Jacques Audette, accusé en avril dernier de fraude, d'abus de confiance et de versement de commissions dans le dossier de la Ville de Mascouche, était en 1998 un des principaux lieutenants de la campagne de Jacques Duchesneau à la mairie de Montréal.



Avocat chez Fasken Martineau jusqu'au printemps dernier, Jacques Audette était, en 1998, «secrétaire du comité de gestion» du parti Nouveau Montréal, fondé par Jacques Duchesneau. Proche de celui-ci, Me Audette avait alors été nommé «conseiller juridique» pour la campagne. «Me Audette est un de ses amis. Il n'a pas été déclaré coupable de quoi que ce soit et le crime par association n'existe pas», a expliqué hier un proche collaborateur de M. Duchesneau, aujourd'hui à la Coalition avenir Québec (CAQ).

Le comptable de Nouveau Montréal, Jean-Pierre Allaire, travaillait à KPMG, au 2000, avenue McGill College, en 1998. Le bilan financier du parti à cette époque montre que 16 contributeurs importants avaient la même adresse de bureau.

En argent comptant

La campagne menée en 1998 par M. Duchesneau avait par ailleurs de nombreux problèmes de financement, ont confié à La Presse plusieurs travailleurs d'élections.

Au quartier général, l'ensemble des employés était payé par chèque, selon les règles, mais dans les districts, il était courant de payer les organisateurs en liquide. Ces piliers électoraux recevaient de 600 à 800$ par semaine, selon leur importance, expliquent plusieurs sources. «Je n'avais jamais vu autant d'argent liquide dans une campagne, à l'époque, et je n'en ai jamais vu autant par la suite», confie l'un d'eux, habitué de ces opérations.

Radio-Canada a relaté hier que le lancement de la campagne de Duchesneau à la gare Windsor, le 21 mai 1998, avait réuni environ 2000 personnes. Or, le bilan financier de Nouveau Montréal établissait que 2590$ seulement avaient été amassés. De jeunes sympathisantes avaient «passé le chapeau» dans ce parterre sélect d'hommes d'affaires, d'ingénieurs, d'architectes et d'urbanistes. Deux sources, qui ont requis l'anonymat, ont indiqué à La Presse qu'au moins 50 000$ avaient été récoltés ce soir-là. Les dons anonymes étaient légaux à l'époque, mais ils devaient être déclarés. Les deux sources étaient présentes lorsque l'argent recueilli a été compté.

Quand il a offert sa candidature aux stratèges de la CAQ, M. Duchesneau avait soutenu que toutes ces rumeurs, qui circulent depuis longtemps à Montréal, n'étaient pas fondées. Martin Koskinen, bras droit de François Legault, avait même affirmé que M. Duchesneau n'avait jamais rencontré l'ex-ministre Tony Tomassi. Or, M. Tomassi était un organisateur important de Nouveau Montréal dans la communauté italienne. Il était fréquemment au quartier général du parti. De plus, quand Jacques Duchesneau a fait une parade en décapotable dans Saint-Léonard avec son candidat Joe Magri, c'est M. Tomassi qui conduisait le véhicule. L'ancien ministre de Jean Charest est ulcéré que M. Duchesneau ait nié le connaître, a-t-on appris par ailleurs.

Jacques Duchesneau n'est pas du tout ébranlé par les allégations à son sujet. «Regardez à qui profite ces reportages», a-t-il lancé hier soir en marge du débat TVA.

Le candidat de la Coalition avenir Québec répondait à toutes les demandes d'interview. «Si je ne m'étais pas lancé en politique, on ne ressortirait pas ces histoires vieilles de 14 ans», a-t-il affirmé.

M. Duchesneau rappelle qu'une enquête du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) a conclu l'année dernière qu'il n'avait commis aucune infraction et que sa formation politique n'avait pas utilisé de prête-noms dans son financement.

«Quand on donne un coup de pied dans un nid de guêpes, elles viennent nous piquer», a-t-il dit. Il croit qu'on essaie de se venger.

Il rappelle par ailleurs que Tony Tomassi avait 28 ans à l'époque et qu'il ne le connaissait pas.

Il confirme qu'il connaît M. Audette, avec qui il est allé à l'école. «Il a été pendant 30 ans le procureur du service de police de Montréal», a-t-il rappelé. Il assure que jamais M. Audette n'a commis de malversations dans sa campagne.

Et l'argent liquide? «La réponse, c'est non. On a géré la pauvreté pendant cette campagne-là. On s'est ramassé après avec des dettes [d'environ 300 000$]. Voulez-vous bien me dire comment on aurait pu payer les gens [avec de l'argent comptant]?», lance-t-il. «C'est tellement gros que je trouve ça loufoque, conclut-il. On revient encore avec les mêmes vieilles affaires. Combien de fois va-t-on les répéter pour que les gens les croient?»

Négligence

Hier, M. Duchesneau a jugé que l'entourage de la ministre Kathleen Weil avait fait preuve de négligence en n'ayant pas vérifié qui était propriétaire du bureau de circonscription de la nouvelle élue, nommée à la Justice. L'immeuble appartenait pourtant à une filiale de Construction FTM, entreprise de Tony Magi et de ses frères.

Tony Magi, perçu comme un proche de la mafia, avait déjà été arrêté en 2011 pour port d'arme à feu dans un dessein dangereux. Ses deux frères Ricardo et Alberino, qui étaient ses gardes du corps, avaient aussi été arrêtés puis relâchés. Or, Alberino était aussi proche de la campagne de M. Duchesneau à l'époque. Un des anciens lieutenants du candidat caquiste a pu l'identifier sur une photo où on voit M. Rino Magi, avec, à ses côtés, l'ancien policier, candidat à la mairie de Montréal. C'était en marge d'un rassemblement au lac des Castors que M. Magi avait contribué à organiser.

- Avec Paul Journet et Tommy Chouinard

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Jacques Audette quittant le quartier général de la Sûreté du Québec après son arrestation en avril dernier.