Normand Ratelle, 77 ans, adore les Galeries d'Anjou. « Je suis ici quasiment 7 jours sur 7 et je connais toutes les gangs de petits vieux ! », lance-t-il entre deux gorgées de café.

Tracez une croix dans un trapèze et vous venez, grossièrement, de dessiner une carte d'Anjou. Divisé en quatre secteurs bien distincts par l'échangeur de l'autoroute Louis-H.-La Fontaine et de la Métropolitaine, l'arrondissement de 14 km2 n'a pas de véritable centre.

C'est pourquoi l'aire de restauration rapide du centre commercial est l'un des principaux points de rassemblement de l'arrondissement, particulièrement pour les aînés qui forment 22 % de la population angevine, faisant d'Anjou l'arrondissement avec le plus haut taux de personnes âgées à Montréal.

Normand Ratelle et sa femme se sont installés à Anjou il y a 15 ans. Ils y avaient déjà vécu dans les années 60. C'est la qualité de vie et la tranquillité qui les ont ramenés à Anjou. « J'ai un grand bungalow avec 8000 pi2 de terrain. Tous les jours, je promène mes chiens dans le parc en face de chez moi, l'été je profite de ma piscine et nous avons des voisins extraordinaires », énumère-t-il. « La valeur de notre maison a plus que doublé », ajoute sa femme Lyse Pharand, 70 ans.

L'arrivée des Galeries d'Anjou, construites en 1968, va de pair avec le développement du quartier. Jusque dans les années 50, Anjou était un territoire agricole. L'ancienne ville, fusionnée à Montréal en 2002, s'est développée sur le modèle de banlieue à partir des années 50 et 60. On y retrouve aujourd'hui un mélange de maisons, de duplex et de jumelés. Il y a aussi de hautes tours d'habitation autour des Galeries d'Anjou.

« Quand je suis arrivé à Anjou en 1967, il n'y avait pas grand-chose sauf des champs partout ! Ils étaient en train de construire le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine et après ç'a poussé comme des champignons », se souvient un autre habitué des Galeries d'Anjou, Rolland Gautier, 80 ans.

Plus de transports en commun

Les Galeries d'Anjou, situées au sud de l'autoroute 40 et à l'ouest de l'autoroute 25, sont le pôle commercial du secteur. Au nord-ouest de l'échangeur se dressent un immense quartier industriel et un golf. Au nord-est, c'est le Vieux-Anjou, un quartier résidentiel de classe moyenne avec quelques poches de pauvreté, où vit la majorité des 42 000 résidants. Au sud-ouest, le Haut-Anjou, un second quartier résidentiel avec des enclaves huppées et industrielles.

« Ça se fait super bien en voiture, mais pour se rendre du Haut au Vieux, où la plupart des organismes sont situés, il faut prendre au moins deux autobus », remarque Marie-Michèle Mondor, coordonnatrice par intérim du Regroupement des organismes et des citoyens et citoyennes humanitaire d'Anjou (ROCHA).

Les transports sont un enjeu de taille pour l'arrondissement. « Il n'y a qu'une seule épicerie dans tout le Vieux-Anjou. Encore là, c'est difficile de se rendre par exemple à la Fruiterie 440 dans le secteur des Galeries d'Anjou en transports en commun, donc les gens qui n'ont pas de voiture n'ont pas une très grande offre alimentaire. » 

En 2006, 30 % des résidants d'Anjou vivaient sous le seuil de la pauvreté. Vraisemblablement, ils sont nombreux à ne pas avoir de voiture.

« Anjou n'est plus le Westmount de l'Est », lance Marie-Andrée Élie, organisatrice communautaire pour le Centre humanitaire d'organisation de ressources et de référence d'Anjou (CHORRA). L'organisme, qui offre un soutien alimentaire pour les familles dans le besoin, a du mal à suffire à la demande.

Le défi des jeunes

Anjou a toujours accueilli des immigrants. Le quartier compte d'importantes diasporas portugaise et italienne. Aujourd'hui, le visage d'Anjou change, 27 % des habitants sont arrivés au Québec depuis moins de 5 ans. En 2011, presque 40 % de ces immigrants provenaient d'Algérie et 10 % d'Haïti.

« La plupart des gens décident de s'installer à Anjou parce que la paix règne, explique Mme Élie, qui est d'origine haïtienne. Mais 60 % d'entre eux sont des professionnels diplômés dans leur pays qui ne parviennent pas à trouver du travail. Le loyer d'un bas de duplex coûte entre 1100 et 1200 $ par mois, c'est difficile pour plusieurs de joindre les deux bouts. Une mère de famille monoparentale sans voiture qui a plusieurs enfants est contrainte de faire son épicerie au dépanneur. »

Les loyers à prix modique sont difficiles à trouver à Anjou. L'arrondissement compte quatre HLM, mais elles sont exclusivement réservées aux personnes âgées.

Marie et Réjeanne sont deux soeurs retraitées qui vivent ensemble dans un duplex d'Anjou. Elles aimeraient déménager sur la Rive-Sud. « Il y a plusieurs années, on trouvait ça plus calme. Mais le soir, les jeunes se tiraillent dans la rue et ils se promènent en gros groupes. J'ai peur de me promener le soir », dit Marie.

« L'avantage à Anjou, c'est qu'il y a beaucoup de groupes de loisirs pour les aînés, affirme Marie-Michèle Mondor. Nous avons une maison des jeunes, mais on voudrait qu'il y ait encore plus d'activités pour les jeunes. Ça pourrait notamment aider avec le sentiment d'insécurité que ressentent certains aînés lorsqu'ils voient des groupes de jeunes qui flânent. »

Selon Mme Mondor, un autre défi qui attend Anjou sera de développer un sentiment d'unité. « Lors de notre forum de développement social cette année, nous avons entendu beaucoup de gens qui voulaient plus de fêtes de quartier et davantage de lieux de rencontre conviviaux pour développer un véritable sentiment de vie de quartier. »

Anjou

Taux de participation de 2009: 46,61 % 

(ensemble de Montréal 39,4 %)

Maire sortant : Luis Miranda, élu à 55,32 %

À surveiller en 2013

Le maire sortant Luis Miranda tente de conserver son siège de maire d'arrondissement. Anciennement avec Union Montréal, la formation politique de Gérald Tremblay, il se présente désormais sous la bannière Équipe Anjou avec une équipe complète de cinq candidats. Il affrontera la psychosociologue Nyrlande Marcellus, de Coalition Montréal, l'organisateur communautaire René Obregon, de Projet Montréal, et Rémi Tondreau, ancien conseiller d'arrondissement d'Anjou de 2005 à 2009 et commissaire à la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île.