Moins de donateurs, des dons moins généreux et, en bout de piste, des caisses électorales moins garnies. Les contributions aux partis politiques québécois ont chuté de moitié depuis les dernières élections, révèlent les données du Directeur général des élections du Québec (DGEQ).

La Presse a compilé les dons reçus par les partis provinciaux depuis 1999. Il en ressort que le nombre de donateurs est à son plus bas. Depuis le début de 2012, les partis ont reçu en moyenne un peu moins de 3800 dons par mois, une chute du tiers depuis les dernières élections générales, en 2008.

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En parallèle, le don moyen a sensiblement diminué. Après avoir atteint un sommet de 260$ en 2008, il se situe désormais à un peu moins de 200$.

La diminution du nombre de donateurs et leur générosité moindre ont durement touché les caisses électorales. Aux dernières élections, les partis récoltaient en moyenne 1,5 million de dollars par mois. Depuis le début de 2012, les contributions mensuelles ont été de 740 000$.

Toutes les formations le disent, les électeurs ont tendance à se montrer plus généreux durant les années électorales, comme en témoignent les années 2003, 2007 et 2008. Pourtant, malgré les rumeurs d'élections persistantes depuis le début de 2012, la récolte des partis cette année est même de beaucoup inférieure à celle des années 2004, 2005 et 2006. Du tiers, pour être précis.

Parfum de scandale et nouvelles règles

«Avec les parfums de scandale qui ont flotté sur le Québec, notamment les révélations des médias, on pense que les donateurs ont perdu de l'enthousiasme pour le financement des partis», dit Denis Dion, porte-parole du DGEQ.

Or, cela survient alors que les règles sur le financement des partis ont été resserrées: le plafond des contributions a notamment été ramené de 3000$ à 1000$. Les formations peinent donc à compenser le manque à gagner puisque moins d'électeurs sont prêts à accompagner leur appui d'un chèque.

Cette forte diminution des contributions aux partis surprend malgré tout Marcel Blanchet, qui a été directeur général des élections de 2000 à 2010. Il s'attendait certes à ce que ces changements provoquent une baisse des contributions, mais pas de moitié. «C'est assez bizarre. Est-ce que les événements du printemps et de l'année dernière ont pu avoir pour effet de diminuer l'intérêt des électeurs à financer les partis?»

M. Blanchet s'attendait au contraire à ce que les nouvelles règles améliorent la confiance du public: «Le pari qui a été fait, c'est que les gens qui sont vraiment soucieux de contribuer volontairement aux partis politiques le feraient.»

Le PLQ premier touché

La baisse de contributions frappe de plein fouet le Parti libéral du Québec (PLQ), qui récolte depuis 10 ans les dons les plus substantiels. Le nombre de ses donateurs a considérablement diminué, de même que le don moyen, si bien que, en 2012, sa récolte mensuelle a baissé de plus de 60% par rapport à 2008. La dernière fois que la formation de Jean Charest avait aussi peu récolté, elle siégeait dans l'opposition.

«De façon générale, les dons sont plus petits», constate Michel Rochette, directeur des communications du PLQ. Ce phénomène aurait beaucoup à voir avec la baisse du plafond de contribution, selon lui. En 2008, à peine 6% des donateurs donnaient plus de 1000$, mais ces dons représentaient plus de 40% du total des contributions. Michel Rochette ne s'inquiète pas de la récolte de son parti en 2012, car les électeurs ont tendance à donner davantage en période électorale.

Le Parti québécois n'échappe pas non plus au phénomène. Si le don moyen y est relativement stable depuis plus de 10 ans (environ 150$), le nombre de donateurs a fondu de 40% par rapport aux dernières élections.

Le directeur général du PQ, Sylvain Tanguay, y voit la conséquence directe de la publication du nom de tous les donateurs, qui inciterait certains à s'abstenir de contribuer. «Avant, il y avait une certaine marge de confidentialité qui n'existe plus. Ceux qui, par exemple, travaillent dans l'administration publique ne peuvent pratiquement plus contribuer parce qu'ils ne peuvent pas s'afficher pour un parti.»

Toutefois, M. Tanguay croit lui aussi que la campagne viendra gonfler les coffres de son parti.

La CAQ affiche également en 2012 de moins bons résultats que ceux de l'Action démocratique en période électorale. Sa récolte marque néanmoins une nette amélioration par rapport aux dernières années de la défunte formation politique. «Est-ce plus difficile de récolter des fonds? Non. Mais c'est plus complexe administrativement. Ça prend plus de temps avant que l'argent soit déposé dans le compte du parti», dit le trésorier de la CAQ, Marc Deschamps.

La responsable du financement à Québec solidaire reconnaît que les nouvelles règles pourraient avoir un effet dissuasif sur ses donateurs. «Recueillir plusieurs dons de 20$ au lieu de deux dons de 1000$, peut-être que les gens trouvent ça un peu long, mais ils le font», dit Sophie Séguin.

Les 70% de Duchesneau

En juin, l'ancien directeur de l'Unité anticollusion, Jacques Duchesneau, avait créé une commotion dans les partis politiques lorsqu'il avait dénoncé devant la commission Charbonneau «l'argent sale» qui financerait les élections. Dans son témoignage, l'ancien policier avait évalué que 70% des fonds utilisés par les partis provinciaux dérogeaient aux règles.

Il avait remis aux enquêteurs de la Commission un document d'une cinquantaine de pages qu'il avait rédigé après avoir rencontré 13 personnes impliquées dans le financement des partis. «Tout l'argent amassé proviendrait de manigances, de stratégies de complaisance et d'arrangements, avait-il dit. Des organisateurs de partis politiques passeraient des commandes aux firmes de génie pour obtenir de l'argent.» Tous les partis avaient exprimé leur surprise et nié ces allégations.

- Avec la collaboration de Cédric Sam

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Des règles plus sévères

Les règles du financement des partis politiques ont été considérablement resserrées en 2011. La contribution maximale annuelle que peut verser un particulier a été réduite de 3000$ à 1000$. Le changement le plus important réside toutefois dans la façon dont l'argent transite vers les coffres des formations. Depuis avril 2011, tous les dons de plus de 100$ doivent être envoyés au Directeur général des élections du Québec. En plus de leur chèque (libellé au nom du DGEQ), les donateurs doivent signer une déclaration dans laquelle ils assurent que l'argent provient bien de leurs fonds personnels. Le document leur rappelle au passage qu'ils s'exposent à des amendes de 5000$ à 20 000$. Le DGEQ a embauché une douzaine de personnes pour vérifier les dons avant de les verser dans le compte des partis. L'opération prend environ 15 jours.

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> Parti libéral

Don moyen 2012: 286$

Nombre de donateurs: 6814

Total des contributions en 2012: 1 950 034$

Ses contributions ont beau avoir considérablement diminué, le PLQ reste la formation qui récolte le plus d'argent. La région de Montréal y est pour beaucoup: les troupes de Jean Charest y ont amassé plus d'un demi-million depuis le début de l'année. Cette récolte est en grande partie due aux électeurs de Westmount, les plus généreux de toute la province, une générosité essentiellement orientée vers le PLQ. Les donateurs de la région de Québec ont aussi été particulièrement généreux avec le parti, auquel ils ont accordé plus de la moitié de toutes leurs contributions. Dans l'Outaouais, près des trois quarts des dons sont allés à la formation de Jean Charest. Même s'ils sont moins nombreux qu'au PQ, les donateurs libéraux continuent à être les plus généreux de tous les partis.

> Parti québécois

Don moyen 2012: 148$

Nombre de donateurs: 11 411

Total des contributions en 2012: 1 690 479$

Contrairement aux trois autres partis, qui récoltent leurs dons les plus importants à Montréal, c'est en Montérégie que le Parti québécois a le plus enrichi son trésor de guerre. Le PQ domine le financement dans les circonscriptions éloignées des grands centres. Les trois quarts des contributions récoltées dans le Bas-Saint-Laurent, sur la Côte-Nord et en Gaspésie vont ainsi au parti de Pauline Marois. À l'inverse, il récolte la moitié moins que le PLQ à Montréal et à Québec.

Depuis 1999, c'est le PQ qui a le plus grand nombre de donateurs. Le montant moyen du don, qui n'a jamais dépassé les 170$, est toutefois nettement plus faible qu'au PLQ et à la CAQ.

> Coalition avenir Québec

Don moyen 2012: 254$

Nombre de donateurs: 3269

Total des contributions en 2012: 829 121$

Les électeurs de la couronne nord se sont montrés parmi les plus généreux avec la CAQ. Le parti de François Legault est celui qui a récolté le plus de dons dans Groulx et Blainville. La CAQ est encore loin de recevoir autant d'argent que le PLQ à Montréal, mais son financement se rapproche de celui du PQ. D'ailleurs, parmi les circonscriptions les plus généreuses pour la CAQ figurent Mont-Royal et Verdun. La formation est même celle qui a récolté le plus de dons au centre-ville de Montréal (Sainte-Marie-Saint-Jacques). Souvent présentée comme un terreau fertile pour la CAQ, la région de Québec a pourtant contribué dans une moindre proportion à sa caisse électorale qu'à celles du PLQ et du PQ.

> Québec solidaire

Don moyen 2012: 114$

Nombre de donateurs: 2093

Total des contributions en 2012: 239 093$

Près de la moitié des dons à Québec solidaire proviennent de la région de Montréal. Sans surprise, le parti récolte ses dons les plus importants auprès des électeurs de Gouin et de Mercier, où se présentent ses deux chefs, Françoise David et Amir Khadir. Dans deux autres circonscriptions de la métropole, Laurier-Dorion et Hochelaga-Maisonneuve, la formation a même réussi à récolter davantage que les autres partis. Québec solidaire s'active également au centre-ville de Québec, dans Taschereau. Contrairement aux autres partis, qui ont vu le nombre de leurs donateurs diminuer, Québec solidaire semble connaître une lente progression depuis sa fondation.