Du bout des lèvres, Jean Charest se dit préoccupé du faible taux de participation enregistré aux élections de lundi, mais il rejette toute responsabilité pour cette chute historique.

S'il est prêt à travailler avec l'opposition «forte» du Parti québécois, le premier ministre prévient Pauline Marois qu'elle n'a pas reçu le mandat de remettre le débat sur la souveraineté à l'agenda.

En conférence de presse, hier, Jean Charest a dressé son bilan des élections générales, évitant toutefois d'aborder le taux de participation de 57%, le plus bas depuis 1927. «Je me sens concerné (par le faible taux de participation), mais en même temps, j'ai une responsabilité qui transcende toutes les autres responsabilités, c'est de faire en sorte que le Québec puisse avoir tout ce qu'il lui faut et que le gouvernement puisse être capable de faire face à cette tempête économique», a-t-il lancé aux journalistes qui insistaient sur l'abstentionnisme élevé.

«Dans mon âme et conscience, quand j'ai voulu appeler les Québécois aux urnes, c'est parce que je voulais que nous puissions avoir ce débat et choisir un gouvernement de stabilité (...). C'est ce que j'ai fait et c'était le bon choix, j'en suis convaincu aujourd'hui.»

Selon lui, une foule de «circonstances» peuvent expliquer la chute historique du taux de participation. «La température, pour dire une évidence, n'a pas aidé», a-t-il laissé tomber. Il a refusé d'accréditer la thèse selon laquelle les Québécois ne voulaient pas de ces élections générales, déclenchées 20 mois après le dernier appel aux urnes et trois semaines après le scrutin fédéral.

«Au point de départ, lorsqu'on fait des élections, ce n'est jamais accueilli comme étant une affaire que la population souhaite, parce que c'est une intrusion dans la vie des citoyens. Mais c'est une intrusion qui est nécessaire de temps en temps», a-t-il affirmé.

Jean Charest a gagné son pari de justesse lundi. Le PLQ a remporté 66 sièges, ce qui lui confère une mince majorité à l'Assemblée nationale. Les stratèges libéraux s'attendaient à rafler jusqu'à 80 sièges.

Le chef libéral n'a pas voulu identifier les raisons expliquant sa courte majorité. Il a préféré souligner ses 18 gains par rapport à 2007; les percées en Mauricie, en Abitibi-Témiscamingue, dans l'est du Québec et dans la capitale nationale.

Les Québécois «m'ont donné ce que je voulais», un «gouvernement de stabilité, donc majoritaire», a souligné M. Charest. «Mais en même temps les Québécois ont jugé, dans leur sagesse, qu'ils voulaient avoir une opposition qui allait également être forte. Et alors, c'est le résultat. Je l'accepte.»

Conciliant

En conférence de presse, le premier ministre a d'abord adopté un ton conciliant à l'égard de l'opposition péquiste. Il a dit privilégier la politique de la «main tendue». Il entend consulter l'opposition afin de présenter «le plus rapidement possible» un plan d'action pour relancer l'économie. Les libéraux ont promis notamment une accélération des investissements dans les infrastructures, un crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire et des mesures de soutien aux entreprises.

Après le «Parlement de cohabitation», rendu nécessaire par son statut minoritaire, Jean Charest veut maintenant un «Parlement de collaboration». «Les Québécois s'attendent à ce que les élus travaillent ensemble. Et nous sommes face à des enjeux (économiques) qui transcendent les rivalités politiques», a-t-il expliqué.

Jean Charest a toutefois fixé des limites à sa collaboration. L'opposition péquiste doit se concentrer sur l'économie, «l'enjeu de l'élection», et non pas relancer le débat sur la question nationale.

Le premier ministre ne voit d'ailleurs aucun regain de l'option souverainiste dans les résultats de lundi. Selon lui, la chef péquiste Pauline Marois ne peut conclure que les Québécois appuient davantage cette option ou souhaitent remettre le débat sur la souveraineté à l'agenda. «Elle a délibérément choisi de mettre à l'écart le référendum», et la campagne n'a pas porté sur la souveraineté, a souligné M. Charest. «Plaçons les choses à la bonne place. L'enjeu de l'élection, c'était l'économie (...). Ça transcende les autres enjeux», a-t-il ajouté.

Jean Charest «ne présume pas de la disparition de l'ADQ» avec le départ de Mario Dumont, auquel il a rendu hommage. Il s'attend à ce que les députés adéquistes «fassent sentir leur présence» à l'Assemblée nationale. L'arrivée d'un député de Québec solidaire, Amir Khadir, «enrichit le débat démocratique», a-t-il dit.