Pour un chef de parti qui pourrait subir ce soir l'une des pires rétrogradations de l'histoire de la politique québécoise - passer de premier ministre en attente à chef d'un parti qui risque de ne pas être reconnu à l'Assemblée nationale -, Mario Dumont était étonnament détendu lors de la dernière journée de sa campagne électorale.

À un journaliste qui lui demandait hier pourquoi il ne s'était pas rendu sur la Côte-Nord au cours de la campagne, le chef adéquiste a souri quelques instants avant de répondre. «Il n'est pas trop tard (pour changer d'idée)», a-t-il laissé tomber, l'air moqueur.

 

Heureusement pour les représentants des médias qui le suivent pas à pas depuis 33 jours, Mario Dumont n'a pas mis sa menace à exécution: son autobus électoral a fait son dernier arrêt comme prévu dans sa circonscription de Rivière-du-Loup ensevelie sous la neige, où le chef de l'Action démocratique du Québec ira voter et assistera au dévoilement des résultats.

Avec 15% d'appui dans les sondages - ce qui mettrait en péril son statut de parti officiel à l'Assemblée nationale, qui exige au moins 12 députés ou 20% du vote populaire -, Mario Dumont a lancé un dernier appel hier aux électeurs qui l'ont soutenu en mars 2007. L'ADQ avait alors fait élire 41 députés avec 31% des suffrages. «Ils doivent prendre conscience que leur vote a donné des résultats et prendre la pleine mesure des changements qu'ils ont engendrés, dit le chef adéquiste. Grâce à eux, on a un bulletin chiffré au Québec et des mesures pour les familles et les aidants naturels. Ils ont eu de l'influence et ils doivent refaire la même chose.»

Mario Dumont a aussi courtisé les électeurs mécontents qui menacent de bouder le scrutin d'aujourd'hui. Le chef adéquiste comprend leur désarroi devant ces élections déclenchées «pour des motifs partisans», mais il leur rappelle que leur absence favorisera la réélection de Jean Charest. Il leur propose de donner une leçon au premier ministre en joignant les rangs adéquistes. «Ces gens ont l'impression qu'ils protestent en n'allant pas voter, mais ils font exactement le contraire, a-t-il dit hier à ses militants à Rivière-du-Loup. C'est une erreur de leur part, mais ce n'est pas grave, il faut juste leur expliquer. La veille des élections, Jean Charest va mettre des chapelets sur la corde à linge pour que les gens n'aillent pas voter...»

Le chef adéquiste a donné l'exemple des électeurs ontariens, qui avaient été conviés aux urnes de façon hâtive par les libéraux de David Peterson en 1990 alors que le gouvernement disposait d'une confortable avance dans les sondages. La stratégie s'était retournée contre les libéraux, qui avaient été défaits. «C'est un bel exemple d'une réaction populaire imprimée dans l'histoire, dit Mario Dumont. Pour des générations à venir, tout premier ministre de l'Ontario qui a le goût de prendre la population en otage de cette façon va se souvenir de cet événement gravé dans l'histoire de l'Ontario.»

Malgré l'optimisme de Mario Dumont, l'histoire pourrait être différente au Québec cette fois-ci. Même le candidat adéquiste dans la circonscription de Mégantic-Compton en Estrie, Samuel Therrien, admet que le flair politique de Jean Charest pourrait bien le servir ce soir. «C'est paradoxal (ce qui se passe), dit M. Therrien. Les électeurs disent que M. Charest a déclenché l'élection au mauvais moment mais ils ont tendance à voter pour lui. M. Charest a peut-être senti qu'il y avait une vague pour lui.»