Une bien mauvaise nouvelle s'est immiscée dans la campagne électorale provinciale, hier. Le Québec a perdu 28 700 emplois en juillet, la pire performance de toutes les provinces, et de loin.

Le taux de chômage s'est établi à 7,6% au Québec, soit légèrement au-dessus de la moyenne nationale de 7,3%, a indiqué Statistique Canada hier. Les pertes se sont concentrées dans le commerce de détail et de gros.

Malgré leur ampleur, ces licenciements massifs sont moins dramatiques qu'on pourrait le croire à première vue, ont fait valoir certains économistes. «Le Québec ne se distingue pas tant que ça des autres provinces lorsqu'on regarde cela toutes proportions gardées», a indiqué à La Presse Affaires Benoit Durocher, économiste principal chez Desjardins.

M. Durocher souligne que le Québec a perdu 0,7% de ses jobs en juillet, un recul deux fois moindre qu'à Terre-Neuve-et-Labrador, où l'emploi a reculé de 1,4%. Qui plus est, la performance globale de la province depuis le début de 2012 demeure l'une des meilleures au pays.

«Les chiffres de l'emploi sont très volatils, et un mois ne fait pas une tendance, a dit l'économiste. Si on fait le bilan depuis le début de l'année pour le Québec, la province a quand même un gain de presque 51 000 postes, ce qui est une très bonne performance. Il y a juste la Saskatchewan qui a fait mieux.»

Le nombre d'emplois a progressé de 1,3% depuis le début de l'année au Québec, souligne M. Durocher, comparativement à 1,8% en Saskatchewan.

Par ailleurs, la totalité des 28 700 postes perdus au Québec en juillet étaient à temps partiel. Il s'est en parallèle créé 6800 emplois à temps plein.

Les chefs réagissent

Le chef libéral Jean Charest, qui a fait de l'emploi l'un des grands thèmes de sa campagne électorale, a réagi aux pertes massives observées le mois dernier. De passage à Val-D'Or, il a voulu insister sur la création de plus de 50 000 nouveaux postes depuis le début de l'année.

«Les variations de mois en mois ont été fortes dans les deux dernières années, a dit Jean Charest. Je peux vous dire que la performance de l'emploi au Québec a été solide, surtout depuis la crise financière et économique. On reconnaît que le Québec s'en est mieux sorti que partout ailleurs. On va continuer à mettre l'accent sur l'emploi.»

Lors d'une conférence de presse devant les bureaux du ministère du Revenu de Québec, la chef péquiste Pauline Marois s'est quant à elle inquiétée de ces récentes pertes d'emploi. Des pertes qui annulent les gains précédents, a-t-elle avancé. «Nous sommes la seule province canadienne qui n'aura pas créé d'emplois dans la dernière année.»

François Legault, le leader de la Coalition avenir Québec (CAQ), s'est lui aussi montré très critique. «On voit que non seulement, on ne crée pas des emplois de qualité, mais en plus on perd des emplois.»

Aux yeux du chef caquiste, qui était de passage dans le Centre-du-Québec, les données publiées hier prouvent que les entreprises doivent investir davantage, une situation à laquelle il promet de s'attaquer s'il est élu le 4 septembre. «C'est certain que si on n'achète pas de la nouvelle machinerie, si on n'a pas informatisé les technologies de l'information, si on n'a pas investi dans la formation des travailleurs, on a des emplois qui sont moins payants», a-t-il affirmé.

Notons que le taux de chômage a baissé d'un point de pourcentage au Québec, à 7,6%, malgré la hausse du nombre de chômeurs. Ce recul s'explique par le plus grand nombre de travailleurs qui ont quitté la vie active en juillet.

Rebond manufacturier

Les chiffres dévoilés hier cachaient par ailleurs une surprise: la performance surprenante du secteur manufacturier au Québec. Car si la province a dans l'ensemble perdu 28 700 postes en juillet, elle a en contrepartie créé 14 600 jobs dans le segment de la fabrication.

Depuis le début de l'année, le nombre de nouveaux postes créés dans ce secteur atteint 31 800 au Québec, a indiqué le regroupement des Manufacturiers et exportateurs du Québec dans un rapport. «Le taux de croissance annuel de l'emploi manufacturier a fortement accéléré au Québec (+5,1% en juillet, après 1,5% en mai et 0,9% en juin), nous donnant une bonne raison d'être optimistes quant au renforcement du secteur manufacturier québécois.»

Dans l'ensemble du Canada, quelque 30 000 postes ont été perdus en juillet, faisant augmenter le taux de chômage de 0,1%, à 7,3%. L'emploi a néanmoins progressé de 0,8% depuis un an, avec la création de 139 000 jobs.

Enfin, si la baisse de juillet était anticipée, son ampleur démontre «que les turbulences mondiales, incluant la crise de la zone euro et la demande plus faible des pays émergents, ont peut-être finalement donné la trouille aux employeurs», a avancé Bodhi Ganguli, économiste chez Moody's Analytics.

L'emploi en juillet

28 700 postes perdus au Québec

7,6% taux de chômage au Québec

7,3% taux de chômage au Canada

- Avec la collaboration de Paul Journet, Tommy Chouinard et Martin Croteau