Après avoir été un enjeu important lors des élections de 2012, survenues quelques mois après la crise étudiante, l'éducation est pratiquement passée sous le radar pendant la campagne qui s'achève. Pourtant, les ministères de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur disposent de 16 milliards par année, faisant de l'éducation le deuxième poste budgétaire après la santé. Pourquoi ce thème majeur dans notre société a été si peu abordé? Nous avons posé la question à trois acteurs du monde de l'éducation et observateurs de la scène politique.

«Chaque parti parle d'éducation dans son programme, mais les médias ont tendance à s'intéresser davantage aux primes de départ de M. Barrette, à l'amitié de MM. Couillard et Porter et au mari de Mme Marois. Pourquoi? Dans les sondages d'opinion, année après année, seulement 5% à 8% des gens disent que l'éducation devrait être la priorité de l'État. Tout le monde a un intérêt immédiat pour l'économie ou la santé, tandis qu'environ 30% de la population adulte a un enfant qui fréquente l'école. Si on ajoute à cela les étudiants universitaires, ça donne peut-être 35% à 40% de la population, tout au plus, ayant un intérêt immédiat dans l'éducation. Les partis politiques et les médias jouent le jeu de ce qui intéresse la population en général.»

Jean-Pierre Proulx, journaliste et professeur retraité de l'Université de Montréal

«Ce sont des enjeux de fond qui ne sont pas nécessairement faciles à traiter en point de presse pour en faire de beaux titres dans les journaux. Dans les 30 derniers jours, on n'a eu aucune annonce en matière d'enseignement supérieur. C'est vraiment décevant. Pourtant, des réflexions importantes ont lieu présentement sur le système universitaire: est-ce que nos universités devraient se développer en silo dans leurs régions respectives ou miser plutôt sur un réseau qui collabore en évitant la compétition? Il y a toute la question de gouvernance aussi: est-ce qu'on veut un modèle d'entreprise, où l'on fait appel à des acteurs externes pour siéger au conseil d'administration, ou un modèle collégial, où la société s'implique dans la gestion?»

Tierry Morel-Laforce, président de la Fédération étudiante universitaire du Québec

«L'enseignement supérieur est un enjeu complexe. Les médias préfèrent ne pas trop s'en occuper, sous prétexte - et ils n'ont pas tort - que les gens n'ont pas la disponibilité pour se préoccuper de ces questions-là. Par ailleurs, les recteurs ont fait publier en début de campagne une pleine page relevant le sous-financement universitaire au Québec. Ça a été rejeté du revers de la main par le Parti québécois et les autres partis n'ont pas saisi la balle au bond. L'effort pour les universités de mettre ça sur la table a été un coup d'épée dans l'eau. Quand l'équipe gouvernementale va commencer à prendre des décisions [concernant l'éducation], comme elle s'est peu engagée, aura le loisir d'aller dans diverses directions.»

Jean-Herman Guay, professeur de sciences politiques à l'Université de Sherbrooke

Les principaux engagements en matière d'éducation

Le Parti québécois veut: 

- Continuer d'investir dans les universités en injectant 1,8 milliard de dollars d'ici 2018-2019;

- Maintenir l'indexation des droits de scolarité en fonction de la hausse du revenu disponible des ménages (2,6% en 2013-2014);

- Soutenir les cégeps en région et protéger l'exclusivité des programmes en région; doter le Québec d'une politique nationale de lutte contre le décrochage scolaire.

Le Parti libéral du Québec veut:

- Supprimer 500 postes de fonctionnaire du ministère de l'Éducation en 5 ans et 120 emplois aux directions générales pour injecter près de 200 millions dans les services aux élèves;

- Indexer les droits de scolarité;

- Simplifier la reddition de comptes des universités;

- Valoriser la formation professionnelle et technique en y intégrant davantage de stages en entreprise.

La Coalition avenir Québec veut:

- Supprimer les 60 commissions scolaires francophones et les transformer en 30 centres de service pour transférer l'argent aux services dans les écoles;

- Embaucher 500 spécialistes chargés d'assurer un suivi dès le préscolaire et ajouter 120 conseillers en orientation dans les écoles;

- Moduler des droits de scolarité selon le champ d'études universitaires et l'université fréquentée;

- Abolir la taxe scolaire.

Québec solidaire veut:

- Éliminer tous les droits de scolarité pour atteindre la gratuité scolaire en cinq ans;

- Transférer, d'ici 2020, le financement des écoles privées aux écoles publiques;

- Réduire le nombre d'élèves par classe et augmenter les services aux élèves;

- Embaucher au moins 1000 professeurs dans les universités.