C'était il y a près de 12 ans. Serge Ménard, dont la carrière a toujours été associée à la Sécurité publique et à la Justice, se trouvait parachuté au ministère des Transports. Vite, les entrepreneurs ont sollicité des rencontres, et l'un d'eux était particulièrement insistant.

«Je pense que ce ne serait pas une bonne idée de le rencontrer», lui souffle alors Denis Dolbec, son jeune chef de cabinet. Cet entrepreneur va devenir célèbre malgré lui, mais 10 ans plus tard seulement. C'est Tony Accurso.

Longtemps conseiller de l'ombre, M. Dolbec est devenu officiellement, hier, à 49 ans, chef de cabinet du maire de Montréal, Denis Coderre. «Il avait un flair particulier et il apportait une importance énorme à l'intégrité. Il me disait souvent de me méfier de gens qui voulaient me contacter, dont M. Accurso. Dolbec m'avait dit tout de suite: «Fais attention à ce gars-là! "», se rappelle très clairement Serge Ménard.

Bien candide, Me Ménard croyait alors que le système d'appel d'offres public était une barrière inexpugnable contre les manoeuvres illégales. Son sous-ministre Jean-Paul Beaulieu lui a appris que ce n'était pas le cas, qu'il fallait rester vigilant. Denis Dolbec sera un chien de garde idéal, se rappelle Ménard. Le chef de cabinet était particulièrement alerte pour vérifier les rumeurs. Imperméable aux influences, le tandem Ménard-Dolbec a vite acquis un surnom dans le milieu des entrepreneurs: «les deux colombes». «J'avais pu deviner à l'époque qu'il y avait des problèmes, mais ce qu'on a vu depuis est mille fois pire que je pensais», a résumé M. Dolbec dans une entrevue à La Presse, hier.

L'amour de la sécurité publique

Jeune avocat, originaire de Shawinigan, Denis Dolbec a fait ses premières armes comme procureur de deux officiers de la SQ, témoins dans le cadre de la commission Roberge qui, en 1998, avait à tirer au clair les causes du décès de deux autochtones, 20 ans plus tôt, sur la rivière Moisie. «Je suis tombé en amour avec la police, et j'ai tout de suite senti que la sécurité publique m'intéressait», explique-t-il.

Pas de politique dans la famille: fils de courtier en assurances, son père était surtout connu comme entraîneur des équipes de hockey junior en Mauricie. Mais par l'entremise d'une connaissance du cabinet de Pauline Marois, MarieJeanne Robin, il apprend que Serge Ménard, alors à la Sécurité publique, se cherche un attaché de presse. M. Dolbec n'hésite pas une seconde.

C'est à l'époque que le jeune avocat rencontre Jacques Duchesneau, alors patron du SPVM. Ils garderont toujours le contact. Quand l'ex-policier décide de se présenter pour la Coalition avenir Québec, en 2012, il appelle naturellement Denis Dolbec pour un coup de main, lequel essaie autant que possible de ne pas être associé publiquement à la CAQ.

«Dolbec est un gars rigoureux, un avocat qui ne parle pas pour ne rien dire. Il est capable d'offrir des solutions. Il vouvoie toujours ses patrons», même Duchesneau, qu'il connaît pourtant depuis près de 20 ans.

Surtout, «il ne s'énerve jamais, il garde un recul», observe Duchesneau. Une qualité qui sera fort utile au député caquiste, prompt à s'emporter. En ce sens, «il va être un allié extraordinaire pour [Denis] Coderre, qui est un peu sanguin aussi», dira, amusé, M. Duchesneau.

«C'est un gars qui restait toujours calme. En politique, c'est plein de monde qui crie et se choque à tout bout de champ. Ce n'était pas son style», se rappelle Louis-Pascal Cyr, attaché de presse de Serge Ménard à l'époque. «C'était une gestion collégiale; le cabinet est longtemps resté en contact et j'ai toujours pensé que Denis y était pour quelque chose», résume-t-il.

Choisir le cheval et non l'écurie

Quand le PQ perd le pouvoir en 2003, M. Dolbec est récupéré par une connaissance de longue date, l'homme d'affaires de Laval Jean Rizzuto, qui l'emploie à Métrocom, une firme partenaire de la STM, pour la gestion des commerces dans le métro de Montréal. Lino Zambito, une vedette de la commission Charbonneau, est le neveu de M. Rizzuto. «Je le connais, mais ce n'est pas quelqu'un que je côtoie», se limite à dire M. Dolbec. Quand Corival, l'entreprise familiale des Rizzuto, se retrouve sur la sellette après l'effondrement du viaduc de la Concorde, Dolbec fera des communications pour Interstate Paving, une firme associée.

C'est Jean Rizzuto, encore, qui invite Dolbec à rencontrer Denis Coderre, une proximité qui est devenue évidente, hier. En 2009, le bouillant député de Bourassa perd son poste d'organisateur du Québec. Michael Ignatieff n'avait pas prisé que Coderre, un fidèle de Jean Chrétien, dise que le PLC était dirigé depuis Toronto. Denis Dolbec et Jean Rizzuto démissionnent de leur poste au PLC. Comment passe-t-on du PQ au PLC? «Je suis celui qui appuie un cheval, pas une écurie», dit Dolbec, sibyllin. Ses loyautés vont à des individus dont il a pu apprécier les qualités plutôt qu'à une organisation et ses dogmes. «Au PQ, au PLC, à la CAQ, je n'ai jamais milité, mais travaillé avec des gens en qui je croyais», explique-t-il.

M. Dolbec, même sorti de la politique, restera aux aguets. Quand l'ex-cadre de Transports Québec François Beaudry a rencontré l'équipe d'Enquête à Radio-Canada pour montrer la faiblesse des contrôles du Ministère, c'est Denis Dolbec qui a ficelé l'affaire.

«Dès lors, pour moi, il était clair que le problème venait du financement des partis politiques», expliquait Denis Dolbec, hier.