Pauline Marois promet de limiter la croissance des dépenses de programmes à 2,4% par année en moyenne, si elle est élue. Ce coup de frein permettrait selon elle de couvrir le coût net de ses engagements (992 millions par année à terme) et de combler le trou budgétaire annoncé de 875 millions.

La chef péquiste n'a toutefois pas voulu s'engager formellement à ne faire aucun déficit si elle est portée au pouvoir. «Je ne veux pas que l'on fasse de déficit, et on va faire tous les efforts» pour respecter l'équilibre budgétaire, a-t-elle répondu aux journalistes vendredi.

Mme Marois a finalement présenté son cadre financier en conférence de presse, au 24e jour de la campagne. Deux experts indépendants, Marcelin Joanis et Luc Savard, professeurs au département d'économie de l'Université de Sherbrooke, l'ont examiné et l'ont «jugé compatible avec le respect de l'équilibre budgétaire», fait valoir le PQ. Pauline Marois estime que son cadre financier est «le plus responsable et le plus raisonnable». «On ne garroche pas l'argent par les fenêtres, et on n'invente pas de revenus», a-t-elle lancé.

Elle chiffre à 992 millions de dollars par année à terme le coût net de ses engagements. Elle arrive à cette évaluation en tenant compte du coût des mesures fiscales et budgétaires prévues dans sa plateforme (2,385 milliards) et des revenus additionnels anticipés (1,393 milliard).

Parmi les mesures fiscales et budgétaires, on note par exemple la création de 15 000 nouvelles places en garderie, l'annulation de la hausse des droits de scolarité et l'abolition de la taxe santé.

Le Parti québécois veut augmenter les revenus de l'État en haussant, par exemple, les impôts des quelque 140 000 Québécois qui gagnent plus de 130 000$ par année. Deux nouvelles tranches (communément appelées «paliers») d'imposition seraient créées, si bien que, à terme, les plus riches paieraient 610 millions de dollars de plus en impôt par année.

Selon le budget Bachand 2012-2013, l'équilibre budgétaire sera atteint l'an prochain. Mais pour les années suivantes, il y a un trou de 875 millions de dollars.

Le PQ fait le pari de combler ce trou et de payer ses engagements de 992 millions en limitant la croissance des dépenses de programmes à 2,4% par année en moyenne. La moyenne prévue par le gouvernement dans son budget est de 3%, estime le PQ. En freinant les dépenses, un gouvernement péquiste dégagerait 373 millions chaque année, 1,867 milliard au bout de cinq ans. Cela équivaut au coût de ses engagements et au trou budgétaire.

Notons que le PQ a utilisé les mêmes prévisions de croissance économique que celles du budget Bachand.

Pauline Marois était entourée de quatre de ses candidats: le porte-parole en matière de finances et député sortant Nicolas Marceau (Rousseau), l'avocat spécialisé en droit des affaires Stéphane Labrie (Lévis), ainsi que les économistes Pierre Langlois (La Prairie) et Alain Therrien (Sanguinet).



Encore des taxes, dénonce Charest


«Dites-vous bien une chose, Mme Marois n'a pas attendu aujourd'hui pour rien pour déposer son cadre financier», a raillé Jean Charest, lors d'un passage à Bécancour.

«Ça ne tient pas la route», a-t-il ajouté.

Le chef libéral estime que sa rivale péquiste va avant tout augmenter les taxes des Québécois. Certes, les riches vont payer davantage, dit-il, mais la classe moyenne ne sera pas épargnée non plus. Car le PQ compte imposer davantage les gains en capitaux et les dividendes pour les contribuables qui détiennent des actions.

Jean Charest y voit une conséquence directe de la prise de position de Pauline Marois dans le conflit étudiant.

«Elle va taxer davantage les Québécois et elle va augmenter les impôts pour sa position insensée sur l'avenir de nos universités et leur financement», a-t-il dénoncé.

Le chef libéral estime par ailleurs que le cadre financier de Mme Marois omet des dépenses majeures. Si le PQ rapatrie le programme fédéral d'Assurance-Emploi, tel qu'il souhaite le faire, Québec se retrouvera avec une dépense additionnelle de 800 millions par année.

«Quand on comptabilise tout ce qu'elle met là-dedans, sur la dette, les omissions sur l'Assurance-emploi, il y a des dépenses qui sont pas mal importantes là-dedans», a-t-il dénoncé.

«Irresponsable», dit Legault

François Legault s'est moqué des critiques contre la Coalition avenir Québec. « J'obsède Nicolas Marceau, il a prononcé 25 fois mon nom (en conférence de presse) avant que j'arrête de compter », s'est-il moqué.

Il doute de la réduction des dépenses promise par le PQ. «Mme Marois nous donne deux milliards de réductions de dépenses sans nous donner le début du commencent de comment elle ferait pour y arriver», a-t-il accusé. Il est d'autant plus sceptique que le PQ «ne veut couper aucun poste».  « C'est mathématiquement impossible, parce que le deux tiers des dépenses, ce sont des salaires», ajoute-t-il.

Il remet en contexte les critiques du PQ, qui l'accuse de totaliser 3,6 milliards $ en nouvelles dépenses. La CAQ promet 1,8 milliards $ de nouvelles dépenses, et aussi 1,8 milliards en réduction d'impôt, avec notamment l'abolition de la taxe santé. Le PQ veut aussi abolir cette taxe. Il devrait donc lui aussi ajouter un milliard supplémentaire à ces dépenses totales. «Ce qui est bon pour nous est bon pour elle», résume-t-il.

M. Legault regrette que le PQ promette d'annuler la hausse des tarifs d'hydroélectricité à partir de 2014. Cette hausse avait été annoncée dans le budget 2010. Cette hausse doit dégager 1,6 milliards par année. L'argent irait au remboursement de la dette. «C'est une question de pouvoir regarder nos enfants en pleine face», lance-t-il.  

Enfin, M. Legault déplore que le PQ n'ait pas de marge de manoeuvre. Sur cinq ans, la CAQ dit avoir un «coussin financier» de 2,4 milliards $. Ce coussin permettrait de compenser pour une croissance économique moindre que celle prévue. «Ni le Parti libéral ni le Parti québécois n'ont ce coussin», dit-il.

-- Avec Paul Journet