Depuis vendredi, Mario Dumont était au téléphone avec ses principaux conseillers. Il évaluait fébrilement l'occasion de prendre publiquement le blâme des déboires de la campagne adéquiste. Seule hésitation: à quel moment ce mea-culpa serait-il le plus opportun? Il était bien tenté d'attendre le débat des chefs, pour assurer une visibilité maximale à sa sortie.

Ses coups de fil aux Sébastien Proulx, Pierre Brien et Éric Caire l'ont toutefois convaincu du contraire. «Le message ne passe pas. Il y a un blocage, parce que les gens nous disent d'abord qu'on les a déçus», résumaient en substance les candidats.

 

Pas question d'attendre plus longtemps, de reporter à la fin novembre une admission nécessaire pour que les candidats puissent «passer à autre chose» avec les électeurs.

Au jour 12 de la campagne, il était plus que temps que l'ADQ secoue la torpeur des électeurs. Le parti reste désespérément dans la cave dans tous les sondages. Sur le terrain, les adéquistes conviennent vite qu'ils sont dans le pétrin. L'hypothèque de la «déception» devait être levée, et rapidement.

Déjà les électeurs sont passablement grincheux, les candidats n'ont pas même le temps de dire pour quel parti ils font campagne que les gens répliquent: «Laissez-nous tranquilles avec vos élections!»

Le premier aveu, celui de «l'impatience», s'imposait. À peine arrivée à l'Assemblée nationale, l'ADQ trépignait - elle a prétendu renverser le gouvernement pour un faible taux de participation aux élections scolaires. Les Québécois voulaient voir l'ADQ se préparer comme une opposition féroce à l'Assemblée nationale.

D'autres erreurs de parcours sont criantes. Mario Dumont a fonctionné tout fin seul, en pratique, depuis 1994, et l'arrivée de 40 autres députés au printemps 2007 n'a jamais été assimilée.

Il est une autre erreur que Mario Dumont n'admettra pas. Son appui tous azimuts aux conservateurs de Stephen Harper, cet automne, n'aura pas aidé les adéquistes, identifiés désormais à une campagne ratée.

Pire encore, les candidats conservateurs, ou les rares conservateurs élus le 14 octobre, ne se sont pas dépêchés de renvoyer l'ascenseur aux candidats adéquistes. À Ottawa, Dimitri Soudas, attaché de presse de M. Harper et l'un de ses principaux conseillers pour le Québec, dit partout «qu'il ne faut pas hésiter à appuyer ceux qui nous ont appuyés». Issu de l'ADQ, Soudas sait très bien qu'ainsi les appuis aux libéraux de Jean Charest seront bien rares.

À Ottawa, on estime que l'intervention des libéraux provinciaux - plus de 15 sorties des ministres et du premier ministre - a fait en sorte que les conservateurs sont restés minoritaires. M. Soudas a, après la campagne fédérale, fait des appels téléphoniques pour savoir qui, des adéquistes ou des libéraux, avaient appuyé les candidats conservateurs.

Le gouvernement Harper ne se mêlera pas de la campagne. En 2007, les annonces fédérales étaient déjà au frigo durant la période électorale. Cette fois-ci, Stephen Harper ne viendra même pas donner un coup de pouce fortuit. Il lui aurait été facile par exemple d'approuver du bout des lèvres l'idée d'un train rapide Québec-Windsor, évoquée par M. Charest la semaine dernière.

Il ne faut pas s'attendre davantage à ce que des ministres conservateurs sautent au cou des libéraux. En 2007, Lawrence Cannon était venu faire campagne à Québec pour son fils et s'était fait photographier avec Jean Charest. Michael Fortier avait publiquement pris position pour le PLQ.

Au début de la campagne fédérale, Mario Dumont avait clairement appuyé M. Harper. C'était moins clair à l'approche du scrutin, quand l'étoile des «bleus» avait pâli au Québec. Les organisateurs adéquistes conviennent qu'ils n'ont pas vu de conservateurs dans leurs locaux. «D'ailleurs, on ne peut pas dire que les conservateurs ont une véritable machine au Québec», insiste un proche de M. Dumont. Pourtant, dans les Laurentides, les députés adéquistes avaient appuyé Claude Carignan, le candidat de Stephen Harper. À Trois-Rivières et à Québec, Sébastien Proulx et Sylvain Légaré avaient fait tout leur possible pour les conservateurs.

Chez les libéraux, on se contentera fort bien du silence. On chuchote aussi que le choix de Christian Paradis comme lieutenant québécois de Stephen Harper est une bonne nouvelle. Il n'a guère milité au provincial, mais sa famille et lui sont plus associés aux libéraux dans la région de Thetford - il était des partisans de Laurent Lessard, ancien maire de Thetford, devenu ministre de Jean Charest.

Si les sondages montraient Dumont en avance, on peut penser qu'à Ottawa on aurait sonné le tocsin pour venir au secours de la victoire. Au lieu de cela, les conservateurs ressassaient la semaine dernière leur vieux rêve d'un parti conservateur provincial au Québec.