À la Santé, Pauline Marois avait présidé au départ à la retraite de milliers d'infirmières. Mais dans son précédent portefeuille, à l'Éducation, la chef péquiste avait vigoureusement fermé le robinet et réduit le nombre d'admissions dans les départements de nursing.

Convoqué avec d'autres recteurs d'université au ministère de l'Éducation, à Montréal, Jacques A. Plamondon se souvient bien de cette rencontre matinale, où, expéditive, Mme Marois avait menacé de ne pas accréditer les futures infirmières produites par les universités, si les établissements n'acceptaient pas de réduire le nombre des admissions.

 

«Quand j'ai entendu ses explications sur les mises à la retraite, cela m'a hérissé», a dit l'universitaire. Mme Marois a non seulement asséché les hôpitaux de leurs ressources, «mais aussi tari la source», résume-t-il. Dans les deux premières années du gouvernement Bouchard, le moratoire sur l'augmentation des places dans les facultés de nursing ou dans la filière des soins infirmiers au collégial avait soulevé un débat public important.

Aujourd'hui professeur associé à l'École nationale d'administration publique, M. Plamondon se souvient avec précision de cette réunion du 21 novembre 1997 où tous les recteurs du Québec avaient été convoqués - une rencontre qu'il décrit d'ailleurs dans une lettre publiée dans les pages Forum de La Presse aujourd'hui.

Pour lui, «Jean Charest touche juste quand il impute à Pauline Marois une lourde responsabilité dans l'état actuel du système de santé québécois».

À titre de président de la conférence des recteurs, René Simard était porte-parole des établissements à cette rencontre. M. Plamondon a été recteur de l'Université du Québec à Hull, puis a été nommé à Trois-Rivières.

Mme Marois avait d'entrée de jeu soutenu «qu'il y avait trop d'infirmières» et exigeait des universités qu'elles réduisent le nombre des admissions. Quand les universités lui rappelèrent leur autonomie, elle répliqua sans appel: en tant que responsable de l'Éducation, elle pouvait en vertu du Code des professions bloquer l'accès au marché du travail aux nouvelles bachelières. Ces dernières auraient à retourner au cégep pour compléter leur formation.

Les universités ont vite abdiqué, «même si elles jugeaient qu'il y avait là abus de pouvoir de la part de la ministre», poursuit l'ancien recteur. Mais les établissements estimaient «qu'il aurait été contraire à l'éthique d'engager des étudiantes dans une filière de formation qui aurait abouti à un cul-de-sac», écrit M. Plamondon.

«C'était une intervention politique exagérée, j'avais été outré à l'époque. Aujourd'hui, elle pose en missionnaire qui avait dû faire des choix courageux!» critique l'ancien recteur Plamondon, dont la seule activité politique remonte aux années 70, pour le NPD.

Selon M. Plamondon, les infirmières qui auraient pu être formées à l'époque «n'auraient pas 70 ans». Mme Marois, agacée d'être encore critiquée pour les départs d'infirmières lors du programme des retraites anticipées, a soutenu que de toute façon, celles qui sont parties sont septuagénaires aujourd'hui.

Sous Lucien Bouchard, le gouvernement avait permis la retraite accélérée aux employés des réseaux à compter de 50 ans, cinq ans plus tôt que ce qui avait été négocié avec les syndicats du secteur public. Certaines ont 60 ans aujourd'hui. Le gouvernement craignait qu'un programme trop contingenté n'atteigne pas les objectifs d'économie. Finalement, 36 000 personnes étaient parties, deux fois plus que ce que prévoyait Québec. Dans les cercles syndicaux, on insiste aujourd'hui pour dire que cette décision doit être vue dans le contexte de l'époque. Le ministre Rochon avait fait prendre un virage ambulatoire au réseau, plusieurs hôpitaux fermaient à Montréal, des centaines d'employés étaient chez eux, en disponibilité.