Un gouvernement péquiste pourrait aller jusqu'à tenir un référendum sur la souveraineté si Ottawa refuse de transférer au Québec tous les pouvoirs et les budgets en matière de culture et de communications.

Lors du dévoilement de ses engagements en matière culturelle hier, Pauline Marois a également promis de rédiger «une nouvelle loi 101», dans le but de franciser les entreprises de moins de 50 employés. Si celles-ci refusent de participer à la démarche malgré la création d'incitatifs fiscaux, un gouvernement péquiste aurait recours à des mesures coercitives.

 

Sur la scène du théâtre La Licorne, dans le décor de bunker antinucléaire de la pièce Après la fin, Pauline Marois a lancé son offensive identitaire. «Nous n'accepterons plus que le fédéral décide à notre place en matière de culture et de communications», a-t-elle affirmé, entourée de candidats, dont Louise Beaudoin et Pierre Curzi.

Un gouvernement du PQ exigerait d'Ottawa le rapatriement de tous les pouvoirs et des budgets en cette matière, quelque 300 millions de dollars par année. Pauline Marois exige le transfert des programmes culturels de Patrimoine Canada, Téléfilm Canada, l'Office nationale du film, le Conseil des arts du Canada et le CRTC. Radio-Canada ne fait pas partie de la liste parce qu'«on a trouvé que la bouchée était pas mal correcte à prendre dans un premier temps», a expliqué Mme Marois.

Le PQ demanderait ce rapatriement au gouvernement Harper dès son arrivée au pouvoir. Si les conservateurs refusent de négocier, il ferait voter à l'Assemblée nationale un projet d'amendement constitutionnel. En cas d'un nouveau refus de la part d'Ottawa, le gouvernement fédéral «vivra avec les conséquences de sa décision», a indiqué Pauline Marois.

Et quelles sont ces conséquences? «À vous de tirer la conclusion.» Un référendum? «Il faudra prendre les moyens qu'il faut. Nous allons aller chercher nos pouvoirs en matière de culture et de communications», a-t-elle répondu, laissant planer cette possibilité.

Appelée plus tard à préciser si un référendum sur la souveraineté fait effectivement partie de ces «moyens», elle n'a pas écarté cette option: «Je vous ai déjà dit que je ne m'engageais pas à tenir un référendum dans la première partie d'un premier mandat parce que je trouve que c'est une obligation qui nous contraint à une stratégie, et on ne connaît pas les conjonctures. Mais je ne m'embarquerai pas non plus dans le fait qu'on ne puisse pas utiliser cet outil s'il est pertinent de le faire.» Mme Marois n'a pas non plus exclu la possibilité de tenir un référendum sur la seule question des pouvoirs en matière culturelle.

La chef péquiste se défend de proposer un «geste de rupture» avec le Canada ou de vouloir provoquer un conflit fédéral-provincial dans le but de créer les conditions favorables à la tenue d'un référendum. «Pourquoi penser qu'on veut cultiver les raisons de la colère? On veut avoir les moyens normaux d'une nation normale (...) qui veut développer sa culture.»

Pauline Marois accuse Jean Charest d'avoir abandonné l'idée qu'il avait lui-même lancée d'une «souveraineté culturelle» pour le Québec. Il privilégie la conclusion d'une entente administrative avec Ottawa, ce qui laisse le dernier mot au fédéral, selon la leader du PQ. Pour Jean Charest, «Mme Marois annonce qu'elle va ajouter à la crise financière une crise constitutionnelle».

Si elle est portée au pouvoir, Pauline Marois promet la rédaction d'une «nouvelle loi 101», celle-là même que son parti a mise au monde. Elle entend franciser les entreprises de moins de 50 employés qui ne sont pas soumises aux obligations de la loi 101 à l'heure actuelle. Des «mesures fiscales» seraient créées pour inciter ces entreprises à participer à une démarche de francisation. «Quand on est au bout des mesures volontaires et incitatives», des «moyens plus coercitifs», des sanctions par exemple, seraient utilisés contre les entreprises récalcitrantes. L'employeur qui exige d'un candidat la connaissance d'une autre langue serait maintenant chargé de démontrer qu'elle est nécessaire pour occuper le poste. L'apprentissage du français serait un droit reconnu pour tout immigrant. Il disposerait de trois ans pour le maîtriser, puisque l'État, qui offrirait les ressources nécessaires en francisation, ne communiquerait avec lui que dans cette langue après ce délai.

Pauline Marois se dit prête à livrer cette bataille même si le patronat et les centrales syndicales s'opposent à sa nouvelle loi 101. «Il y a une différence entre des représentants de travailleurs et d'entreprises et les citoyens. Les citoyens, je crois, souhaitent avoir accès à des services en français», a-t-elle affirmé, déplorant le recul de la langue de Félix Leclerc à Montréal contre lequel Jean Charest «n'a rien fait».

Le PQ s'engage à pallier les coupes de 15 millions de dollars du fédéral dans les programmes culturels. Un gouvernement péquiste augmenterait de plus le budget de la SODEC de 8,5 millions. Et 2,5 millions supplémentaires serviraient à financer des sorties culturelles pour les élèves des écoles primaires et secondaires. Le PQ s'engage à maintenir un ratio d'au moins 1% du budget du gouvernement aux arts et à la culture, ratio déjà respecté par Québec.

Avec Malorie Beauchemin