Les chefs de parti disent-ils toute la vérité lors du débat? Leurs déclarations prennent souvent quelques libertés avec la vérité et doivent être nuancées. Nos journalistes ont vérifié des affirmations de Pauline Marois, Philippe Couillard, François Legault et Françoise David lors du débat de jeudi soir. Verdict sur quelques unes d'entre elles.

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Pauline Marois

Affirmation

« Oui, il s'est créé des emplois, de sorte que notre taux de chômage est exactement comparable à celui de l'Ontario. »



Vérification

En février 2014 (le dernier mois où cette donnée est disponible), le taux de chômage au Québec a été de 7,8 %, comparativement à 7,5 % en Ontario. En janvier 2014, le taux de chômage était de 7,5 % dans les deux provinces. Le taux d'activité est légèrement plus élevé en Ontario (66,0 % en février 2014) qu'au Québec (65,1 %). Selon le Mouvement Desjardins, le taux de chômage en 2013 a été en moyenne de 7,6 % au Québec et de 7,5 % en Ontario. Les deux provinces avaient un taux de chômage identique de 7,8 % en moyenne en 2012 et 2011.

Affirmation



« Il n'y en aura pas de référendum demain matin et vous le savez très bien. Tant que les Québécois ne seront pas prêts, il n'y en aura pas. »

Vérification

Dans les faits, Pauline Marois se garde la possibilité d'en tenir un «au moment approprié» si elle est réélue. Le PQ propose de produire un «Livre blanc sur l'avenir du Québec». Le dépôt de ce document serait suivi d'une vaste consultation. Le gouvernement péquiste sortant a envoyé des signaux contradictoires sur cette consultation. Des ministres ont indiqué qu'elle permettrait de promouvoir la souveraineté et de démontrer les «échecs» du fédéralisme. Pauline Marois a plutôt évoqué le modèle d'une consultation itinérante à l'image de la commission Bélanger-Campeau de 1990.

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Philippe Couillard

Affirmation

« On va repartir le Plan Nord, qui a malheureusement été interrompu par le Parti québécois. »

Vérification

Le gouvernement Marois a repris essentiellement les mêmes investissements que le Plan Nord du gouvernement Charest, sous un nouveau programme nommé « Nord pour tous ». En mai 2013, le gouvernement du Québec a annoncé des investissements publics de 868 millions sur 5 ans. Le Plan Nord du gouvernement Charest prévoyait des investissements publics de 889,9 millions sur 5 ans. L'écart de 21 millions est attribuable à un nombre moins important de logements sociaux au Nunavik.

Affirmation

« Mme Marois, vous avez induit une sorte de récession au Québec. »

Vérification

Une récession se produit lorsque l'économie ralentit durant au moins deux trimestres (6 mois au total) consécutifs. La dernière récession au Québec a eu lieu de l'automne 2008 à juillet 2009. Au cours des quatre derniers trimestres (octobre 2012 à septembre 2013), l'économie du Québec a ralenti durant un trimestre (avril à juin 2013) et a crû durant trois trimestres (les chiffres de l'Institut de la statistique du Québec pour le PIB aux prix du marché en termes réels : +0,2 %, +0,3 %,-0,5 %, +0,9 %).

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François Legault

Affirmation

« Mme Marois a préféré augmenter les taxes scolaires de 20 % à 30 %. »

Vérification

Ce sont les commissions scolaires qui ont ce pouvoir de taxation, et ce sont donc elles qui ont augmenté les taxes scolaires en 2013. La hausse moyenne a été de 15 %, mais dans certaines régions, la hausse a avoisiné les 30 %. Dans son dernier budget, le gouvernement péquiste avait demandé aux commissions des compressions de 200 millions par année. La grande majorité d'entre elles (55 des 62 commissions scolaires francophones) ont refilé la quasi-totalité de la facture aux contribuables. Jugeant cette hausse abusive, le gouvernement a déposé un projet de loi en novembre qui forcerait les commissions scolaires à rembourser 100 millions sur deux ans aux contribuables, en plus de baliser leur pouvoir de taxation.

Affirmation

« M. Hébert n'a pas eu le courage d'agir face aux médecins de famille. Aujourd'hui, il y a 40 % des GMF [groupes de médecine familiale] qui ne respectent pas les plages horaires où ils devraient donner des services. »

Vérification

En fait, une analyse du ministère de la Santé a révélé en février 2013 que 43 % des GMF n'atteignaient pas la cible quant au nombre de patients inscrits et 40 % n'ouvraient pas les soirs ou les fins de semaine. Depuis, un travail est en cours avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour revoir les ententes de gestion des GMF. Depuis janvier 2013, une centaine de GMF ont renouvelé leur convention et certains d'entre eux ont dû s'engager fermement à respecter les engagements concernant les heures d'ouverture et la cible de patients inscrits, sans quoi leur financement serait revu à la baisse. Le 31 mars prochain, une cinquantaine de GMF seront ainsi réévalués pour s'assurer qu'ils ont respecté leurs engagements, particulièrement concernant les heures d'ouverture.

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Françoise David

Affirmation

« On s'est aperçus que ce système de prête-noms [dans le financement des partis politiques] était extrêmement répandu et qu'il touchait tout le monde à des degrés divers, sauf Québec solidaire, qui, jamais, jamais, n'a été mis en cause. »

Vérification

La commission Charbonneau a entendu des témoins dire que les principaux partis à Québec ont reçu des dons illégaux de la part d'entreprises du milieu de la construction de 1996 à 2011. Plusieurs dirigeants de firmes de génie ont expliqué avoir mis sur pied des systèmes pour rembourser les dons faits par leurs employés. Les témoins ont expliqué qu'ils donnaient davantage à la formation au pouvoir. La liste des dons compilée par la Commission démontre d'ailleurs que c'est le Parti libéral qui a reçu le plus des témoins ou de leurs proches, suivi du Parti québécois. L'Action démocratique a peu reçu parce qu'elle a rarement été en position de former le gouvernement. Aucun don à Québec solidaire n'a été recensé par la Commission.

Affirmation

« Le remède de cheval pour Québec solidaire, c'est simple, c'est beaucoup d'emplois dans un domaine qui est celui du développement d'un Québec vert. Ça passe en particulier par 160 000 emplois dans le transport en commun partout au Québec. »

Vérification

Cet engagement reviendrait à multiplier par 10 le nombre de travailleurs dans ce secteur. L'Association du transport urbain du Québec indique que les neuf sociétés de transport en commun du Québec représentent 17 000 emplois directs et indirects dans la province. L'organisation ajoute qu'un investissement de 100 millions dans le transport en commun permet de créer 998 emplois. La création de 160 000 emplois en transport collectif coûterait ainsi plusieurs milliards. Soulignons au passage que Statistique Canada recensait en février 2014 un total de 191 400 emplois dans le secteur des transports, toutes catégories confondues : aérien, maritime, ferroviaire, routier et en commun.

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