Les 10 dernières années ne furent pas de tout repos pour les sociétés d'État à caractère économique du gouvernement provincial. Tant la Caisse de dépôt et placement, la Société des alcools (SAQ) que la Société immobilière du Québec (SIQ) ont perdu leur capitaine au beau milieu de tempêtes soulevées par des questions de régie d'entreprise.

Le gouvernement a fait adopter la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État en 2006. «La loi a vraiment contribué au renforcement de l'autorité du conseil d'administration dans les sociétés d'État assujetties à la loi», constate le haut fonctionnaire à la retraite Jean Pronovost, un des coauteurs d'un rapport commandé par le ministère des Finances faisant son bilan.

Entre autres choses, la loi prévoit la parité hommes femmes au sein des conseils. Elle attribue aussi plus de responsabilités au conseil et généralise la séparation des postes de président du conseil et de chef de la direction. La loi balise le processus de nomination des membres au conseil. Le C.A. est aussi habilité à conseiller le gouvernement quant au choix du chef de la direction.

«L'esprit de la loi est intéressant, mais sa mise en oeuvre n'est pas encore au point», nuance, de son côté, Luc Bernier, professeur à l'École nationale d'administration publique (ENAP). Selon lui, le lien entre le politique et les patrons des sociétés reste aussi direct qu'auparavant, alors que la loi voulait que le dialogue s'établisse entre le politique et la présidence du conseil d'administration.

Des dividendes en croissance

Sur le plan financier, les dividendes en provenance des trois vaches à lait que sont Hydro-Québec, la Société des alcools et Loto-Québec affichent une croissance pendant le règne de Jean Charest comme premier ministre. Pour l'année en cours, le gouvernement prévoit des revenus de

4,89 milliards en provenance de ses entreprises d'État.

La performance détaillée d'Hydro-Québec sera abordée ultérieurement. Pour ce qui est du monopole d'État de la vente de vins et de spiritueux, son bénéfice va de record en record. Des trois, seule Loto-Québec a vu sa rentabilité s'éroder pour la peine.

«On espère qu'elles font de l'argent, dit Robert Gagné, professeur d'économie à HEC Montréal. On leur donne un marché sur un plateau. Mais est-ce que ces sociétés livrent un service à la population au moindre coût possible?», se demande-t-il. Il déplore qu'on accole à la mission de ces sociétés une contribution au développement économique des régions, qui sert à justifier bien des dépenses superflues, selon lui.

Les années du gouvernement libéral ont été aussi marquées par la disparition de la Société générale de financement (SGF), un canard boiteux qui a coûté 2,6 milliards depuis sa création dans les années 60, selon une étude de l'Institut économique de Montréal.

L'organisme a été intégré à Investis­sement Québec (IQ), et depuis, les mandats s'accumulent sur la table de son patron, Jacques Daoust. Dans son dernier budget, le gouvernement lui a confié la gestion de 1 milliard de dollars additionnels destinés aux projets miniers et d'hydrocarbures.

De Jérôme-Forget à Bachand

D'ailleurs, à l'image de nombreux gouvernements occidentaux, Québec a renoué avec l'interventionnisme économique depuis 2008. «On s'est souvenu qu'il y avait des sociétés d'État et que ça pouvait être utile pour gérer la crise», fait remarquer Luc Bernier.

Hydro-Québec, notamment, a joué le rôle de bras armé du gouvernement contre la récession. Depuis deux ans, Hydro a investi quelque 8 milliards dans la province.

Le gouvernement semble y prendre goût et a depuis créé la Société du Plan Nord et Ressources Québec. «On est loin [de la pensée] de la ministre Jérôme-Forget», ajoute le professeur. Son successeur, Raymond Bachand, dirige les Finances depuis avril 2009.

Quant à la Caisse de dépôt, tous ont en mémoire la perte de 40 milliards de 2008. La nomination de Michael Sabia a d'abord fait rager en raison de son caractère précipité, mais les résultats des derniers exercices ont fait taire les critiques. Récemment, le gestionnaire s'est fait remarquer par son intérêt renouvelé à l'égard des sociétés d'ici.

Quelques départs retentissants

> Marc-A. Fortier

PDG de la Société immobilière du Québec

Date du départ: début 2008

Critiqué par le vérificateur général du Québec parce qu'il se faisait rembourser des parties de golf et quantité de repas coûteux, qui avaient lieu même les week-ends.

> Richard Guay

président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement

Date du départ: janvier 2009

Dauphin d'Henri-Paul Rousseau et partisan de la stratégie de la valeur à risque (VaR) en vogue à l'époque à la Caisse, le bref règne de Richard Guay a été marqué par un congé de maladie et les lourdes pertes de 2008. Dans la foulée, le mandat de Pierre Brunet à la présidence du conseil n'a pas été renouvelé.

> Sylvain Toutant

PDG de la Société des alcools du Québec (SAQ)

Date du départ: novembre 2007

Parti deux ans avant la fin de son mandat, il avait été critiqué par le vérificateur général à propos de la stratégie de la SAQ de demander aux producteurs de gonfler leurs prix pour compenser la baisse de l'euro en 2005.

> Raymond Boucher

président du C.A. de la SAQ

Date du départ: février 2006

Autre victime du scandale des prix des vins européens, il a été un président particulièrement interventionniste. Il a démissionné le jour où les médias ont appris le montant des généreuses primes de départ consenties aux ex-vice-présidents sacrifiés par la direction de la SAQ.

> Michèle Thivierge

présidente du C.A. de la SAQ

Date du départ: novembre 2006,

Ayant remplacé M. Boucher en février, Mme Thivierge a dû démissionner après avoir fait une scène dans une succursale de la SAQ pour qu'on lui remette un nouveau billet donnant droit à un rabais plus important.

> Louis Roquet

PDG de la SAQ

Date du départ: septembre 2004

Grand serviteur de l'État, Louis Roquet a été congédié après deux ans et demi à son poste. Il était en conflit avec le président du C.A. Raymond Boucher.