Reconnaissant l'important retard technologique qu'accuse le système judiciaire, le Parti québécois promet l'installation du réseau internet sans fil dans les palais de justice de Montréal et de Québec d'ici deux mois s'il est reporté au pouvoir. Et d'ici la fin de l'année dans les autres palais de la province.

De son côté, le parti libéral du Québec parle d'un «outil essentiel» sans se fixer d'échéancier.

C'est l'un des rares engagements concrets qui est ressorti du débat organisé par le Barreau du Québec, ce mercredi, à Montréal, entre les candidats de tous les partis sur les enjeux de la justice.

Le débat s'est déroulé dans une atmosphère respectueuse qui contrastait avec le ton acrimonieux de la campagne actuelle. Il faut dire que le ministre de la Justice sortant, Bertrand Saint-Arnaud, et le candidat libéral, Gilles Ouimet - deux avocats criminalistes - ont travaillé ensemble sur plusieurs projets de loi, dont le nouveau Code de procédure civile adoptée juste avant les élections.

Leur complicité était d'ailleurs évidente. Tant M. Saint-Arnaud que M. Ouimet ont concédé qu'il était difficile de faire valoir auprès du Conseil du Trésor les besoins en matière de justice. «Malheureusement comme société, on néglige trop la justice», a dit le candidat libéral.

«Lorsque j'ai voulu faire la réforme de l'aide juridique et que je suis arrivé au Conseil du Trésor, on m'a envoyé promener. Il a fallu que je me batte », a lancé à son tour le candidat péquiste.

Selon le Barreau, environ 1% du budget du Québec est alloué à la justice comparativement à plus de 40% alloué à la Santé.

Parmi les thèmes abordés, le Barreau a interpellé les candidats sur les inégalités dans le traitement fiscal des gens qui ont recours au système de justice. Les entreprises peuvent bénéficier de déductions pour leur frais de justice auxquelles les citoyens n'ont pas droit.

«Il faut tous convenir qu'il y a une inéquité dans le système», a répondu le libéral Gilles Ouimet qui s'est engagé à étudier la question. Son adversaire péquiste n'était pas fermé à l'idée de l'introduction d'un crédit d'impôt relié aux frais de justice des citoyens. Vu l'état des finances publiques, «ça prend des mesures peu coûteuses», a précisé M. Saint-Arnaud.

De son côté, la candidate de la Coalition avenir Québec Valérie Assouline a souligné qu'elle trouvait l'idée «intéressante», mais que le Québec n'en avait pas les moyens.

Justice dans le Nord: un «drame»

Cour itinérante qui siège dans un aréna, cellules insalubres, délais déraisonnables : tous s'entendaient sur la nécessité de corriger les lacunes du système de justice de «seconde zone» dans le Grand Nord québécois. Le péquiste Saint-Arnaud a qualifié la situation de «véritable drame» en promettant d'«agir là-dessus» dès cette année. De son côté, la candidate de Québec solidaire Annick Desjardins a rappelé qu'il fallait consulter en priorité les communautés concernées.

Rare flèche envoyée lors du débat : le péquiste Saint-Arnaud a qualifié de «fiasco total»  le projet d'informatisation du système judiciaire développé sous les libéraux - projet qui a coûté 75 millions sans donner les résultats escomptés.

Au cours de la période de questions du public, le responsable des communications de la Conférence des juges administratifs du Québec a demandé aux candidats de s'engager à mettre fin au système de sélection et de nomination partisane dans les tribunaux administratifs.

La CAQ a été le premier parti à s'engager à adopter une loi-cadre sur la question.  Québec solidaire a indiqué pour sa part qu'il existait bel et bien un «problème d'indépendance». Le PQ et le PLQ ont aussi promis de s'y pencher.

La bâtonnière du Québec, Johanne Brodeur, qui assistait au débat, est un peu restée sur sa faim.  «Il y a eu peu d'engagements financiers, beaucoup de bonne volonté. Tout le monde dit toujours que la justice, c'est important, sauf que ça prend des sous pour réformer un système. Il faut être dédié. Tant qu'on ne l'est pas, la justice et son accès se détériorent», a-t-elle dit à La Presse au terme du débat.

Au débat, il n'a pas été question de la Charte des valeurs ni de la clause dérogatoire, alors que le Barreau a pourtant déposé un mémoire qui écorche le projet du Parti québécois en concluant qu'il ne passerait pas le test des tribunaux.

«On va tout dire ce qu'on a à dire lorsque l'Assemblée nationale va recommencer à siéger, y compris sur la clause dérogatoire. On a tenté de se faire entendre avant les élections. On aurait certainement pu éclairer la population sur le sujet, malheureusement ça n'a pas été le cas. Compte tenu que c'est maintenant un enjeu politique de la campagne, on va s'abstenir», a répondu Me Brodeur à La Presse.