenus nets tirés des redevances sur les ressources naturelles non renouvelables. S'il est réélu, environ 200 millions de dollars seraient ainsi versés au Fonds des générations chaque année.

Les libéraux calculent que les redevances s'élèveront à environ 400 millions par an - 375 cette année et 415 en 2016-17. Ce sont seulement des redevances minières. Mais comme chaque dollar perçu en redevances fait diminuer de cinquante cents les paiements de péréquation provenant d'Ottawa, les revenus nets pour le gouvernement du Québec s'élèvent à 200 millions par année.

La promesse de Jean Charest s'inspire de celle prise par François Legault plus tôt dans la campagne. Mais le chef libéral accuse son adversaire caquiste de ne pas avoir tenu compte des effets sur la péréquation en disant que 100% des redevances serviraient à rembourser la dette. « Il crée un trou de cinq milliards de dollars » sur cinq ans, ou 200 millions par an, a pesté Jean Charest. « Le problème de M. Legault, c'est ce que c'est un comptable qui ne sait pas compter. Il dit qu'il va aller chercher X montant de revenus, mais il y en a la moitié qui disparaît à cause de la péréquation. Il y a là un problème grave en partant. »

Le chef libéral a tourné en ridicule le fait que M. Legault ait évoqué que des redevances sur le pétrole réduiraient la dette. « Est-ce qu'il y a des puits de pétrole au Québec ? À votre connaissance, est-ce qu'on va tirer des revenus du pétrole dans les 3, 4, 5 prochaines années », s'est moqué Jean Charest. Vouloir réduire la dette avec le pétrole, « c'est comme un gars qui se présente au banquier avec un billet de 6/49 pour payer son hypothèque. Bonne chance », a-t-il ajouté.

Le budget Bachand prévoyait que le quart des redevances minières excédant 200 millions de dollars irait au Fonds des générations à compter de 2014-15 - donc 50 millions par an. Le reste des revenus - 150 millions - devait aller au fonds consolidé.

La promesse de M. Charest ferait donc en sorte que l'État se priverait annuellement de revenus de 150 millions par rapport à la planification budgétaire des libéraux, qui prévoient revenir au déficit zéro l'an prochain. Comment Jean Charest comblerait-il ce trou de 150 millions ? lui a-t-on demandé. Il n'a pas voulu répondre et s'est tourné vers son ministre des Finances. Raymond Bachand a donné la même réponse que François Legault lorsque celui-ci est questionné sur le coût et les sources de financement de ses promesses. « Ce sera présenté dans le cadre financier », qui sera dévoilé plus tard dans la campagne, a-t-il répondu.

Rappelons qu'en 2010, le gouvernement Charest a fait passer de 12% à 16% le taux de redevances applicables sur le profit minier.

Samedi, Jean Charest a reproché à François Legault d'avoir fait des promesses se chiffrant à 4,5 milliards jusqu'à maintenant - les siennes s'élèvent à 400 millions selon lui, mais il faut maintenant ajouter 150 millions. « Je me rappelle pas d'une campagne électorale dans laquelle un candidat plonge aussi allègrement dans les dépenses de fonds publics à une vitesse grand V. Et il avait dit qu'il allait faire le ménage dans les fonds publics. Il doit y avoir du monde à l'ADQ qui doivent se demander dans quoi ils se sont embarqués. François Legault a toujours été de gauche, et le naturel revient au galop », a-t-il lancé.

De son côté, François Legault s'est défendu de lancer des promesses irréalistes. Depuis des jours, il martèle que son parti est le seul à avoir le « courage » de « faire le ménage », c'est-à-dire sabrer de manière significative dans les dépenses de l'État.

« On ne fait pas pousser (l'argent) dans les arbres, on le fait pousser là où lui ne veut pas le faire pousser », a-t-il résumé lors d'un point de presse à Laval.

M. Legault compte abolir 7000 postes dans la fonction publique, dont 4000 chez Hydro-Québec. Il souhaite aussi favoriser l'utilisation de médicaments génériques dans le réseau de la santé, une mesure qui permettra d'économiser des dizaines de millions.

« Je suis prêt, demain matin, à faire un débat avec Jean Charest sur les finances du Québec », a-t-il déclaré.

Quant à son calcul sur les redevances minières et pétrolières, M. Legault assure qu'il tient compte des réductions dans les paiements de péréquation, contrairement à ce que prétend le chef libéral. Il estime que les mines et les forages pétroliers, en particulier celui du gisement Old Harry, dans le golfe du Saint-Laurent, permettront de générer jusqu'à 2 milliards en redevances chaque année.

-- Avec Martin Croteau