Les gens du coin affirment qu'on peut toujours déceler, sur l'asphalte, les traces des voitures calcinées des émeutes d'août 2008. Franchement, il faut avoir l'oeil aiguisé. Un passant non averti serait sans doute fort incrédule si on lui disait qu'il se trouve au coeur de ce qu'on a surnommé, à l'époque, le Bronx de Montréal-Nord.

À l'angle des rues Rolland et Pascal, épicentre des émeutes, de mornes stationnements ont fait place à des arbres, des vivaces, des bancs et des trottoirs tout neufs. Devant les habitations « Rayon de soleil », destinés aux jeunes mères seules, on a aménagé une placette publique, baptisée « place de l'Harmonie ».

Le Bronx se refait une beauté. Mais d'ici 10 ans, c'est tout Montréal-Nord qui pourrait se métamorphoser. Après des décennies de développement aussi frénétique qu'anarchique, les autorités locales ont de grandes ambitions pour l'arrondissement mal aimé. Mieux : les gens, ici, ont commencé à y croire. Et à mettre la main à la pâte.

Le Bronx, c'est à peine six pâtés de maisons dans le secteur nord-est de Montréal-Nord, là où Fredy Villanueva a été abattu par un policier, le 9 août 2008. Depuis, l'arrondissement a consacré 4,5 millions pour réaménager les parcs et les places publiques de ce secteur. Ce n'était pas évident ; le quartier est si dense qu'il a fallu enclaver d'étroits parcs linéaires entre deux rangées d'immeubles de logements. Il n'y avait pas d'autres espaces libres.

« Faire du neuf avec du vieux, c'est de l'ouvrage, soupire le maire de l'arrondissement, Gilles Deguire. Le problème de Montréal-Nord, c'est que, longtemps, il n'y a pas eu de vision de développement. Quand je suis arrivé en 2009, c'était un arrondissement qui se contentait de ramasser ses vidanges et de couper son gazon. »

La vie rêvée de Montréal-Nord

Aujourd'hui, les dirigeants politiques et leurs partenaires communautaires sont bien décidés à s'affranchir de l'héritage de l'ancien maire, Yves Ryan, qui a dirigé Montréal-Nord pendant 38 longues années sans réel plan d'urbanisme, en tenant bien serrés les cordons de sa bourse. Sans suivre, non plus, l'évolution du quartier, fermant les yeux sur les vagues d'immigrants haïtiens, puis latino-américains et maghrébins, attirés par les loyers abordables d'un parc immobilier plus ou moins vétuste.

Résultat de ces décennies de torpeur, le Bronx. Une rue principale, Charleroi, plutôt morose. Et, sur le boulevard Pie-IX, une enfilade monotone de terrains de stationnement, de commerces insipides, de bruit et de poussière.

Tout un contraste avec les dépliants lustrés que brandit M. Deguire avec fierté : de larges trottoirs ombragés, des pistes cyclables, des familles souriantes qui déambulent près des fontaines, des couples qui se prélassent à la terrasse des cafés. D'ici 2020, le maire n'entrevoit rien de moins qu'une « nouvelle ère » à Montréal-Nord.

Au carrefour des boulevards Pie-IX et Henri-Bourassa, on prévoit planter 300 arbres, construire un complexe sportif et ériger une oeuvre d'art public à la hauteur des ambitions locales : une grande roue de 18 m, représentant 5 silhouettes d'autobus courbés.

L'oeuvre de 1 million de dollars sera intitulée La vélocité des lieux. Ce n'est pas un hasard : Montréal-Nord mise sur le prolongement du train de l'Est et de la ligne bleue du métro, ainsi que sur le futur service rapide par bus (SRB) sur Pie-IX pour stimuler les investissements qui font, pour le moment, gravement défaut.

Optimisme débridé ? Peut-être. Mais dès l'automne 2014, de la gare flambant neuve de Montréal-Nord, les résidants ne seront plus qu'à 21 minutes du centre-ville. Il y a des raisons d'espérer.

Sous les pavés, la plage

Ce n'est pas que pour épater la galerie. Un vent d'optimisme souffle bel et bien sur Montréal-Nord, porté par des projets phares comme celui de l'îlot Pelletier. Il n'y a pas si longtemps, ce complexe immobilier de l'ouest de l'arrondissement était le repaire d'un dangereux gang de rue, qui vendait du crack dans ses immeubles insalubres.

« On voyait les gars arriver dans de grosses autos, couverts de bijoux et entourés de pitounes à moitié nues. Ils avaient investi tous les immeubles », raconte Jean-Pierre Racette, directeur général de la Société d'habitation populaire de l'est de Montréal (SHAPEM).

Le gang de la rue Pelletier a été démantelé en 2005. La SHAPEM, appuyée par l'organisme Paroles d'excluEs, a acheté les immeubles de l'îlot Pelletier un à un pour les rénover. Neuf, au total. « On a progressivement pris le contrôle », explique M. Racette, assis à une table à pique-nique de la Voisinerie. Ce paisible jardin de verdure a poussé sous les trois couches d'asphalte arrachées à l'ancien stationnement. « Ici, il y avait des passes de drogue et de prostitution. Ça se tirait carrément dessus ! »

Les familles de l'îlot Pelletier étaient terrorisées. Chacun se terrait chez soi. « Nous avons organisé une fête de quartier dans le jardin. Une dame est venue, on ne l'avait jamais vue. Pourtant, elle habitait là depuis 19 ans ! C'était la première fois qu'elle rencontrait ses voisins », raconte Patrice Rodriguez, coordonnateur de Paroles d'excluEs.

La mutation de l'îlot Pelletier a si bien fonctionné qu'on tente maintenant de répéter l'expérience dans le Bronx, où la SHAPEM a acheté 120 logements décrépis, et devrait bientôt en acquérir 80 autres. Avec l'idée, toujours, d'impliquer les résidants dans toutes les étapes de cette transformation extrême.

Bien sûr, les problèmes sociaux ne se sont pas envolés comme par magie, rue Pelletier. Il y a encore des passes de drogue, de temps à autre, dans le jardin communautaire. « C'est un monstre à sept têtes. Coupez-en une, et elle repousse », dit M. Rodriguez. Il reste que la vie, pour ces familles pauvres, est assurément plus douce.

Jusqu'ici, l'îlot Pelletier avait toujours été une salle d'attente pour les nouveaux immigrants, un endroit où l'on atterrissait, faute de mieux, et d'où l'on déguerpissait à la première occasion. Les résidants se sont réapproprié l'endroit. Et ils y tiennent. « Cet été, j'ai parlé à une résidante enceinte de son troisième enfant, raconte M. Rodriguez. Son logement n'est plus assez grand ; elle doit déménager, mais ne veut pas quitter le quartier. »

Pour Montréal-Nord, il n'y a pas de plus beau problème.

Montréal-Nord

Taux de participation en 2009 : 33,45 % 

(ensemble de Montréal : 39,4 %)

Maire élu : Gilles Deguire (40,5 % des voix)

Enjeux en 2013

Dans l'arrondissement de Montréal-Nord, l'Équipe Coderre présente une équipe presque entièrement composée d'anciens d'Union Montréal, ancien parti de Gérald Tremblay. C'est notamment le cas du candidat à la mairie de l'arrondissement, le maire sortant Gilles Deguire. 

C'est aussi dans cet arrondissement que se présente le colistier de M. Coderre, Jean-Marc Gibeau. Sur la scène fédérale, Montréal-Nord est le fief de Denis Coderre où il a été élu député à six reprises. Mais sur la scène municipale, Montréal-Nord a longtemps été le fief d'Yves Ryan, qui a régné comme maire de 1963 à 2001. Son fils Guy Ryan se présente maintenant comme candidat à la mairie sous la bannière de la Coalition Marcel Côté. 

Suzanne Boivin est la candidate de Projet Montréal pour la mairie de cet arrondissement. En 2009, le candidat de ce parti avait obtenu près de 15 % des voix. Le Groupe Mélanie Joly ne présente pas de candidat.