Un phénomène résume à merveille la revitalisation du centre-ville de Montréal : les graffitis.

L'arrondissement de Ville-Marie, qui englobe le coeur économique et culturel de la métropole, des rues Atwater à Frontenac, du Vieux-Montréal au mont Royal, a en effet un heureux problème : près de 10 000 nouveaux résidants ont choisi d'y habiter depuis 2001, une hausse remarquable de 12 %. Cette tendance que lui envieraient bien des métropoles nord-américaines, les Pittsburgh, Cleveland et Buffalo désertés après 17 h, est cependant devenue un défi de taille pour l'arrondissement.

Avec la vie au centre-ville vient une autre obligation, celle de la cohabitation. Après avoir regarni son équipe en contrôle du bruit en 2008, l'arrondissement de Ville-Marie a mis sur pied, il y a un an et demi, une véritable escouade de huit cols bleus spécialisée dans la chasse aux graffitis.

La Presse a pu voir ces travailleurs à l'oeuvre pendant deux matinées. Impossible de voir le centre-ville du même oeil quand on participe à cette chasse insolite aux graffitis, lesquels renaissent parfois quelques minutes après avoir été effacés.

Dans le secteur est de l'arrondissement, « un des plus difficiles », selon le contremaître Louis Hébert, un tag du Parti communiste révolutionnaire côtoie un graffiti anarchiste. « Lui, il revient tout le temps. » Partout, de petits gribouillis sans signification pour le commun des mortels signalent qu'on entre dans la zone d'un gang de rue. Rue Hochelaga, un tunnel s'est transformé en véritable chef-d'oeuvre. « Ceux-là sont permis et il y a même un respect des graffiteurs : ils ne les abîment pas. »

Pour la sécurité

Perçus de façon romantique comme l'expression d'une certaine liberté artistique, les graffitis sont surtout utilisés par les gangs de rue pour délimiter leur territoire. Peu d'entre eux peuvent prétendre à un statut artistique. Leur présence et leur chasse montrent bien l'évolution du centre-ville.

« Ces gens-là, ils visent quelque chose : ils ne vont pas graffiter où il n'y a pas de monde, explique Manon Ouellet, agente de projet à l'arrondissement de Ville-Marie. En même temps, beaucoup de signalements nous viennent des citoyens eux-mêmes. Leur sentiment de sécurité y est pour beaucoup. C'est flagrant de voir le nombre de plaintes diminuer quand on nettoie un tunnel ou un passage de ses graffitis. »

Évidemment, convient Mme Ouellet, la revitalisation économique du centre-ville procure à l'arrondissement une aisance financière qui lui permet de trouver les fonds pour ce programme - près de 350 000 $ par année. Avec des surplus de 12 millions l'an dernier et une explosion des valeurs foncières de 60 % entre 2005 et 2012, l'arrondissement en a « les moyens ».

Plus petits, plus loin

L'équipe de cols bleus a entrepris de repeindre le mobilier urbain avec un produit, essentiellement à base de caoutchouc, qui empêche les graffitis d'adhérer. « Première en Amérique du Nord » pour une surface fermée, on a également appliqué ce traitement à un tunnel fort apprécié des graffiteurs, dont l'arrondissement a demandé de taire l'emplacement. « On ne veut pas qu'on vienne abîmer la surface avec des couteaux, ça deviendrait un défi pour les graffiteurs », explique Mme Ouellet.

Durant des périodes moins fastes, pendant les années 90, et avant que le centre-ville ne soit redécouvert par des milliers de résidants, les graffiteurs avaient la vie belle. La chasse que leur livrent les huit cols bleus de l'arrondissement a eu un effet perceptible. « On ne trouve plus beaucoup de graffitis sur plusieurs mètres carrés, ils n'ont plus le temps de faire ça », indique le contremaître Louis Hébert.

Les autres arrondissements, notamment le Plateau-Mont-Royal, ont même constaté une migration des tagueurs sur leur territoire. « C'est un constat, une simple observation qui n'est pas documentée », précise Manon Ouellet.

Vivre vieux au centre-ville

Lieu de passage par excellence, le centre-ville de Montréal a également ses résidants de longue date. Ces personnes âgées l'ont vu se détériorer, reprendre du poil de la bête et être le théâtre de manifestations quotidiennes, l'an dernier.

S'occuper des aînés dans Ville-Marie, comme le fait l'organisme Action centre-ville, « c'est un défi particulier », résume Hélène Laviolette, responsable du développement social et communautaire.

« On va dans Ahuntsic, dans Rosemont, on sait qu'il y a de la famille. C'est un peu oublié dans le centre-ville. Il y a cette volonté de créer un lien où les résidants se sentent chez eux. »

L'organisme a été fondé expressément pour donner un lieu de rassemblement aux personnes âgées. À l'origine, sa mission consistait à s'occuper des chambreurs ; elle s'est diversifiée au cours des années. « C'est un quartier vraiment éclectique. Vous avez les condos de luxe rue Sherbrooke, juste en arrière il y a les Habitations Jeanne-Mance. Il y a des sans-abri, des aînés qui ont faim et qui viennent nous voir. On fait face à tout ça. »

Et le sentiment de sécurité dans tout ça ? Ce sont surtout les manifestations de l'an dernier qui l'ont malmené, indique une consultation menée par Action centre-ville. Mais le reste du temps, « ce n'est pas si pire que ça », estime Mme Laviolette.

« Oui, certaines personnes ne sortent pas après une certaine heure. Oui, c'est olé olé, mais par rapport à d'autres villes, Montréal est relativement calme. La majorité des aînés ne se sentent pas assiégés et ils sont ici, parfois, depuis plus de 40 ans. » En fait, a-t-elle constaté, la situation s'est améliorée au cours des dernières années, notamment avec l'arrivée de nouveaux résidants.

Le Vieux toujours en vie

Il y a une cinquantaine d'années, l'administration Drapeau a proposé sans rire de raser le quart du Vieux-Montréal pour y faire passer ce qui allait devenir l'autoroute Ville-Marie. Les temps ont changé : l'an dernier, une consultation publique sur l'avenir du Vieux a mobilisé près de 2000 personnes.

Les travaux de l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM) ont permis de faire deux découvertes : les Montréalais sont attachés à leur quartier fondateur, et près de 40 000 personnes y vivent ou y travaillent. Comme dans le reste du centre-ville, ce quartier autrefois perçu comme un musée fréquenté uniquement par des touristes doit maintenant relever le défi de la cohabitation.

C'est une des recommandations du rapport de l'OCPM déposé en mai dernier. En ajoutant des espaces verts, en contrôlant les « nuisances » comme le bruit nocturne, on souhaite « confirmer le milieu de vie » qu'est devenu le Vieux-Montréal.

Ville-Marie

Taux de participation en 2009 : 39,4 % (même taux que dans l'ensemble de Montréal)

Maire élu : Gérald Tremblay (37,9 % des voix)

Enjeux en 2013

Ville-Marie est un cas unique, puisque le maire de Montréal devient automatiquement maire de cet arrondissement. C'est également lui qui nomme deux des cinq conseillers de l'arrondissement, ce qui assure à son équipe la majorité absolue, car le maire dispose d'un vote prépondérant. Les luttes locales dans Ville-Marie ne sont donc pas déterminantes.

 - Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a choisi un des trois districts, celui de Saint-Jacques, pour y présenter sa colistière, Janine Krieber. Si elle est élue, elle devra céder son siège à son chef s'il ne remporte pas la course à la mairie.

 - Dans le district voisin de Sainte-Marie, c'est la chef de Vision Montréal et codirectrice de Coalition Montréal, Louise Harel, qui se présente. Elle se frottera au conseiller sortant, l'indépendant Pierre Mainville.

 - Le conseiller actuel du troisième district, Peter-McGill, est le vétéran Sammy Forcillo, qui a annoncé sa retraite politique. Damien Silès, de l'équipe Coderre, et Jimmy Zoubris, de Projet Montréal, tenteront de le remplacer.