Le saut en politique de Jacques Duchesneau avec la CAQ pourrait bien se retourner contre François Legault, estime le candidat libéral dans Taschereau, le ministre Clément Gignac. Selon lui, le chef caquiste aura du mal à « gérer pendant 30 jours » sa recrue. « Une arme de destruction massive » peut parfois nous exploser en plein visage, a-t-il affirmé en substance à des journalistes, en début de soirée samedi.

M. Gignac participait au rassemblement du Parti libéral à Québec, où Jean Charest a prononcé un discours devant plus de 400 militants - jusqu'ici le plus gros événement militant de la campagne. Une douzaine de manifestants ont accueilli M. Charest ; à la sortie, des militants ont applaudi le chef libéral et scandé son nom pour étouffer le bruit des casseroles pendant que les caméras de télévision filmaient. La caravane libérale n'a croisé qu'une seule autre fois des manifestants jusqu'ici - il y en avait une trentaine mercredi, encore à Québec.  

Plus tôt dans la journée, le chef libéral était sorti de son mutisme et avait lancé de petites pointes à Jacques Duchesneau. Il ne met toutefois pas en doute la qualité du travail que M. Duchesneau a accompli pour le gouvernement à la tête de l'Unité anticollusion.

«Je pense que M. Duchesneau aura de la difficulté à critiquer le fait qu'on a mis en oeuvre les recommandations de son propre rapport», a-t-il affirmé samedi en conférence de presse dans Crémazie, à Montréal.

Le gouvernement Charest l'a nommé comme patron de l'Unité anticollusion du ministère des Transports en février 2010. En septembre de l'année suivante, il a coulé aux médias un rapport percutant qui a incité le gouvernement à créer finalement une commission d'enquête publique sur la construction, en novembre.

«Le rapport a été utile. Le gouvernement a mis en oeuvre les recommandations», a insisté à plusieurs reprises le chef libéral.

A-t-il déjà eu des doutes sur la neutralité politique de M. Duchesneau durant l'exercice de son mandat au ministère des Transports? «M. Duchesneau n'a pas encore annoncé sa candidature. Laissons-lui le soin de s'exprimer», a-t-il répondu. Quelques minutes auparavant, il avait souligné qu'il avait confié le mandat à M. Duchesneau de façon transparente, «visière levée».

Jean Charest n'a pas sorti l'artillerie lourde contre M. Duchesneau, martelant qu'il «accueille favorablement les candidatures» en période électorale, que «c'est ça la démocratie» et qu'«il faut avoir assez de recul pour voir là-dedans une bonne chose».

Selon lui, «c'est faux» d'affirmer que la candidature de M. Duchesneau sème l'inquiétude dans les rangs libéraux. Vendredi, on constatait pourtant un malaise évident dans la caravane libérale. Le mot d'ordre était de ne pas commenter une «rumeur». Plusieurs militants libéraux réunis dans Fabre pour l'investiture de l'ex-bâtonnier Gilles Ouimet ne parlaient que de ça.

Jean Charest n'a pas voulu s'avancer au sujet de l'impact qu'aura selon lui l'entrée en scène de M. Duchesneau sur l'allure de la campagne. «On verra ce que M. Duchesneau a à dire», a-t-il répondu.

Il affirme qu'il n'a «pas du tout» fait une gaffe en se donnant une note de 8/10 dans la lutte contre la corruption. «Je n'ai aucune hésitation à dire que c'est la note qu'on s'attribue. Le travail qu'on a fait est substantiel», a-t-il répondu, rappelant la création de l'UPAC et de la commission Charbonneau, de même que les changements à la loi sur le financement politique.

Jean Charest a fait valoir qu'il a une «équipe qui va continuer à travailler (...) pour faire le ménage». Il a nommé Robert Dutil, Lise Thériault, Robert Poëti et Guy Ouellette.

Devant la Commission Charbonneau, Jacques Duchesneau a fait une déclaration-choc, estimant que 70% du financement des partis politiques provenait de «l'argent sale».

Questionné pour savoir si M. Duchesneau fabule, M. Charest a d'abord répondu: «J'ai hâte d'entendre la réponse de M. Legault. Puisqu'il le recrute comme candidat, il doit être d'accord avec lui. Il a passé pas mal d'années au Parti québécois. Il a admis qu'il s'était fait fixer un quota de financement de 80 000$ par année. À la CAQ, il a eu de la difficulté à publier une liste de noms avec des donations, il a été obligé de se rependre à 4 fois». Notons que le ministre Norman MacMillan -qui ne se représente pas- avait reconnu que les ministres du gouvernement Charest ont un objectif de financement de 100 000$.

Puis, le chef libéral a assuré que le financement de son parti se fait «dans les règles». «Quand il y a des choses qui sont faites qui ne sont pas dans les règles, nous corrigeons le tir. Il peut y arriver qu'il y ait des coches mal taillées, c'est déjà arrivé. Mais sur l'ensemble du travail que nous faisons, nous respectons les règles et nous l'avons toujours fait».

De passage à Rosemère, le chef de la Coalition avenir Québec a répliqué qu'il n'avait rien eu à se reprocher lors de son passage au gouvernement péquiste.

«Au Parti québécois, ne n'ai jamais rien vu, dans mon comté ou ailleurs, qui était illégal ou non éthique», a-t-il affirmé.

Il a réitéré sa volonté de faire de l'intégrité sa première priorité s'il est élu. Sa «Loi 1», a-t-il répété, visera à enrayer ce qu'il appelle «le cancer de la corruption».

«Il y a un cynisme, actuellement, qui rend impossible tout grand projet de société, a-t-il dit. Donc il faut être capable de se débarrasser de ce cynisme si on veut être capables de retrouver la confiance et la fierté avec les Québécois.»

Charest attaque la CAQ

Dans ses discours, Jean Charest fait de plus en plus d'attaques contre la CAQ. En après-midi, de passage à Grand-Mère, il a décoché des flèches vers un autre candidat caquiste, Gaétan Barette, ex-président de la Fédération des médecins spécialistes. «Il a trouvé toutes les solutions pour le système de santé, il dit qu'il va régler tout ça, reprenant les politiques qu'on a déjà mises en place. Il y a deux personnages intéressants en santé à la CAQ, François Legault, qui a démantelé le système de santé, et Gaétan Barette, qui se chicane avec les médecins omnipraticiens. Un se chicane, l'autre démantèle, j'espère qu'ils vont procéder dans l'ordre au moins», a-t-il ironisé.

Jean Charest a également reproché à Pauline Marois de ne pas avoir condamné la «déclaration malheureuse» de Gilles Duceppe, pour qui Amir Khadir -un souverainiste- ne mérite pas le respect parce qu'il a voté l'an dernier pour un parti fédéraliste, le NPD. «Pour les péquistes, le respect, c'est quelque chose d'optionnel. Aujourd'hui, je tiens à réitérer au nom de tous les libéraux qu'un gouvernement libéral est là pour représenter tous les Québécois sans exception, contrairement à ce que pense Pauline Marois», a dit le chef libéral, prenant en quelque sorte la défense de M. Khadir, dont le parti pourrait gruger de précieux votes au PQ. Notons que M. Charest a eu plusieurs accrochages avec le député de Québec solidaire dans les dernières années.

Il a présenté les cinq candidats de la Mauricie, dont les députés sortants Julie Boulet (Laviolette), Danielle St-Amand (Trois-Rivières) et Jean-Paul Diamond (Maskinongé). Marc-Antoine Trudel (étudiant aux HEC de 20 ans) et Robert Pilotte (ex-journaliste à la radio) cherchent à s'emparer de deux circonscriptions détenues par le PQ, Champlain et Saint-Maurice.

Jean Charest a frappé encore sur le clou de l'économie samedi. Il a promis un changement dans une mesure pour réinsérer en emploi les assistés sociaux de 18 à 21 ans. Il s'est engagé à accentuer les efforts pour l'intégration des immigrants sur le marché du travail. Il s'est engagé à bonifier la prime au travail pour les personnes seules (le montant maximal passerait de 532$ à 732$ par année; les investissements sont déjà prévus dans le dernier budget). Le chef libéral a souligné que le taux d'assistance sociale est à son plus bas niveau depuis 1976.