ANALYSE - Denis Coderre a beau avoir été l'organisateur de Jean Chrétien pour le Québec et avoir joué plus souvent qu'à son tour le «goon» du camp fédéraliste, à Québec, le gouvernement Marois va mettre le compteur à zéro et faire table rase des anciens différends.

La rencontre est importante: il y a bien longtemps que Québec ne s'est pas retrouvé face à un maire de Montréal ayant une crédibilité intacte, sans relents de contrats douteux. Le nouvel élu arrive à un moment déterminant dans l'histoire de la métropole, relève-t-on à Québec.

Comme politicien fédéral, Coderre n'avait guère d'atomes crochus avec le Parti québécois. Soit, il avait flirté avec le camp du Oui en 1980 et vaguement milité dans la circonscription de Jacques-Yvan Morin, mais l'essentiel de sa carrière politique s'est déroulée dans l'ombre de Jean Chrétien - encore ce week-end, Coderre allait à la rencontre des chauffeurs de taxi, une recette de campagne maintes fois éprouvée par son mentor.

Sa carrière s'est passée en parallèle du parcours de Pauline Marois, de Sylvain Gaudreault et de Jean-François Lisée; il n'a jamais croisé le fer avec eux. Avec Coderre à l'hôtel de ville de Montréal, il n'y aura pas beaucoup de vieilles rancoeurs à digérer à Québec, confie un proche de Mme Marois. Ses ennemis seront peut-être de l'autre côté du salon bleu de l'Assemblée nationale. «Denis et le PLQ, cela n'a jamais marché», relève un libéral de longue date.

«Il faut rechercher des consensus. C'est urgent pour l'avenir de Montréal, il faut remettre la ville sur les rails», a observé hier soir Jean-François Lisée. Le nouveau maire a déjà partagé des idées avec Québec sur les changements structurels nécessaires - Coderre ne veut pas toucher au nombre d'arrondissements et d'élus. Rapidement, Québec compte s'entendre avec lui pour «une feuille de route» permettant d'envisager avec optimisme le jalon important qu'est le 375e anniversaire de la métropole, en 2017.

Lisée s'est entretenu avec Coderre à deux reprises; il l'a rencontré, comme les trois autres candidats, dans le cadre de la campagne. Mais Lisée a aussi rencontré le député fédéral de Bourassa avant qu'il ne se lance dans la course, alors qu'il sollicitait des avis sur sa possible candidature. «C'est un pragmatique», résume Lisée, selon qui Québec travaillera avec le nouveau maire «sans égard à son rôle politique passé».

Mais il faudra que Québec joue de finesse. Déjà, les candidats n'étaient pas contents d'avoir été «convoqués» par le ministre de Montréal, qui voulait les voir alors que s'amorçait la campagne. Le gouvernement Charest traitait avec condescendance Gérald Tremblay. Le PQ a fait pire, laissant tomber sans autre forme de procès un élu qui n'avait pas été trouvé coupable de quoi que ce soit.

Denis Coderre voudra vite adopter le rôle du politicien populiste, du maire de «proximité» qui parle comme ses électeurs. Régis Labeaume lui cédera volontiers cette marque de commerce. Mais tout le monde prévoit que Coderre n'aura pas la même fermeté qu'un Labeaume face à ses syndicats. Ce ne sera pas l'homme des réformes audacieuses, prévoit-on déjà. Sa bonhomie «montréalaise» rappelle davantage le regretté Jean-Claude Malépart que Jean Drapeau.

À Québec, on a observé avec intérêt que Coderre n'a pas, comme Mélanie Joly, réclamé un transfert de la taxe de vente. Embarquera-t-il dans le bateau de l'Union des municipalités? L'association se prépare en effet à demander du gouvernement minoritaire un transfert de 100% de la TVQ, soit 350 millions par année à terme. Or Québec devrait pour cela renier une entente signée avec Ottawa, qui doit entrer en application en 2014.

Contacts péquistes

Le nouveau maire a déjà des entrées au gouvernement. Son passage dans la Coalition pour sauver la raffinerie Shell, il y a deux ans, a réhabilité l'ancien «goon» de Chrétien auprès des péquistes dans l'Est. On ne parle pas d'amitié intime, mais de relations conviviales avec les Louise Harel, Nicole Léger, Carole Poirier et Maka Kotto. Il a aussi de bons rapports avec André Lavallée, ancien élu montréalais devenu sous-ministre à la métropole. Il a aussi ses entrées auprès de Francine La Haye, l'amie de longue date de Mme Marois et de sa chef de cabinet Nicole Stafford. Mme La Haye travaille chez National, tout comme Serge Paquette, le patron de National à Montréal. «Il a plusieurs canaux de communication avec le gouvernement», résume un vétéran péquiste. C'est Paquette qui a envoyé comme caution péquiste dans le camp Coderre un autre de National, Pierre Bélanger, un ancien ministre de Lucien Bouchard.

Tout «parlable» qu'il soit, Coderre ne perd guère de temps avec des dossiers qui ne le servent pas. Shell lui a permis de revenir en scène au moment où il avait perdu le poste de lieutenant du Québec, au profit de Marc Garneau. Sous Michael Ignatieff, le bouillant Coderre avait déclaré que le PLC était dirigé depuis Toronto... ce qui lui avait valu un long passage à vide à Ottawa. Le dossier de Shell tombait à point, la mairie de Montréal aussi