Alors que la campagne municipale bat son plein, notre journaliste parcourt les routes du Québec et s'intéresse à ces villes dont on parle moins, mais qui ont toutes leurs propres enjeux et débats.

Sur la rue Principale de Lachute, chaleureuse et bien tenue, l'architecture et la nature des immeubles en disent long sur l'histoire de la ville centre d'Argenteuil.

 

De part et d'autre du resto-bar Top Shot - où se produisent tant l'humoriste Mike Ward que la chanteuse Ariane Moffat -, trois lieux de culte d'une autre nature s'alignent presque côte à côte: ici l'église anglicane St. Simeon, là l'église presbytérienne et, 100 pieds plus loin, le temple de l'Église unie du Canada (protestante) avec une plaque qui dit: «We Just Keep Forgetting». On n'arrête pas d'oublier...

À cheval sur la rivière du Nord, cachée derrière Mirabel entre l'Outaouais et les Basses-Laurentides, Lachute ne peut oublier l'héritage des Loyalistes du Vermont, des Écossais et des Anglais de Bytown, bourgade devenue capitale sous le nom d'Ottawa. Mais les choses ont changé. D'abord anglophone, «The Chute» a vu sa population francophone augmenter sans cesse jusqu'à ce qu'elle compte pour la moitié des habitants de la ville au milieu du XXe siècle.

«Tout s'est toujours passé dans l'harmonie», nous dira le maire Daniel Mayer en rappelant que, dans les années 50, les deux communautés s'étaient entendues sur une alternance à l'hôtel de ville: un maire francophone pendant deux ans puis un maire anglophone pour les deux années suivantes. On aurait pu faire la même chose avec l'aréna qui, autre originalité lachutoise, porte le nom des deux gloires sportives du coin: Kevin Lowe, fils chéri de «Main Street» où sa famille exploite toujours une crémerie, plusieurs fois champion de la Coupe Stanley avec les Oilers d'Edmonton dont il est aujourd'hui le président, et Pierre Pagé, ancien entraîneur des Nordiques de Québec originaire de Saint-Hermas, le village voisin.

Disons qu'ici, les Anglos de Lachute auraient été en droit d'exiger l'exclusivité... Même si aujourd'hui, ils ne comptent plus que pour 9% de la population de la ville où «Mayor Mayer» est le maire de tout le monde. Du moins jusqu'au 1er novembre, jour d'élection qui mettra un terme à une campagne assez éclatée.

Maire depuis 1992, Daniel Mayer est en lice pour un sixième mandat, à la tête d'une équipe comptant trois des six conseillers sortants. Des trois autres conseillers sortants, deux se présentent contre lui à la mairie - Carl Péloquin avec une équipe et Denis Richer comme indépendant - alors que le troisième, Guy Desforges, a joint les rangs du Parti du retour aux citoyens dont le candidat à la mairie, Denis Sabourin, a déjà été membre du conseil.

Derrière sa grosse barbe blanche, Daniel Mayer respire la confiance; il n'a jamais, en 18 ans à la mairie, augmenté l'impôt foncier, il vient de signer de nouvelles conventions avec les cols bleus et les cols blancs et sa ville n'a jamais délivré autant de permis de construction. Une seule ombre: cette enquête de l'escouade des crimes économiques de la Sûreté du Québec sur la Régie intermunicipale Argenteuil Deux-Montagnes, une corporation de gestion des résidus présidée par M. Mayer. «Aucune accusation n'a été portée», nous avait-il dit mardi dernier; vendredi, nous avons appris de la SQ que «le dossier a été soumis au procureur (de la couronne) pour étude».

Ses adversaires se servent-ils de cette enquête dans leur campagne? avons-nous demandé à Daniel Mayer. Réponse de l'ancien boucher et ambulancier, qui n'a pas peur du sang ni des mots: «Mes adversaires, c'est tous des mangeux de marde! Je m'excuse, mais c'est ça!»

Carl Péloquin est le cadet de ce groupe sélect...Bachelier en administration des affaires de l'Université d'Ottawa et père d'une famille reconstituée de cinq enfants - «2 " 2 " 1» -, ce marchand de produits en vrac de la rue Principale a décidé que l'heure était venue. «J'ai quitté le Parti du retour aux citoyens parce que les gens avaient la tête un peu dure: toujours le même monde avec les mêmes idées. Ils me disaient: «Attends, t'es pas prêt...» Moi, je dis qu'il est temps de faire confiance à la relève et la relève, c'est nous autres, moi et mon équipe.» Trois des équipiers de M. Péloquin ont moins de 40 ans et deux d'entre eux, Lise Laroche et Pascal Charbonneau, forment un couple. Un couple à la Ville...

Entre autres projets, M. Péloquin veut doubler la surface de la bibliothèque et faire augmenter les effectifs de la SQ dont relève maintenant Lachute (qui a eu son propre corps de police jusqu'en 2002). Au-delà du manque d'effectifs, dira Carl Péloquin, le problème de la SQ est un problème de culture: «La culture de la SQ ne s'est pas encore adaptée au travail policier en milieu urbain; c'est encore une police rurale...»

Et Lachute est une ville que Carl Péloquin se dit prêt à diriger. «J'ai 37 ans et six ans d'expérience au conseil. Je connais les gens, je connais la ville et ses problèmes. Je suis prêt.»

 

LACHUTE

Incorporation: 1885

Population: 12 000 habitants

Gentilé: Lachutois, -oise

Maire: Daniel Mayer

MRC: Argenteuil

Région: Laurentides

De Montréal: 80 km (n.-o.)

Site web: www.ville.lachute.qc.ca