Réclamant aux Québécois «les moyens d'agir», la première ministre Pauline Marois a joué à fond la carte de l'économie, hier, déclenchant une campagne électorale dix-huit mois après son élection avec un mandat minoritaire. Les Québécois sont appelés aux urnes le 7 avril.

Bien étrange décollage, en vérité: Mme Marois, d'une voix émue, s'est contentée d'une simple déclaration. Aucune période de questions n'était prévue. Cette décision, sans précédent, a été relevée par ses adversaires 

Philippe Couillard et François Legault. Mme Marois est immédiatement partie pour Portneuf puis la Mauricie, où elle espère ravir des comtés à la Coalition avenir Québec. MM. Couillard et Legault se sont concentrés sur Québec en cette première journée, un champ de bataille névralgique pour leurs formations.

En repoussant toute question, Mme Marois n'a pas eu à justifier sa décision de déclencher immédiatement des élections, une opération qui coûte 88 millions. Seule raison avancée par celle qui a fait adopter la loi sur les élections à date fixe, l'opposition appréhendée au récent budget Marceau. «En agissant ainsi, ce n'est pas seulement le gouvernement, mais c'est tout le Québec que l'opposition freine. Si nous voulons que le Québec prenne son élan, il faut mettre fin au blocage de l'opposition», a-t-elle dit.

Lisant sa déclaration sur télésouffleurs, la chef péquiste voulait manifestement casser son image de militante sociale. Son bilan gouvernemental s'est attardé sur les avancées d'ordre économique, l'appui de Québec avec 13,5 milliards d'investissements, la création d'emplois et les investissements en région. Une seule allusion à la Charte de la laïcité, «qui nous donnera enfin les moyens de faire respecter nos valeurs communes, l'égalité entre les femmes et les hommes et la neutralité religieuse de l'État».

La croissance avant tout

Philippe Couillard aussi a cherché à surprendre, rompant avec l'image de technocrate désincarné qu'on lui a accolée. Optant pour un message proche des électeurs, il parle désormais de «piasses» et de «jobs», reprenant le registre du slogan de son parti: «S'occuper des vraies affaires». Avec ton volontairement populaire, le chef libéral a lancé: «Ce que j'entends partout au Québec c'est: Ça va faire! Ça va faire le fiasco économique, ça va faire, cacher la vérité, ça va faire prendre la fuite pour ne pas rendre de comptes!»

Selon son habitude, le chef libéral a centré son intervention sur la nécessaire croissance économique: «Pendant 33 jours, on va parler d'emploi. C'est ce qui permet aux familles de prospérer. Vous savez, une bonne job, c'est bon pour la santé, c'est bon pour l'estime de soi, puis c'est bon aussi pour notre identité.»

François Legault, devant une centaine de militants, a lui aussi tapé sur le clou de la croissance économique et des finances publiques. Un vote pour le PQ ou pour le PLQ «est un vote en faveur des hausses de taxes et d'impôts», prévient-il. Seule la Coalition avenir Québec s'engage à réduire le fardeau fiscal des familles. La CAQ leur promet un «break» de 1000$ par an, a-t-il martelé.

Le ton agressif de M. Couillard n'a pas eu l'air de plaire à Françoise David, co-porte-parole de Québec solidaire (QS). «Trente-trois jours d'engueulade, je pense que plein de gens vont fermer la télévision», a-t-elle lancé en conférence de presse, à Montréal. QS dresse un «bilan assez catastrophique d'un gouvernement qui, depuis 18 mois, a montré son appétit pour le pétrole, pour les minières», a lancé Mme David.

L'économie, enjeu numéro 1

Les tirs convergents des principaux partis vers les questions économiques ne surprennent guère, quand on prend le pouls de l'opinion publique. Dans une enquête réalisée du 13 au 16 février auprès de 1000 internautes, la maison CROP observe que l'économie est l'enjeu déterminant pour une très nette majorité d'électeurs. Ainsi, 46% des répondants placent cette question au premier rang de leurs préoccupations.

À 28%, la santé suit.

Le second peloton est loin derrière: les questions identitaires et l'éducation sont à 8%, l'environnement à 6%.

Pour Youri Rivest, le vice-président de CROP, il ne fait pas de doute que les questions d'économie et d'emploi sont au centre des préoccupations des électeurs. Mais il ne faut pas se méprendre sur le faible 8% associé aux questions identitaires, insiste-t-il. Dans une course où tout le monde promet de mieux faire en matière économique et de régler les problèmes du réseau de la santé, le PQ, avec sa Charte de la laïcité, profite d'un élément qui le distingue de ses adversaires. En insistant sur l'économie dans sa campagne, Mme Marois montre qu'elle tient à ce que cette question ne devienne pas un désavantage, quand on comparera son parti au PLQ.